Projet d'accouchement

Ce « contrat », qu'est-ce que vous en faites?

A propos de l'échange sur la liste Gynelist <http://www.gyneweb.fr/> publié dans le journal GÉNÉSIS n°55 -avril 2000



Echange sur Gynelist

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From: "Patrick Stora" <patrick.stora@worldonline.fr>

Date: Tue, 23 May 2000 10:31:24 +0200

To: naissance@egroups.com

HONTEUX

J'ai pris connaissance du débat portant sur le « contrat d'accouchement » proposé par un couple à notre confrère N'GUYEN HIEU de Caen, dans la revue GENESIS.

J'ai trouvé proprement affligeantes les réactions suscitées par mes pairs à la demande de ce couple.

En effet, reprenons point par point les termes de ce contrat:

Alors, dites moi, qu'y a-t-il de plus normal dans la demande de ce couple grandement responsable, réfléchi et mature ?

Quid des réponses ?

Le problème de la responsabilité est toujours évoqué, Bernard CRISTALLI parle de véritable contrat et J. Michel BRIDERON se pose la question de ce que sera la réaction du couple en cas de conflit, de problème.

Alain HENSENNE ne parle encore que de cela quand il évoque une escroquerie.

Idem Jean THEVENOT lorsqu'il veut fixer ses propres limites pour un choix définitif du couple, une fois ces limites fixées.

En termes juridiques, un contrat est un équilibre et je m'étonne que l'on place la demande sur le domaine de l'escroquerie. Il serait dommage de partir avec de telles intentions sous peine de ne jamais contracter de sa vie, c'est à dire renoncer à vivre tout simplement.

Bien sûr, il faut clarifier d'emblée les choses afin de préserver l'équilibre du contrat. Clarifier la position du couple dans sa demande de façon à ce que personne ne fuie ensuite ses responsabilités, parce que au fond, il est toujours question de médico-légal, et c'est cela qui vous fait peur.

Mais qu'est-il de plus sain que de responsabiliser les acteurs de l'accouchement, cela est joliment exprimé par Sophie ALEXANDER dans son plan de naissance (birth plan), déjà appliqué chez nos voisins européens avec beaucoup de succès, en Angleterre en particulier.

Claude RACINET trouve, lui, ce contrat recevable, je l'en remercie car je reprendrai les thèmes dont il parle:

Ces points n'ont pas été suffisamment soulignés et il est d'ailleurs admirable que les discours les plus nuancés viennent d'un Professeur de médecine comme de la part des Sage-femmes qui se sont exprimées dans ce débat.

Reste au milieu, les hurlements effrayés de ceux qui pensent que l'on touche à leur prérogative en matière de puissance médicale.

Mais prenons nous bien nos responsabilités, nous professionnels ?

Ainsi vont les réactions de Jean THEVENOT qui pense ce contrat « insignable » parce que la responsabilité du professionnel est pour lui, toujours engagée, mais qui, réaliste, modère un peu ses propos quand il soupçonne les dégâts qui ont dû être occasionnés par le précédent professionnel.

Consternante est la réponse de Guy TESCHER sur le « torchon » et ce « 1er collègue qui s'est débarrassé de ce couple », alors que c'est justement de la responsabilité de ce 1er collègue que d'arriver à un tel gâchis et de tels dégâts psychologiques, sans parler de l'hémorragie du délivre.

Au fait que demande le couple dans ce domaine: d'attendre une délivrance naturelle, mais il ne me semble pas qu'ils écartent une intervention médicale en cas de problème. Et vous oubliez la demande de mise au sein précoce, meilleur garant au même titre que le syntocinon de la prévention de ces complications. Physiologie, physiologie !

G. TESCHER est au bord du délire quand il compare les résultats en matière de naissance aux Pays-Bas. Ce n'est pas tant le nombre d'accouchements à domicile qui est intéressant de noter dans ce pays, mais surtout que les hollandais partent du postulat qu'il faut considérer l'accouchement comme étant de principe comme physiologique, alors que nous, nous le considérons comme étant de principe à risque et donc comme pathologique.

Et c'est cette physiologie qui est fortement enseignée aux professionnels de la naissance, sage-femmes, généralistes et gynécologues.

Je crois me souvenir que durant mes études, je n'ai appris la physiologie que sur mes bouquins mais pas en salle de naissance. Seule valait la peine d'être enseignée, la pathologie.

Et je me souviens du jeune successeur que j'avais eu et, qui, tout frais moulu de la Faculté, s'ennuyait parce que après une bonne semaine d'installation, il n'avait eu que des accouchements normaux, et pas un seul forceps à se mettre sous les dents.

Réfléchissez à cela, les résultats des Pays-Bas découlent sans doute de ce principe de base là: respecter la physiologie et la connaître suffisamment bien pour déceler ses écarts précocement avant que ne viennent la pathologie et la traiter à temps.

Voilà monsieur TESCHER, j'espère que j'ai éclairé ta lanterne sur les Pays-Bas et que tu pourras déposer un peu plus souvent tes spatules.

Les plus angoissés d'entre nous se retrancheront derrière la toute puissance médicale, car c'est bien de cela qu'il s'agit aussi.

Cela vous rassure, c'est bien mais c'est lamentable pour nos conduites, nos chiffres et nos résultats.

G. TESCHER encore: « sans enflure du moi aucune, je n'accepte pas de recevoir d'une patiente un cours d'obstétrique ». Effectivement le mot enflure est bien choisi et le « moi » bien « enflé ».

Quelle est donc cette hypertrophie du moi pour ne reconnaître aux autres qu'un statut de débile (« penser à ce pauvre gamin affublé de parents aussi affligeants »).

Est-ce que Kourou rime avec gourou ? Gourou est le terme que tu emploies, « grand manipulateur devant l'éternel », dis-tu.

Philippe HOURDEQUIN et son « psycho machin » reste aussi dans la toute puissance et n'a pour réponse que l'aspect pécuniaire des choses, quel dépassement d'honoraires adopter ? puis finalement, opte pour le retrait par rapport à un contrat qui lui paraît relever de la psychiatrie.

Merci à Marc BOHL qui reconnaît son mauvais esprit et se pose la question qu'une médicalisation mal vécue puisse être iatrogène.

Cela amuse Thierry DUMONT, il plaint le gamin et oscille entre peur et colère. Mais lequel de ces deux sentiments est le plus fort, Thierry ?

En tout cas l'accouchement, je suis d'accord n'est pas un « trip métaphysico-baba cool ». Non, c'est un respect de sa physiologie au mieux que possible et non une intrusion perpétuelle et systématique dans l'intimité des gens.

C'est tout cela la puissance dont il est question et cela me rappelle la blague sur la différence entre Dieu et le médecin (Dieu, lui ne se prend pas pour un médecin).

Pourquoi parler d'une équipe « pseudo médicale », Jean THEVENOT ? Y a-t-il des médecins plus mauvais que les autres, formés dans des Universités moins compétentes ? De quel droit, donc, s'arroger la vertu d'être soi, la référence ?

Alors oui, Gérard SEMAMA, nous sommes violents et nos réactions sont excessives quand on nous présentent des choses auxquelles nous ne sommes pas habitués à être confrontés. Cela dérange et pourtant il faut avoir le courage d'écouter l'autre, d'évoluer en restant serein, ce n'est pas donner à tout le monde, apparemment.

Le délire devient monstrueux et reflète bien les peurs et les fantasmes de la société quand haro est versé sur l'inconnu, le juif, l'étranger:

LA RUMEUR court quand Alain PROUST soupçonne un contrat type « témoin de Jéhovah »,

TESHER (encore lui, décidément, mais qu'a t-il appris des peuples primitifs de Guyane ?) reprend aussitôt « ces couples au profil particulier souvent adeptes de sectes style Jéhovah ».

L'évocation sus mentionnée devient réalité, évidence le lendemain pour Claude COLETTE: « quand les témoins de Jéhovah m'ont demandé »...

J'ai la nausée.

Prudence, messieurs cette rumeur est dévastatrice et peut se retourner à tout moment contre vous, contre nous.

Alors, ce contrat est'il « soufflé » par quelqu'un ?

Non, je ne pense pas, il s'agit seulement d'un couple averti qui décide de prendre en charge (je dirais: enfin) sa destinée sans s'en remettre à un tout puissant que vous voulez tant incarner.

Avez vous donc oublié ce serment que vous avez prêté un jour, hélas lointain pour être dans vos pensées.

Et le bébé dans tout cela ?

Il ne demande pas le risque d'une naissance naturelle, « ni de naître dans une famille débile », ai-je lu.

C'est affligeant tant de mépris, et c'est stupide.

Mais le bébé a t-il aussi demandé de naître avec un scalp électrode pour pHmétrie comme on le voit dans certaines de nos maternités, par principe, alors que le monitoring systématiquement posé ne reflète aucune anomalie, mais simplement parce que cela rassure les plus inquiets d'entre nous, sans réaliser le risque infectieux pris pour rien ?

Messieurs vous oubliez encore la physiologie, la confiance et la sérénité dans cet acte de naissance et dont le manque est hautement iatrogène. Ce couple ne demandait pas du naturel ni un accouchement à domicile, il est méfiant des excès du médical et vous lui montrez par vos propos qu'il avait raison de cette méfiance.

La demande était juste: « Nous sommes conscients de l'intérêt de la médecine dans l'apport qu'elle peut donner en terme de sécurité, nous voulons juste qu'elle reste à une place modeste, celle de la surveillance et non de l'interventionnisme de principe », disaient ils.

Pourquoi se seraient ils alors adressés à vous ?

Vous avez montré votre refus de l'écoute, pourtant essentiel dans notre art. Refus aussi du dialogue, base de l'acceptation de l'autre.

Pour ma part, j'ai une expérience de travail dans une maternité « classique » en voie d'accréditation et où donc tous les critères sécurité/aseptie/etc. sont aux normes.

Anesthésistes et gynécologues prennent leur garde sur place et les péridurales sont largement développées. Pourtant nous accueillons des demandes parfois différentes et toujours nombreuses et, dans la limite du cadre de notre établissement nous respectons souvent ces demandes.

Pour quels résultats ?

Un nombre de césariennes diminuant puisqu'auparavant à plus de 16%, maintenant en dessous de la barre des 10%, je ne parle pas des forceps et épisiotomies du « gynécologue pressé » qui diminuent également.

Avons nous plus de procès ?

Non, parce que nous n'avons pas plus de problèmes en terme de morbidité et mortalité que tout le monde et surtout parce que je crois que l'écoute et le respect de l'autre est relativement préventif de ce genre d'ennui.

G. TESCHER, une dernière fois, dit: « à un certain moment, elle (la femme) se tait et écoute ou change de médecin, dès lors qu'elle nous a écouté, nous avons rempli la première partie de notre mission: expliquer et informer »

Ces propos sont sans commentaires possibles. Tais toi et marche en somme.

Cet enfermement dans ses convictions est synonyme de peur, comme l'est la violence des propos tenus. Je ne crois pas que l'on puisse travailler sereinement dans ces conditions.

Un dernier merci à CRISTALLI de sa conclusion portant sur la psychose de Jésus naissant dans la paille, l'Eglise appréciera sûrement.

Mais au fait, cher ami, connais-tu les circonstances de ta propre naissance ?


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