Université
de Montréal
L'accouchement
à la maison au Québec :
les
voix du dedans
Céline
Lemay
Département
d'anthropologie
Faculté
des arts et des sciences
Mémoire
présenté à la Faculté des études
supérieures
en
vue de l'obtention du grade de
Maître
ès science (M.Sc.) en anthropologie
Juin
1997
©
Céline Lemay, 1997
Ce
mémoire a été évalué par un jury
composé des personnes suivantes :
John
Leavitt
Robert
Crépeau
Gilles
Bibeau
Mémoire
accepté le 8 mars 1998
La
fin des années 70 a vu émerger une réalité qui a
bouleversé la culture de la naissance québécoise :
l'accouchement à la maison et l'arrivée de nouvelles
sages-femmes. Bien qu'en 1997 nous nous dirigeons vers la légalisation
des sages-femmes et qu'il y a des Maisons de naissance au Québec, il
continue à y avoir des accouchements à la maison et cette
réalité demeure un sujet délicat à tous les niveaux
de parole et de pouvoir.
A
partir de la construction de deux récits, celui des femmes et celui des
sages-femmes, j'ai fait une analyse sémiologique des
représentations autour de quatre grands thèmes : la maison,
l'accouchement, la douleur et le risque, éclairant ainsi la cosmogonie
de l'accouchement à la maison, témoignant d'un autre rapport au
monde.
L'analyse
anthropologique des voix du dedans permet de saisir la valeur sémiotique
de « la maison ». Elle a des fonctions de protection, de
cohésion, d'ancrage et d'intégration, et l'accouchement peut s'y
insérer dans la logique de ses représentations à
l'intérieur d'une quête de cohérence et de
vérité.
Nous
pouvons ensuite comprendre que la douleur s'insère dans le tout de
l'accouchement comme événement normal de la vie. Pour les femmes,
elle est un signe d'humanité, d'effort et de l'intensité de
l'accouchement tandis que les sages-femmes voient en elle un signe de
séparation, de transformation, de passage et lui reconnaissent une
valeur initiatique.
Enfin,
le risque n'est pas la seule grille d'évaluation de la mise au monde. Le
sentiment de sécurité et la confiance des femmes sont à
l'intérieur d'elles et la relation avec les sages-femmes s'inscrit dans
un ordre féminin où le pouvoir est partagé.
L'analyse
du noyau de subjectivité de l'accouchement à la maison permet
sans doute d'éclairer les représentations de celles qui le vivent
mais le contraste avec la trame de fond sociosymbolique
québécoise révèle alors cette réalité
comme discours.
Ainsi,
l'accouchement à la maison est l'affirmation que l'accouchement ne se
définit pas comme un événement médical. Il exprime
que l'humanisation n'est pas seulement la capacité de choisir. Elle est
aussi le pouvoir de nommer, de définir et de signifier ce qu'est
accoucher, souffrir et vivre le risque.
L'accouchement
à la maison révèle qu'avec les sages-femmes, il fait parti
d'un ordre féminin, qu'il s'inscrit dans la vie comme un système
et comme un tout, et il affirme que la vie comporte des risques.
Il
témoigne enfin de la richesse des représentations autour de la
naissance, il confirme que la science n'est qu'une strate du savoir et que les
femmes pensent autrement.
À
Émilie,
David et Sara
pour
la suite de la vie...