Quelques chiffres autour de la césarienne

Extraits de E. Hillan, The aftermath of cesarean delivery. MIDwives Information and Resource Service (MIDIRS), vol. 10, no. 1, mars 2000, p.70-72.
Republié dans Les Dossiers de l'Obstétrique, 294, mai 2001, p.8.

Les suites de la césarienne

Mortalité maternelle

Ce chiffre est estimé entre 2 et 11 fois celui des naissances par voie vaginale. Ce chiffre est difficile à évaluer car la césarienne est fréquemment induite par des problèmes de santé des femmes.

Morbidité maternelle

Ce chiffre est encore plus difficile à évaluer puisque la définition de la morbidité est très imparfaite. On estime pourtant entre 9 et 15% les femmes qui ont une pathologie liée à la césarienne : les plus fréquentes sont les infections de la cicatrice, les endométrioses, et les infections urinaires. Ces problèmes sont moindres pour les césariennes hors urgence.

A distance de la césarienne les femmes se plaignent : dans une enquête auprès de 600 femmes césarisées, 65% d'entre elles ne s'estimaient pas remises de cette opération 3 mois plus tard. Les problèmes les plus courants étaient : fatigue, mal au dos, céphalées, problèmes de sommeil, et dépression.

Morbidité psychosociale

Faire face à une naissance demande un ajustement physiologique et psychologique très important. En plus de ces facteurs de stress, une femme qui a bénéficié d'une césarienne doit surmonter les suites d'une anesthésie, ainsi que d'un acte majeur de chirurgie, peut-être même après des heures d'un travail épuisant.

Oakley commente les conceptions si différentes entre acte chirurgical et césarienne : dans le cas de césarienne, le terme même occulte celui d'opération, et donc la façon d'envisager ses conséquences.

Une conséquence connue d'un acte de chirurgie est la dépression, et pourtant cette possibilité n'est pas envisagée dans le cas d'une césarienne. On peut aussi s'attendre à des inquiétudes sur les effets mutilants de la chirurgie, et à une période étendue de gêne physique et psychologique. De plus on considère que la femme doit faire face aux demandes de son bébé ce qui implique des activités qui sont généralement interdites aux opérées.

Peu d'études ont été conduites chez les femmes cesarisées, celles qui sont publiées portent sur des témoignages volontaires, ce qui crée un biais sur les résultats.

Facteurs d'amélioration

Césarienne planifiée : les césariennes prévues sont généralement mieux vécues. La femme peut se documenter, par la lecture ou en échangeant avec des amis ou des professionnels. Il est évident que d'avoir du temps pour se préparer à la césarienne est très différent de s'y affronter en urgence après un travail parfois long et épuisant.

Connaissant l'impossibilité de prévoir toutes les césariennes, il paraît souhaitable que les parents puissent être informés de façon réaliste en cours de préparation.

Type d'anesthésie

Au cours d'une anesthésie loco-régionale, les femmes se sentent plus en contrôle de la situation et ont davantage de possibilités de contact précoce avec l'enfant.

A contrario, les femmes sous anesthésie générale peuvent avoir des difficultés à se souvenir des événements juste antérieurs ou juste suivant l'anesthésie générale. Cette occultation peut recouvrir de un à plusieurs jours. Il est donc très important de clarifier et préciser les événements effacés en offrant le possibilité aux femmes de reconstruire leur expérience et de s'exprimer sur leurs émotions. Cette démarche importante dans les suites de couches est souvent négligée.

La présence d'une personne "soutien" au bloc

Quand le compagnon est présent au bloc, les femme en retirent davantage de satisfaction. Il peut donner son soutien direct mais aussi servir de médiateur entre la femme et les soignants. En cas d'anesthésie générale sa présence est encore plus souhaitable comme aidant à faire le récit des événements passés lors des lacunes dues à l'anesthésie. Sans lui, cela peut ne jamais être fait.

Effet sur le lien mère-enfant

Une étude compare 50 mères ayant donné naissance par césarienne en urgence et 50 mères par voie basse. Les femmes césarisées ont mis plus de temps à se sentir proches de leur enfant que les femmes ayant accouché par les voies naturelles, et cette différence persiste plusieurs mois après la naissance : 18 femmes seulement (43%) ont dit s'être senties proches de leur enfant immédiatement après la césarienne, alors que pour les accouchements par voie basse elles étaient 28 (64%) Un mois plus tard cette différence est encore significative statistiquement : 24 (57%) se sentent proches de leur enfant après la césarienne contre 38 (86%) dans le groupe de contrôle.

Deux mois après la césarienne cette différence reste significative, avec 30 (71%) après césarienne et 41 (93%) des femmes du groupe contrôle. A aucun moment il n'a pu être mis en évidence de différence entre les femmes ayant accouché par voie basse avec ou sans forceps.

Favoriser le lien mère-enfant est une priorité dans les soins en maternité. Cet attachement est principalement de la mère vers l'enfant, se crée très précocement et est favorisé par le contact physique. Plusieurs études ont montré que l'heure qui suit la naissance est un temps particulièrement important, et que le lien entre les parents et l'enfant va être favorisé par un maximum d'interactions avec le bébé pendant cette période.

Il semble inévitable qu'une césarienne influence les contacts mère-enfant dans l'heure qui suit la naissance, de plus les interactions risquent d'être affectées par le stress de la mère. Dans cette étude, les femmes disposaient de moins d'une heure pour se préparer á la césarienne. A l'annonce de la décision chirurgicale, la plupart des femmes se sentaient épuisées, effrayées, en état de confusion mentale ou de détachement. Bien que 70% aient vu le bébé à la naissance, seulement 20% d'entre elles ont pu vraiment le tenir dans leur bras, au bloc, et ceci généralement pendant un temps très bref, avant qu'il ne soit emmené. A la lumière de ces observations il n'est plus surprenant que les femmes de ce groupe aient mis davantage de temps à se sentir proches de leur enfant que pour les mères du groupe de contrôle.

Conclusion

Bien que la césarienne soit maintenant plus sûre qu'elle ne l'a jamais été, elle reste un geste de chirurgie majeur et comporte de ce fait un risque de mortalité et de morbidité supérieur au risques de la naissance par voie basse. Les femmes accouchées par césarienne ont besoin de temps et de soutien pour récupérer aussi bien physiquement qu'émotionnellement de cette naissance.

Nous devons faire beaucoup plus de recherches sur l'état de santé des mères après la naissance, mieux définir la morbidité, afin de mieux aider les femmes à surmonter les difficultés de la naissance à court comme à moyen terme et ceci bien plus encore pour les femmes ayant vécu une naissance par césarienne.

Autres chiffres mentionnés dans ce même numéro

En Angleterre, une césarienne est estimée augmenter le coût de la naissance de 760 livres, soit approximativement 7600 francs (compte non tenu des efforts et soins particuliers en période postnatale).

Les taux de césariennes varient d'un hôpital à l'autre en Angleterre : de 10-15% à 25-30%.

En Hollande le taux de césarienne reste inférieur à 10%.

Au contraire, dans les pays en voie de développement, les femmes meurent à raison de 8% de stagnation du travail et 12% d'éclampsie (forme paroxystique de la toxémie). Ces femmes auraient pu être sauvées par une césarienne qui ne peut actuellement leur être proposée.

Après un événement dramatique (dystocie des épaules, mort foetale en cours de travail) on peut observer que le taux de césariennes de l'obstétricien augmente de 37% pour les 50 accouchements suivants.

Traduit par Françoise Bardes


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