Allocution de Madame
Claude Didierjean-Jouveau,
à Charleroi, le 14 mars 2002,
lors de la journée de conférences et de débats
organisée par l'association sans but lucratif Carrefour
Naissance.
Association sans
but lucratif
Belgique
Source de cette page : http://users.swing.be/carrefour.naissance/ArtRefl/AllocutionClaudeDJJ.htm
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Introduction
Je voudrais commencer mon exposé en disant que j'ai trouvé très intéressant l'exposé précédent, qui faisait une différence entre les hôpitaux universitaires et les autres. Je ne connais pas d'étude semblable en France. Marianne Mead a dit en plaisantant : elles se font peut-être la main... Je pense que c'est effectivement ça. Ça m'a fait penser à mon compagnon. Quand il était étudiant, il n'avait pas d'argent pour se faire soigner les dents, donc il allait à l'école dentaire. C'était gratuit. À l'époque, il fallait apprendre aux étudiants à dévitaliser les dents. Donc, chaque fois qu'il y est allé pour une petite carie, il a eu la dent dévitalisée. A trente ans, il n'avait plus une seule dent vivante.
Ce n'est peut-être pas conscient à ce point-là, mais je pense que les étudiants qui sont, en France, dans les CHU, doivent apprendre à faire des césariennes, des épisiotomies, etc. Ce sont peut-être des endroits à déconseiller aux femmes qui n'ont pas envie d'un accouchement high tech...
Présentation de Claude Didierjean-Jouveau
Je voudrais dire d'abord pourquoi je me suis intéressée à ce sujet qu'est la naissance, dans la mesure où je ne suis pas professionnelle de santé. De métier, je suis bibliothécaire. A part le goût pour la documentation et la recherche, cela n'a pas grand chose à voir avec les professions de santé.
J'ai été enceinte pour la première fois dans les années '70, à une époque où il y avait, en France, une espèce de bouillonnement autour de la naissance. Il y avait la vague écolo, le retour à la nature... Il y avait eu aussi le film et le livre de Leboyer, Pour une naissance sans violence. J'avais assisté à la première projection de ce film. C'était à la Pitié-Salpêtrière, donc dans un hôpital. C'était assez étonnant, surtout maintenant quand j'y repense.
Donc quand j'ai été enceinte, j'avais quand même dans l'idée que j'avais envie de quelque chose de "naturel". Cela entrait dans un tout, notamment avec la recherche d'une alimentation plus saine, naturelle... Et j'ai trouvé, par le magazine Parents, un reportage sur la maternité des Lilas près de Paris. Cela m'a assez séduite. Je suis donc aller accoucher dans cette maternité.
Cela fait près de 25 ans, et je n'ai pas cessé de m'intéresser au sujet depuis. Quand j'ai été à nouveau enceinte, trois ans après, j'ai vraiment eu envie à ce moment-là - pourtant j'étais tout à fait contente de l'accouchement que j'avais eu aux Lilas - de quelque chose de plus "naturel". Il se trouve que la sage-femme sur laquelle j'étais tombée par hasard, parce que c'était son tour de garde aux Lilas, faisait aussi, en plus de sa pratique hospitalière, quelques accouchements à domicile. Ce n'était pas du tout sa pratique régulière. Elle en faisait un petit peu, comme ça, pour le plaisir et pour le plaisir des femmes qui le souhaitaient. J'ai accouché une deuxième fois avec la même sage-femme, chez moi, et quelques années après, une troisième fois, toujours avec la même sage-femme, également chez moi. Je peux dire que j'ai "ma" sage-femme. C'est un luxe ! Je crois qu'une des raisons pour lesquelles les femmes souhaitent accoucher à domicile, c'est parce qu'elles veulent savoir avec qui elles vont accoucher, connaître la sage-femme avant.
Et c'est vrai que dans l'organisation de la naissance, en tout cas en France, la seule façon, pratiquement, d'avoir un accompagnement global c'est d'accoucher à domicile. Il y a toujours des projets de maisons de naissance, mais qui traînent depuis déjà pas mal de temps et qui sont toujours à peu près bloqués pour l'instant, malgré un discours de Kouchner il y a déjà deux ans et demi. C'est vrai que là, il y aurait un accompagnement global, mais pour l'instant ça n'existe pas.
Expérience d'un accouchement à domicile
Pendant ces années où j'ai moi-même eu mes bébés, j'ai également assisté à plusieurs accouchements d'amies ou de connaissances. Certains à domicile, d'autres en maternité. Je ne dis pas que j'ai fait le tour de tout ce qu'on peut voir, mais j'ai quand même assisté à une césarienne sous péridurale, à un accouchement par le siège, normal c'est-à-dire sans césarienne, et donc aussi à plusieurs accouchement à domicile.
Je sais que ce que je vais dire peut faire hurler les professionnels de santé, mais ce qui m'a vraiment marquée, c'est l'accouchement d'une amie. Elle devait accoucher à domicile pour son deuxième enfant (le premier était né à Pithiviers, du temps où Michel Odent y était encore). Cela se passait en '84, à un moment où il n'y avait pratiquement plus personne, sur la région parisienne, qui faisait des accouchements à domicile. Celles qui en avait fait avant avaient arrêté, et celles qui le font maintenant n'avaient pas encore commencé. Comme cette amie y tenait vraiment, elle a cherché dans les pages jaunes de l'annuaire à "sages-femmes libérales".
Or à l'époque, les seules sages-femmes libérales qu'on trouvait étaient en fait des ex-sages-femmes qui s'étaient reconverties en infirmières à domicile. Mon amie n'avait trouvé qu'une sage-femme tout près de la retraite qui lui a dit que ça lui arrivait encore de faire des accouchements pour les témoins de Jéhovah, ou pour les gitanes qui ne voulaient pas aller à la maternité.
Elle ne l'a pratiquement pas vue pendant sa grossesse. Elle s'était aussi inscrite dans une maternité, en cas de besoin. Et il était prévu que je serais là. J'habitais à cinq minutes de chez elle, et donc je pouvais facilement être présente à l'accouchement.
Un soir vers 10 heures, son mari me téléphone en disant que ça a commencé et que c'est sans doute pour bientôt. J'y vais. Ils n'avaient pas réussi à joindre la sage-femme. C'était une époque où il n'y avait pas de portable et ils étaient tombés sur un répondeur. C'était trois semaines avant le terme prévu. J'arrive vers 11 heures du soir.
Son premier accouchement avait duré 24 h, et elle avait dans l'idée que celui-ci allait être long également. Quand je suis arrivée, avec ma toute petite expérience, j'ai vraiment eu l'impression que c'était pour dans pas longtemps. Je n'ai rien fait : pas de toucher..., mais rien qu'à la voir, à l'entendre, j'avais l'impression que c'était quand même assez avancé. A 11 h du soir, on téléphone encore à la sage-femme : toujours personne. 11h30 : toujours pas de sage-femme. Minuit : toujours pas là ! Je me suis dit que j'allais téléphoner à ma sage-femme pour lui demander ce qu'elle en pensait.
Elle n'est pas chez elle. Je téléphone aux Lilas, et alors que j'étais en train de faire le numéro de la maternité, j'entends le mari de mon amie dire qu'elle est en train de pousser...
Je vous raconte ça... je ne préconise absolument pas d'accoucher comme ça, toute seule. Ça c'est fait comme ça. J'ai raccroché et puis on y est allé ! Il y avait son mari, il y avait moi, et elle a accouché. Comme ça. On n'a rien fait. Rien ! Mais ce qui s'appelle rien ! Comme on attendait la sage-femme, on n'avait rien prévu. Il n'y avait rien du tout. Je n'ai pas tourné la tête du bébé : je n'ai rien fait. J'avais tellement peur de faire quoi que ce soit. Je dois dire que j'ai eu quelques secondes de panique quand j'ai vu la tête sortir... et que cette tête était un peu grise, les yeux fermés, et c'est vrai, je me suis dit : "Ce bébé est mort". Ça a duré quelques secondes, et puis le corps est sorti. Tout allait bien.
Mais ce n'était pas encore terminé : il y avait encore le placenta. Si je savais quand même quelque chose, c'était qu'un des risques de l'accouchement, c'est l'hémorragie de la délivrance. Donc, pareil, je ne voulais rien toucher, surtout ne pas tirer, ne pas pousser rien, rien, rien...
Une demi-heure se passe : pas de placenta ! Une heure se passe : toujours pas de placenta.
J'ai oublié de vous préciser que cette amie est américaine. Elle avait chez elle le manuel des pompiers de New York pour les accouchements en urgence. Dans ce manuel, il était écrit qu'on pouvait attendre trois heures pour la sortie du placenta. Donc on n'était pas trop inquiet. Entre temps, on avait retéléphoné à la sage-femme, mais toujours rien. Mon amie avait mis le bébé au sein. On s'était dit que ça allait peut-être aider. On avait aussi, quand même, coupé le cordon. Son mari avait fait bouillir des ciseaux et de la ficelle à gigot... On avait attendu longtemps avant de couper le cordon avec les ciseaux. A un moment, elle s'est levée parce qu'elle avait envie de prendre une douche. Et puis "plof", le placenta est tombé. Il était sûrement décollé depuis un bon bout de temps. J'en étais à me dire qu'on allait devoir aller à la maternité. Mais c'était quand même un peu bête, alors que tout s'était bien déroulé jusque là.
Après coup, je me suis dit : "Quand même, tous ces gestes qu'on fait du moment où on arrive à la maternité jusqu'à ce qu'on en sorte." Bien sûr, dans certains cas, ils sont utiles, voire vitaux, mais dans l'immense majorité des cas, manifestement, ils ne sont pas utiles, et peut-être même qu'ils sont nuisibles. A ce moment-là, j'ai commencé à réfléchir encore plus à tous ces gestes. Et je me suis mise à aider les femmes pour savoir à quels gestes s'attendre, quels gestes elles peuvent peut-être refuser. Avec cette amie, on a fait à l'époque (en 84-85) une liste des questions à poser à la maternité. On la donnait aux femmes enceintes qu'on rencontrait dans notre pratique. J'ai oublié de dire que je suis aussi devenue, dans ces années-là, animatrice de la LLL. Dans les réunions, on rencontrait régulièrement des femmes enceintes qui se posaient des questions.
Je me suis retrouvée à travailler dans un certains nombre d'associations de parents autour de la naissance : "Naître à la maison" - qui n'existe plus -, la "Fédération des associations de parents autour de la naissance", qui est devenue la Fédération "Naissances et liberté", "Naissance et citoyenneté", créée en 2000.
Et puis j'ai écrit mon petit livre, qui est un peu cette liste de questions à poser à la maternité que j'avais fait avec mon amie en 84.
Il me semble, depuis le début, que le gros problème de la naissance, dans notre société, c'est le manque d'information des femmes. C'est-à-dire que tous ces gestes qu'on fait sur elles et sur leurs bébés, très souvent elles n'en connaissent pas les conséquences éventuelles, et elles ne savent même pas qu'on va les faire. Par exemple, l'aspiration : je ne connais aucune personne qui sait qu'on va faire ça à son bébé à la naissance. Il y en a même qui ne le savent même pas après. Alors que c'est systématique !
J'ai toujours pensé qu'il était très important, dans ce domaine comme dans d'autres, que les parents puissent faire des choix éclairés. Beaucoup de personnes ne sont pas du tout au courant de ce qui se passe autour de la naissance, et éventuellement le regretteront après. C'est un peu dommage de ne pas le savoir dès l'abord, non ?
L'information à portée de main
Mon but a toujours été d'informer, de donner l'état de la littérature. Notamment la littérature anglo-saxonne, puisque la plupart des études sont publiées dans des revues anglo-saxonnes. Elles sont peu connues en France, y compris par les professionnels de santé. Beaucoup ne s'y intéressent pas, ne cherchent pas ce qui se publie dans les revues anglo-saxonnes. C'est en train de changer, actuellement, avec internet. Je pense qu'avec internet, s'il y a sûrement des effets pervers, il y a quand même un accès à une information diversifiée. Et si le citoyen moyen comprend l'anglais, il a accès à une littérature scientifique de très bonne qualité... que parfois son médecin ne connaît pas.
Les professionnels de santé vont bientôt avoir affaire à des patients qui seront peut-être mieux informés sur leur pathologie qu'eux - et pas seulement dans le domaine de la naissance. Ça va être très intéressant à observer comme phénomène...
Parce qu'en fait, ce à quoi on assiste à l'heure actuelle, c'est à un détournement du savoir, c'est-à-dire que le professionnel de santé a un savoir qui lui est donné souvent par des machines, par des examens, et qui peut nier le savoir que la femme pense avoir.
Il y a un livre qui est sorti dernièrement en France qui s'appelle Les femmes et les bébés d'abord, écrit par une sage-femme et une psychanalyste : Francine Dauphin et Myriam Szejer(*). Toutes deux ont travaillé à Antoine-Béclère, un hôpital de niveau 3, très technologique. Elles critiquent l'hypermédicalisation de la naissance et le détournement du savoir. A ce propos, elles écrivent le dialogue suivant. Il parait caricatural, mais il ne l'est pas, malheureusement.
"Une femme voit son médecin pour une première échographie afin de dater la grossesse. Le médecin lui dit la date de conception. La femme lui dit que ce n'est pas possible, car son mari était alors en déplacement professionnel toute la semaine."
Je trouve que c'est mépriser l'autre de manière assez grave, mais en plus, ça risque d'avoir des conséquences sur la suite. Si la date de la conception a été fixée de cette façon, ca veut dire que le terme est fixé aussi. Mais si le terme supposé est dépassé de trois jours, il est possible qu'on la déclenche... Ce n'est donc pas du tout anodin ! On s'aperçoit qu'il y a mal d'âges de grossesse qui ne sont pas exacts et qui entraînent des déclenchements de naissances avant terme.
Deux logiques dans la naissance
Ce qu'il faut bien voir - et il y a pas mal de gens qui ont réfléchi sur le sujet et qui disent la même chose -, c'est qu'il y a grosso modo deux logiques par rapport à la grossesse et à l'accouchement. Il y a une logique pathologique et une logique physiologique. Et c'est difficile de faire un compromis entre les deux. Ce serait l'idéal, évidemment, mais c'est assez illusoire, parce que lorsqu'on commence à penser à la grossesse comme à un truc risqué où il faut tout bien mesurer, où tout ce qui dépasse un peu risque d'être dangereux, et à l'accouchement comme à l'extraction la plus rapide possible d'un ftus du corps de la mère..., c'est assez difficile de voir les choses, en même temps, de façon physiologique.
Voici quelques chiffres, pris dans le livre dont je vous ai parlé. En France, les élèves sages-femmes ont actuellement, sur 4 années d'études, sur 1800 heures d'enseignement théorique, seulement 10 % consacrés à l'accouchement physiologique. Les autres 90 % sont consacrés au pathologique. Comment voulez-vous, quand on a cette formation-là, qu'on ait la confiance nécessaire pour accompagner un accouchement physiologique ; ce qui, normalement, devrait être le cas de 80 et 90 % des accouchements. Ça me paraît difficile - à moins de faire sa propre révolution.
Pourtant, malgré cette formation-là, on peut remarquer que les sages-femmes sont quand même davantage du côté de la physiologie que les médecins. Voici par exemple quelques chiffres venant du Conseil d'évaluation du projet pilote de sages-femmes, au Canada, en 98 : les sages-femmes faisaient 6,9 % d'épisiotomies. contre 36,5 % chez les médecins. Je pense qu'en France, les chiffres sont encore plus élevés.
Réflexion sur les gestes...
Les gestes s'entraînent les uns les autres. Je crois que quand on met un doigt dans un engrenage. Quand on commence par le déclenchement, ça veut dire tout de suite des contractions non physiologiques, donc violentes, rapprochées, peu supportables. Ce qui entraîne une demande de péridurale, même si ce n'était pas le projet de la femme au départ. Et on observe alors une augmentation du nombre de forceps ou d'extractions instrumentales. C'est cela qu'il faut voir dans cet engrenage : le fait qu'un geste en appelle un autre...
[Voir aussi : Systématisation de certains gestes au moment de la naissance, par Jean-Claude Verduyckt]
... durant la grossesse
On en parle beaucoup à propos de l'accouchement, mais c'est dès la grossesse que commence cette vision non physiologique des choses. Ce sont tous les examens que subissent les femmes enceintes. Ils n'ont fait que croître en nombre. Tous les six mois, il y en a un nouveau qui est présenté comme nécessaire, obligatoire... Ces examens sont faits pour mesurer la normalité des choses, mais s'il y a le moindre doute, que se passe-t-il ?
Vous connaissez l'histoire de l'arrêt Perruche. Une femme avait eu une rubéole qui n'avait pas été détectée. L'enfant est né sourd, aveugle, et avec un retard mental important. Les parents ont "attaqué" en disant que s'ils avaient su qu'elle avait eu la rubéole, ils auraient demandé un avortement thérapeutique. L'histoire est ambiguë. Ce que les parents demandaient, c'était une aide pour s'occuper de l'enfant. Dans un premier temps, les tribunaux ont accordé cette aide et il a été reconnu, en même temps, ce qu'on a appelé le "droit à ne pas naître" . L'enfant en question n'était pas en état de demander quoi que ce soit. Dans un second temps, on est revenu sur le cas, parce qu'il y a eu un tollé de toutes les associations d'handicapés : c'etait inadmissible de décider qu'une vie ne méritait pas la peine d'être vécue. La Cour de cassation a cassé l'arrêt, en disant qu'il ne pouvait pas exister de droit à ne pas naître.
A mon avis, cela n'a pas résolu le problème. Tous les jours, le problème se pose quand on décèle une anomalie. Que fait-on ? A partir de quel degré d'anomalie ou de handicap on va penser que cette vie ne vaut pas d'être vécue ?
Elles en parlent beaucoup dans leur livre. Antoine-Béclère est un centre de diagnostic prénatal. C'est leur pain quotidien de se demander ce qui se passe dans ces cas-là, qu'est-ce qu'on dit aux parents ?
Prenons le cas extrême d'un enfant dont on sait qu'il va mourir à la naissance ou dans les 2 -3 jours qui suivent. Certaines femmes choisissent de poursuivre la grossesse jusqu'au bout et de laisser faire les choses. Et ce qu'elles disent dans ce livre, c'est qu'il y a une énorme pression... Ça met les professionnels de santé dans un malaise terrible. Les parents sont soumis à une pression énorme pour les faire changer d'avis et accepter un avortement thérapeutique. Sans parler de ce qui se passe lorsqu'on on détecte une fente palatine, un bras en moins... C'est devenu un vrai problème.
Conséquences de la recherche d'anomalie
Et puis, il y a l'attente des résultats, ce qui crée un stress énorme chez les femmes - et on peut se demander ce que cela fait sur le ftus. C'est ce que Michel Odent appelle "l'effet nocebo", par opposition à l'effet placebo, de tous ces examens prescrits à toutes les femmes.
[Voir L'effet "nocebo" des consultations prénatales, par Michel Odent]
Prenons, par exemple, les échographies de routine. En '93, des chercheurs suisses ont fait une méta-analyse regroupant 16.000 grossesses. Un pool de femmes avait eu des échographies de routine et un autre n'en avait eu que sur indication médicale. Le taux de mortalité et de morbidité était exactement le même dans les deux populations. Il y a donc dans la littérature des études qui remettent en cause l'utilité des échographies de routine.
Une autre chose qui est liée à l'échographie : le nombre d'échographies précoces qui détectent un placenta bas inséré. On sait que, pendant la grossesse, le placenta va se développer vers le haut. Donc déceler des placentas bas en début de grossesse, ça n'a rien de particulièrement inquiétant. Mais si on dit ça à la femme, pour peu qu'elle ait un peu de culture sur le sujet, elle va penser placenta praevia...
Une étude en 90 portant sur 150 femmes chez lesquelles on avait une suspicion de placenta preavia, a montré que seulement 4 de celles-ci avaient eu en fin de grossesse un placenta preavia. Cela veut dire, surtout, que 146 femmes ont vécu leur grossesse dans l'angoisse. Michel Odent raconte cela aussi à propos du fait de dire à la femme que son bébé est en siège ou pas : le fait de ne pas le dire faisait que l'accouchement se passait beaucoup mieux.
Au niveau des examens systématiques... vous allez me dire que le suivi des grossesses est quand même intéressant. Certes, et je pense qu'effectivement ça a amélioré, sans doute, la santé des femmes et des bébés pour une grande partie. Il n'empêche que souvent, on ne comprend pas que la physiologie d'une femme enceinte peut être différente de celle d'une femme qui n'est pas enceinte. Au niveau des examens de sang, d'urine, etc., on peut être tenté de calquer les normes des femmes pas enceintes sur les femmes enceintes, et de décider que si la femme enceinte n'a pas telle moyenne de tel truc c'est pathologique.
Un exemple, le taux d'hémoglobine. D'une femme qui a 9 à 9.5 gr pour 100 ml de sang, on dit qu'elle est anémiée. Or il semble que quand on est enceinte, c'est normal d'avoir un taux d'hémoglobine un peu plus bas. Une étude londonienne portant sur 150.000 grossesses a montré que quand le taux d'hémoglobine pendant la grossesse était situé entre 8.5 et 9.5, le poids de naissance était plus élevé, et que si le taux d'hémoglobine était de plus de 10.5, alors on avait des petits poids de naissance et plus d'accouchements prématurés.
Il y a aussi des questions qui se posent sur tout ce qu'on diagnostique comme diabète gestationnel. Il y a là une grosse controverse : est-ce vraiment un indicateur de quelque chose de dangereux ?
En ce qui concerne le dépistage de la trisomie 21, il y a le nouveau système, qui date de 4 - 5 ans, par mesure des marqueurs sériques. Comme vous le savez, ce test détecte 60 à 70 % des T21. Cela signifie qu'il y a des faux-négatifs, mais aussi des faux-positifs. Le test évalue une probabilité de risque. Lorsqu'on se trouve dans la probabilité de risque, on fait une amniocentèse. Le bébé n'a un problème que dans 1 cas sur 250, sachant que le risque de l'amniocentèse est plus élevé que ça. Ce n'est donc pas évident.
Il semble qu'actuellement, il y ait un nouvel examen qui pourrait être fait à partir de cellules ftales issues du sang de la mère. Ce qui serait moins invasif que l'amniocentèse. Peut-être que ce sera la solution.
Mais ce qui est clair, c'est qu'il y a aussi tout le temps qui se passe entre le moment où on détecte la probabilité de risque et le moment où on a le résultat définitif. Cela dure plusieurs semaines. Tous les gens qui se sont intéressés au sujet ont remarqué que ce temps était un temps de désinvestissement total de la grossesse par la mère. Qu'est-ce que ça veut dire pour le vécu du ftus, que la mère n'ait plus investi son bébé durant plusieurs semaines ? C'est un risque sur son développement.
Je vais vous lire un passage de ce même livre. C'est un cas qu'elles ont rencontré dans leur pratique.
"Une femme se trouve enceinte au début de l'été. Elle consulte son gynécologue habituel qui demande un dosage des anticorps anti-rubéole et de toxoplasmose de façon systématique... Le rendez-vous suivant est remis au retour de vacances du médecin. Entre temps les résultats du laboratoire sont envoyés chez les parents. Ils sont positifs. En l'absence du médecin, étant donné la date limite pour l'IVG, ils prennent d'eux-mêmes la décision d'avorter. Ils n'apprendront que plus tard que la conduite à tenir dans ce cas n'était pas celle-là. Leur médecin aurait évidemment demandé un deuxième dosage pour en vérifier la stabilité ou au contraire la variation. Cet épisode fut suivi l'année suivante d'une mort in utero à six mois de grossesse. On ne s'étonnera guère qu'après sa naissance, le troisième bébé ait présenté quelques symptômes suffisamment inquiétants pour justifier son hospitalisation dans une unité mères-kangourou."
Il faut donc savoir que ces examens et l'attente de leurs résultats peuvent avoir des conséquences pour cette grossesse-là mais aussi pour les grossesses ultérieures.
Les déclenchements de l'accouchement
On en arrive à l'accouchement...
Là, aussi, le problème est que, souvent, on ne prend pas le temps d'attendre. Soit parce qu'on est pressé - parce qu'il y a un aspect économique... au niveau de l'organisation des services -, soit parce qu'on a peur que si ça ne se passe pas dans tel laps de temps, il y ait un problème. Ça commence avec le temps de gestation, comme on en a parlé tout à l'heure : les déclenchements parce qu'on pense être post-terme, mais il y a aussi les déclenchements qui se font un peu avant le terme, car on estime que le ftus est prêt, que le col est assez mûr, etc.... Les recommandations de l'OMS sont : pas plus de 10 % de déclenchements. Pourtant, en France, en '98, on en était à 20,3 %, et ce n'est qu'une moyenne : dans certains établissements, ce peut être 60 % de déclenchements.
Je ne suis pas sûre que les recommandations générales suffisent pour changer les pratiques. Le Collège national des gynécologues-obstétriciens français a eu une conférence de consensus en 95 où il a dénoncé l'augmentation des déclenchements, et notamment des déclenchements de convenance. Le rapport explique très bien qu'ils ne sont pas anodins, qu'ils se terminent beaucoup plus souvent par une césarienne... Pourtant, depuis '95, le nombre de déclenchements a continué à augmenter.
Dans une revue de démographie, j'ai trouvé un graphique qui montre le nombre de naissances selon le jour de la semaine (une étude faite de décembre 99 à février 2000). Nous voyons que le samedi et le dimanche présentent un nombre beaucoup moins important de naissances... C'est clair, les déclenchements arrangent bien les institutions. Je ne vois pas pourquoi ça n'arrangerait pas les femmes d'accoucher le samedi ou le dimanche. A la limite, au contraire, si le père travaille, ce serait plus commode pour lui que ça se passe le samedi ou le dimanche. Les déclenchements sont présentés aux femmes comme quelque chose de bien : il y aura tout le personnel, l'anesthésiste sera là... Je ne parle pas au niveau individuel des professionnels, mais au niveau de l'organisation de l'établissement, c'est plus intéressant pour gérer les naissances, sur un plan économique.
[Voir à ce sujet : Programmation de l'accouchement : les sirènes de la toute puissance, par Blandine Poitel]
La longueur de l'accouchement
Au niveau de la longueur de l'accouchement, c'est pareil. Depuis 20 ans, la longueur moyenne maximale autorisée a décru de plus en plus. Pourtant, beaucoup de choses se passeraient mieux si, simplement, on prenait le temps d'attendre que les choses se passent d'elles-mêmes, en surveillant que tout se passe bien, bien sûr. Une étude faite dans un hôpital canadien a montré qu'à partir du moment où ils ont supprimé les horloges dans les salles de travail, le taux de césariennes est tombé de 18 à 13 %.
Le fait de respecter le temps de l'accouchement, en-dehors du fait que, sûrement, cela supprime un certain nombre d'interventions musclées, a aussi son intérêt. Voici quelques études très récentes. En 2000, une étude parue dans l'American Journal of Obstetrics and Gynecology : plus le premier stade de l'accouchement - donc la dilatation - a été long, plus on trouve de polynucléaires, de cellules CD34+ et de précurseurs de cellules hématopoïétiques dans le sang du cordon. Ce qui diminue sans doute le risque d'anémie et augmente les capacités immunitaires du bébé.
Si l'on parle du temps de l'accouchement, on parle aussi, bien sûr, de la perfusion d'ocytocine qui est clairement faite pour accélérer les choses. Il y a de plus en plus d'études sur le rôle des hormones naturelles. On se rend compte que c'est très différent pour une femme et son bébé d'avoir accouché et d'être né dans le climat hormonal prévu pour - dont l'ocytocine naturelle - ou d'avoir été déclenchée ou accélérée par de l'ocytocine synthétique. Quand on administre de l'ocytocine synthétique, elle se fixe sur les récepteurs prévus pour l'hormone naturelle, empêchant celle-ci d'être sécrétée. Or on connaît maintenant le rôle de l'ocytocine dans l'attachement, les premières relations mère-enfant. C'est peut-être l'hormone la plus importante dans ce domaine. Récemment, à la télévision française, il y a eu une série sur l'amour. Une des émissions présentait l'interview d'une chercheuse norvégienne qui ne travaille que sur l'ocytocine. Elle montrait à quel point elle était importante dans notre vie affective. Cette hormone a aussi des conséquences au niveau de l'allaitement. C'est quand même une des deux hormones impliquées dans l'allaitement.
On a parlé tout à l'heure du problème du monitoring continu ou intermittent. Là aussi, les recommandations sont de ne pas faire de monitoring en continu, mais je sais que cette pratique est générale partout. La déclaration de la Fédération internationale des gynécologues- obstétriciens dit qu'il "est admis que le monitorage continu peut interférer avec la mobilité de la femme, entraîner une inquiétude non nécessaire, entraîner des décisions non appropriées (césarienne)". Et effectivement, toutes les études sur les conséquences du monitoring continu sont arrivées aux mêmes conclusions : la seule différence significative, c'est une augmentation des césariennes.
La péridurale
Il s'agit là d'un terrain délicat. Dès qu'on commence à émettre la moindre critique sur elle, on est tout de suite catalogué de réactionnaire misogyne vantant la souffrance des femmes. Personnellement, je pense que la péridurale est utile dans les cas où il y a des souffrances absolument insupportables - les femmes n'ont pas toutes le même niveau d'acceptation de la souffrance, le même vécu, le même entourage... Je pense que dans certains cas, la péridurale est vraiment incomparable. De là à penser que c'est un progrès de la société et de la science que 100 % de femmes accouchent avec la péridurale, j'ai comme un doute. A propos de la péridurale aussi, on a parlé de différences de pratiques entre des hôpitaux voisins de 5 km, mais au niveau des pratiques d'un pays à l'autre, les différences se marquent aussi. En France, on peut penser qu'il y a au moins 75 % de péridurales, et dans les CHU, il y en aurait entre 90 et 95 %. Au Danemark, c'est 5 %. Je me pose des questions : est-ce que les Danoises sont spécialement masochistes ? C'est vraiment très étonnant.
[Sur le déclenchement et la péridurale, voir un extrait de l'ouvrage de Claude Didierjean]
Péridurale et allaitement
Il y a aussi l'allaitement : c'est mon domaine de prédilection... Il est à peu près clair maintenant que la péridurale a un effet sur les débuts de l'allaitement et sur les bébés. On nous a dit pendant des années que la péridurale n'avait aucun effet sur le bébé. Il n'empêche qu'on en voyait. Moi, j'ai commencé à m'intéresser à l'allaitement à un moment où la péridurale n'existait pratiquement pas. J'ai vu, au fur et à mesure, de plus en plus de bébés un peu bizarres les premiers jours, un peu endormis.
Il y a eu plusieurs études sur le sujet, que je cite aussi dans mon livre. Notamment une étude qui a montré qu'au niveau de la coordination succion-déglutition-respiration, il pouvait y avoir des perturbations chez le bébé, jusqu'à un mois après la naissance, en cas de péridurale.
[Voir aussi : Péridurale : choisir en connaissance de cause, édité par Sophie Gamelin]
Ce ne sont pas des choses très nettes... Ça pourrait, bien sûr, être attribué à tellement d'autres choses, et il y en a d'autres... comme par exemple l'aspiration gastrique. Une toute dernière étude, faite en 2000, précise que quand l'enfant est né sous péridurale, il a un niveau d'hydratation plus élevé. Je traduis cette information en termes de : il est un peu gonflé, il a un peu d'dème. Il a donc un poids de naissance plus élevé, et donc il aura une perte de poids plus importante. Au niveau des chiffres : un bébé né sous péridurale a un poids moyen de 3645 g. et de 3391 g pour les bébés nés sans péridurale. C'est quand même une différence importante ! Est-ce que cela a des conséquences, je n'en sais rien, mais je me pose quand même des questions... Les bébés nés sous péridurale perdaient en moyenne 226 g, contre 140 g pour les bébés nés sans péridurale. C'est intéressant à savoir, puisqu'on se polarise pas mal sur la perte de poids après la naissance. Peut-on dire qu'une perte de poids plus importante est alors normale ?
Une autre étude toute récente, parue en 2000, dans le Journal of Asthma, traite de plus de 8000 enfants de sept ans. C'est assez nouveau qu'on fasse des études montrant les conséquences à long terme des gestes faits durant la naissance. Si le sujet vous intéresse vous pouvez aller sur le site de Michel Odent (http://www.birthworks.org/primalhealth). C'est vraiment sa passion de rassembler toutes les études qui font le lien entre des choses qui peuvent sembler au départ anodines et sans rapport. En cas de césarienne, le risque d'asthme à l'âge de sept ans était augmenté de 38 %, en cas de ventouse, il était augmenté de 32 %, en cas de forceps de 114 %. Ce qu'il faut y voir, c'est que tous les gestes posés durant l'accouchement ne sont pas anodins. Il faudrait, avant de les faire, être sûr qu'ils sont bien nécessaires.
L'épisiotomie
Je voudrais vous en parler, car c'est un de mes chevaux de bataille. Je pense que l'épisiotomie est une des dernières mutilations sexuelles qu'on trouve encore chez nous, et qui est faite non seulement sans utilité, mais avec des conséquences pas du tout agréables. On trouve aussi des chiffres très différents d'un pays à l'autre : en France, c'est 60 % et beaucoup plus pour les primipares, en Grande-Bretagne, c'est 30 %, en Suède, c'est 6 %... On sait que les épisiotomies entraînent plus de pertes de sang, plus de douleurs dans le post-partum, une gêne qui fait que la vie n'est pas du tout agréable pour s'occuper du bébé, pour s'asseoir et pour allaiter. Elle entraîne plus de risques de lésions du sphincter anal, plus de risques de mauvaise cicatrisation, et plus de douleurs à la reprise des rapports sexuels...
Toute la littérature des 15 dernières années est d'accord pour dire que l'épisiotomie en tant que geste de routine non seulement n'a aucune utilité, mais est nocive... Et pourtant, ça continue.
Il y a davantage de déchirures, d'incontinence et de prolapsus, en cas d'épisiotomie.... alors qu'on dit faire des épisiotomies pour éviter tout ça. C'est quand même paradoxal !
[Voir un article de Stéphanie St-Amant et un recueil de textes sur l'épisiotomie]
Je terminerai rapidement sur ce qui se passe après la naissance, en parlant des soins au nouveau-né. Là aussi on est toujours trop pressé. Beaucoup de soins pourraient attendre, mais on est très pressé de le mesurer, de le peser, de lui mettre des gouttes dans les yeux, de l'aspirer etc. Combien de bébés se retrouvent en isolette pour être réchauffés parce qu'ils se sont refroidis ? Alors qu'ils se sont refroidis parce que les soins n'ont pas pu attendre. Un nouveau-né perd 0,1°C/minute dans une pièce à 20°C. Donc ce n'est pas étonnant qu'il se refroidisse. On pourrait, s'il se refroidit, le remettre sur sa mère, éventuellement sous une couverture chauffante, au lieu de le mettre dans une isolette. Mais non ! On le met dans une isolette, et la mère le récupère deux ou trois heures après.
Des soins pourraient être différés parce quils ont des conséquences sur l'établissement des premiers liens. Il y a le collyre. On peut se poser des questions sur l'utilité du collyre... mais ce qui est clair, c'est qu'il gêne le regard. Or on sait maintenant que l'échange de regards des tous premiers instants entre la mère et l'enfant est vraiment très important. Et c'est un peu embêtant qu'un des membres du duo soit aveuglé à ce moment-là...
Ah ! Il y a aussi le bain. Je m'élève contre l'idée que le bain systématique, c'est bien. C'est vrai, il y a eu Leboyer, et après on a dit : "C'est super le bain". Mais de là à en faire un truc absolument nécessaire, ce n'est pas vrai du tout. Lorsque j'ai accouché chez moi de mes bébés, je les ai eus directement dans mes bras, et je n'avais absolument pas envie qu'on les baigne. Le bain entraîne parfois une hypothermie et en plus, dans la mesure où ça enlève les odeurs du bébé, ça le prive d'un repère olfactif. On s'est rendu compte que quand on ne touche pas au bébé, qu'on le met sur le ventre de sa mère et qu'on le laisse ramper jusqu'au mamelon, il sent ses mains, et il suit une espèce de chemin olfactif, parce qu'il a les mêmes odeurs que dans le liquide amniotique qui imprègnent son corps et le mamelon. Même si le bain n'est pas donné pour le nettoyer, quand on le plonge dans l'eau, il y a beaucoup d'odeurs qui s'en vont. Ça paraît un peu animal, ces histoires de mamans qui à la limite vont lécher leur bébé, mais il y a quand même toute une partie qui marche comme ça chez nous aussi.
J'en reviens à mon cheval de bataille qui est l'allaitement. Énormément de ces soins que l'on donne au bébé gênent le début de l'allaitement et de toute façon les premières relations. Une étude a été faite sur la tétée précoce . On a observé deux groupes de nouveau-nés. Un groupe de 38 nouveau-nés qui ont eu un peau à peau pendant au moins une heure avec la mère, et un groupe de 34 nouveau-nés qui ont été séparés après 20 mn de contact, pour les soins qui ont duré 20 mn, puis remis en contact avec leur mère durant 20 mn. On a observé dans le premier groupe que 24 enfants sur les 38 tétaient ensuite correctement, alors que sur les 34 qui avaient été séparés 7 seulement tétaient correctement.
Un des gestes les plus invasifs et les plus dommageables, c'est l'aspiration. D'un pays à l'autre, les chiffres sont très différents. En France, c'est quasiment systématique. En Suède, ça fait un bon bout de temps que ce n'est plus systématique et que ce n'est plus que sur indication médicale qu'elle est pratiquée. C'est un geste très traumatisant et qui peut compromettre la capacité du bébé à téter au sein.
On connaît bien maintenant l'importance des premiers contacts mère/enfant, cette période des premières heures, des tout premiers jours où l'un et l'autre se découvrent, s'apprivoisent, s'ajustent. Dans toute la mesure du possible, rien ne devrait venir perturber l'établissement de ces liens.
Certains ont pu décrire l'interaction d'une mère avec son bébé comme une "danse" savamment chorégraphiée. Pour que cette danse advienne, encore faut-il qu'on n'ait pas tout écrasé avec les gros sabots des interventions médicales. Dans certains cas bien précis, celles-ci sont nécessaires et utiles. Mais dans beaucoup d'autres, elles font plus de mal que de bien. Aux futurs parents de bien s'informer au préalable pour pouvoir faire des choix éclairés et n'avoir pas de regrets après coup.
(*) Les femmes et les bébés d'abord, de Myriam Szejer et Francine Caumel-Dauphin, Albin Michel, 2001.