Débat libre
à propos de
« la responsabilité individuelle lors d'une
naissance »
de l'après-midi du 14 mars 2002
organisée par les parents de l'association sans but lucratif
Carrefour Naissance à Charleroi.
Association sans
but lucratif
Belgique
Source de cette page : http://users.swing.be/carrefour.naissance/ArtRefl/TextDebat14mars2002.htm
Pour joindre l'association Carrefour Naissance
Allocution de Madame Claude Didierjean-Jouveau
Avertissement : Nous avons retranscrit les débats le plus justement possible, en conservant autant que possible la forme orale. Lorsque nous avons pu identifier la personne qui s'exprimait, nous l'avons spécifié au début de sa ou ses interventions, les autres interventions commencent par un tiret. Les remarques sont reprises entre crochets. Pour faciliter la lecture et pouvoir retrouver plus facilement un passage, nous avons "découpé" et "nommé" certains moments, repris dans le sommaire.
Il nous a semblé, lorsque nous avons écouté l'enregistrement de ces débats, qu'après un temps de réflexion, il serait intéressant de les poursuivre. C'est la raison pour laquelle nous avons ouvert une liste de discussion pour y poursuivre ces débats. Pour plus d'information, se connecter à <http://fr.groups.yahoo.com/group/debatCN/>
Sommaire :
Présentation d'Harimandir après la vidéo de son dernier accouchement |
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Présentation d'Harimandir après la vidéo de son dernier accouchement...
Je m'appelle Harimandir. J'habite dans le sud de la France. J'ai cinq enfants, qui ont entre 1 an et 22 ans. L'aîné est né en maternité, et les quatre autres sont nés à la maison et dans l'eau. J'ai toujours voulu avoir des photos et des films des naissances, d'une part pour un souvenir, pour eux, pour la famille, et puis aussi pour le partager, comme on le fait aujourd'hui, pour partager avec d'autres. Je pense que ce sont des moments forts... Il y a certaines choses qui se disent dans le film. Parfois, il n'y a pas besoin de mot ; parfois, l'image est plus importante encore pour moi. Voilà, si vous avez des questions, je veux bien y répondre... partager, ensemble...
- Moi, je suis sage-femme hospitalière encore actuellement et je dois dire que j'ai eu beaucoup d'émotions à regarder cette naissance. Bravo ! bravo ! Pour avoir la gentillesse de nous montrer, de nous faire participer. Et j'espère aussi faire participer les nouvelles sages-femmes, celles qui vont prendre notre relais, là ! Pour montrer qu'un accouchement n'est pas toujours une catastrophe et que ça peut se passer très bien.
Je suis contente, en fait, d'avoir vu ce film et j'espère que les nouvelles sages-femmes qui vont prendre notre relais après, vont pouvoir changer leurs façons de voir un accouchement, de penser que c'est possible d'accoucher normalement sans toute la technique, la technologie autour et aussi d'accoucher très humainement comme on vient de le voir. Moi, je suis très très....
- Moi, je voudrais demander pourquoi les sages-femmes qui sortent de l'école devraient tout envisager comme une catastrophe. Je ne suis pas sûre qu'il faut un film comme celui-ci pour se rendre compte qu'une naissance ça peut être quelque chose de pas trop mal...(inaudible. La personne prend le micro.)
Je pense franchement que le fait d'accoucher à la maternité, comme des tas d'autres femmes le font, ne veut pas dire nécessairement une naissance en catastrophe. Et là, je suis un peu déçue, quand même, que vous ayez l'impression que les sages-femmes qui vont sortir de l'école, il leur faille des films comme celui-ci pour se rendre compte qu'une naissance peut être un événement heureux. Parce que si elles n'auront vu aucune naissance comme ça... je crois alors qu'on fait vraiment un moche boulot, alors.
- Non, pas du tout !
- Si, je crois !
- J'ai dit : sans technique... autour. Un accouchement avec un caractère humain comme on vient de le voir. Et je ne sais pas si, à l'école, vous en avez beaucoup...
- Moi, je ne suis plus à l'école. Ça fait sept ans que je travaille, alors... Mais la maternité ce n'est pas la technique
- Peut-être que...
Maud : Il faudrait peut-être élargir le débat, pour que tout le monde puisse en profiter... sinon...
- Je pense qu'il y a beaucoup plus d'émotions dans ce qu'on vient de voir que dans ce qu'on voit à la maternité en général.
- Je ne suis pas sûre !
- Non ? Ou alors, là, où je travaille, il n'y a pas beaucoup d'émotion...
- J'en vis quand même...
- Moi aussi, ça m'arrive. Et je travaille en milieu hospitalier
- L'émotion est là où on veut la trouver
- Je pense aussi. Mais justement, je crois que... J'ai le sentiment qu'on avance de plus en plus vers des maternités où on met en garde les gens, où on les prépare à des accouchements difficiles avec un accompagnement technique, médical, et on ne leur parle pas souvent de possibilités différentes. Chez moi, ça se passe comme ça.
- Mais, il faut aussi les préparer à des accouchements dystociques, ça n'enlève pas le fait... [La personne prend le micro] Je dis qu'il faut les préparer à des accouchements qui peuvent parfois être dystociques, mais ça n'enlève pas le fait qu'on est tout à fait conscient qu'un accouchement c'est physiologique.
- Donc ce n'est pas parce qu'on est à la maternité que c'est la technique.... Pas chez nous en tout cas.
- Ça dépend de là où tu travailles...
- Pourtant je travaille dans une maternité universitaire.
- Non, ça ne dépend pas de la maternité, ça dépend de la personne qui accouche et du couple. Et du couple surtout parce qu'il y a pas que nous, hein. Dans une naissance, il y a le couple et il y a nous. Mais ça ne dépend pas de...
Harimandir : Moi, j'aimerais dire que ce film, il n'est pas là pour prôner la naissance à la maison, dans l'eau... pas du tout. C'est mon expérience. Donc c'est personnel, déjà. Ensuite, j'ai accouché dans l'eau chez moi, mais, j'aurais pu accoucher à l'hôpital de la même façon, si je m'étais imposée, si j'avais choisi certaines personnes, ou certains lieux. Ce que je veux dire, c'est qu'on peut très bien retrouver, comme vous dites, ces émotions à l'hôpital. Mais pour cela, il faut qu'il se passe certaines choses. Et moi, pour mon premier enfant, ça n'a pas été le cas... Là, on voit, mon mari et moi, on est complètement en osmose tous les deux. Pour le premier, il me tenait comme ça - j'ai des photos - [Harimandir tend les deux bras bien droits, indiquant sa place au bout de ceux-ci] et il me tenait comme ça, durant toute la durée de l'accouchement, et c'est vraiment autre chose à vivre. Et pourtant, j'avais choisi une maternité dite sans violence, où on pratiquait les choses différentes, pour l'époque. Je n'ai pas trouvé ce que je voulais.
Couper le... contact (et le cordon)
Myriam : Bonjour, je m'appelle Myriam. Moi, j'ai accouché en Angleterre, et mon rêve était d'accoucher comme Madame, dans l'eau. Et ça ne s'est pas du tout bien passé. C'est comme ça !... Cela s'est terminé en épidurale et...
Mon petit garçon a eu un an le mois dernier. Je voulais aussi accoucher dans une baignoire. J'ai pratiqué l'aromathérapie durant toute ma grossesse et pendant mon travail. Et j'ai eu un petit problème. Je ne suis pas sage-femme du tout... Je ne dilatais pas. Et je n'ai eu aucune aide, du tout, ni au point de vue émotionnel, ni au point de vue soutien de la part des gens qui m'entouraient. On m'a renvoyée à la maison. Et à la maison - parce que j'ai pris sur moi - j'ai pris un bain avec mon mari, et j'ai essayé de me détendre grâce à l'eau et à certaines huiles essentielles. Je suis retournée à l'hôpital, stressée, épuisée, puisque j'avais commencé mon travail le vendredi à 8 h du soir, et le petit est arrivé le lendemain, à 2 h de l'après-midi. Et on a enfin fait une épidurale qu'il était 10 h et demi du matin. C'est l'épidurale qui a provoqué la dilatation.
L'atmosphère dans laquelle on est, je trouve, a énormément d'importance, et parfois, le côté psychologue en hôpital n'est pas toujours là. Ça, j'en témoigne à 100%. Moi, je l'ai vécu en Angleterre pour une première fois - en Belgique ou en France, je n'en sais rien -.
Je voudrais vous remercier pour le film qu'on a vu, parce que j'ai envie d'un deuxième enfant, même si j'ai eu un accouchement atroce. Et je suis persuadée, aujourd'hui plus que jamais, que ça se passera à la maison et dans l'eau.
De plus, mon petit garçon a été... enfin...
J'ai posé une question à une sage-femme pendant le film, parce que moi, je n'y connais pas grand chose de ce côté là. On nous dit toujours qu'il faut couper le cordon tout de suite si non il y a problème d'hémorragie, et ce genre de chose... Quand O. est sorti, je l'ai eu une seconde sur le ventre, il était tout bleu, personne ne m'a dit quoi ou qu'est-ce. Donc, j'avais travaillé pendant 18 h - parce que pour moi ça a été réellement un travail, ça n'a pas été un plaisir -, et on m'a enlevé mon enfant tout de suite. On lui a fait des tas de choses, je ne sais même pas quoi, mis à part le fait d'essayer de le faire respirer. Et mon mari était là, de l'autre côté, en train d'essayer de voir si l'enfant respirait. Au niveau émotif, ça a été comme une cassure, et il a fallu plusieurs mois avant qu'O. et moi, on arrive à communiquer. Il n'a pas voulu le sein, au départ, alors que je voulais l'allaiter. Ça a été une bataille en communication tous les deux. Et aujourd'hui, grâce à l'aromathérapie et la réflexologie que je pratique avec mon enfant, on a un équilibre, une stabilité, et un bien être total. Mais O. a énormément souffert pendant l'accouchement . Et je ne ferai plus jamais ça à un de mes enfants, si j'en ai encore, ce que j'espère.
- Est-ce que vous pensez que vous avez nécessairement le choix ?
Myriam : En fait, moi, ce qui m'a perturbé à l'hôpital, c'est - mais encore une fois, je ne le savais pas - pourquoi, au lieu de... on aurait pu essayer d'aider mon enfant à respirer, puisque quand il est né, il était bleu, il ne respirait pas spécialement mais on aurait pu le poser sur moi et essayer de garder ce contact humain que j'ai eu avec lui pendant neuf mois. Au lieu de ça, le cordon a été coupé en deux secondes, je n'ai même pas vu mon bébé, et on me l'a enlevé, on est parti, et quand il est devenu rose, on me l'a ramené ; mais O. était en pleurs, stressé. Il a fallu trois mois, réellement, pour avoir un enfant bien dans sa peau. J'ai dû aller voir un ostéopathe, j'ai fait énormément de massage avec lui, et énormément de communication, beaucoup de bain, et encore aujourd'hui. Et je pratique toujours l'aromathérapie et la réflexologie avec lui. Et c'est un bébé hyperheureux, hyper-content.
Je suis convaincue que le milieu dans lequel on accouche et les gens qui vous entourent, ça joue énormément. Enormément.
[Long silence. Le micro glisse de main en main.]
Stéphanie : J'ai un peu de mal à me lancer. J'ai un petit garçon de deux ans et trois mois. Sa naissance a été très très difficile... à l'hôpital... j'ai eu une césarienne. Comme vous voyez, c'est encore un peu... [émotions]... excusez-moi... J'y arrive... Pourtant, même quand je l'attendais, j'avais tout à fait confiance en mon corps pour être capable d'accoucher. Il était en siège. C'était pas diagnostiqué. J'ai eu une césarienne imprévue, très violente, on nous a séparés, avec A.... Bon, ça a été dur... comme vous pouvez le voir. J'étais complètement révoltée... et... je ne voulais pas du tout revivre ça, et très vite ça m'a paru évident qu'il fallait que j'accouche chez moi, parce que je me suis sentie vraiment totalement en insécurité à l'hôpital... C'est un endroit qui me fait très peur. Où on n'a pas le choix. Où on prend le pouvoir sur vous... c'est comme ça que je l'ai vécu...
Avant même de concevoir B., on avait décidé que... elle naîtrait à la maison, en tout cas qu'on ferait tout pour qu'elle naisse à la maison....
C'est vrai, qu'il faut peut-être préparer .. enfin, non, d'ailleurs, je ne pense pas que ce soit vrai qu'il faille se préparer au fait qu'un accouchement, ça peut être difficile. Je pense qu'au contraire, il faut essayer de, plutôt, de sentir qu'un accouchement c'est quelque chose de très naturel, et que le corps sait accoucher, et, j'ai cette chance - je ne sais pas d'où ça me vient -, mais j'avais cette confiance. Et, j'ai pas eu peur du tout pendant toute ma grossesse, pourtant j'avais eu une expérience difficile. Bon, j'avais pas eu non plus une césarienne pour échec du travail. J'avais eu une césarienne avant le début du travail, donc j'avais peut-être pas ce chemin-là à faire de me dire, je n'ai pas su le faire et... voilà, j'ai eu une grossesse, un suivi de grossesse le moins médicalisé possible. Puisque la seule chose qui me faisait peur c'était tout ce qui était médical, en fait. J'ai eu peut-être un moment difficile, c'est que quand je suis allée dans une maternité où j'étais inscrite pour faire un dossier de transfert, on m'a traité... enfin on ne m'a pas traité de folle, on m'a traitée de façon très paternaliste, ce qui est une arme terrible. Prendre un air condescendant et dire : mais enfin ma pauvre dame vous êtes folle, avec votre antécédent de césarienne, c'est très dangereux. Alors que je sais, parce que je ne suis pas folle et que je me suis beaucoup renseignée et que non : ce n'est pas dangereux. Parce qu'une césarienne, aujourd'hui, ce n'est pas fait comme avant, et que une rupture utérine, c'est très rare et que c'est un risque mais que à l'hôpital, il y a beaucoup beaucoup d'autres risques, et je...
Je m'égare un peu. Excusez-moi, ce n'est pas très clair.
A ce moment-là, j'ai presque perdu confiance, enfin, le médecin m'a dit : si vous voulez avoir une chance d'arriver à l'hôpital, et que si c'est un transfert et si vous ne voulez pas qu'on ne vous fasse pas immédiatement une césarienne, il me faut une pelvimétrie et une échographie. Et je ne voulais pas faire ces examens, parce que je sais qu'ils ne sont pas fiables, et je sentais que s'ils les faisaient, j'allais perdre de la confiance et de la sérénité. Donc j'ai choisi de ne pas les faire. J'ai pris un risque, effectivement, parce que je savais que si j'arrivais, si j'avais besoin d'aide et je devais aller à l'hôpital, je passerais à la casserole en deux secondes. Mais, bon ! J'ai pris ce risque. Je l'ai pris en me disant que ma sérénité, c'est ce qu'il y a de plus important. Et si je vais faire ces examens, je risque de perdre une partie de ma confiance.
Et voilà, elle est née à la maison. Ça s'est très très bien passé.... Parce que le corps sait faire ça et sait accoucher.
- Excusez-moi, mais comment est-ce que vous pouvez être sûre... Vous dites que votre corps est capable d'accoucher, par là. Donc, votre corps est capable de n'être jamais malade, de ne jamais avoir de cancer, de... ? Je ne comprends pas. Je ne comprends pas. Je comprends comment une femme... est capable d'accoucher naturellement - pour ça je suis tout à fait d'accord... Malheureusement, il peut y avoir un "hic".
Stéphanie : Ben, oui, je serais partie à l'hôpital, dans ce cas-là, s'il y avait eu un "hic". J'avais une sage-femme avec moi...
- Pourquoi, pourquoi avez-vous été déçue de la césarienne ? Pourquoi êtes-vous autant persuadée, autant...
Stéphanie : Mais pourquoi un siège serait anormal ? Simplement parce que c'est rare ce serait anormal ! Pourquoi faudrait-il qu'on essaye même pas ?
- Oui, mais ça c'est le gynécologue...
Stéphanie : Oui, ben.
Non, bien sûr c'est pas la généralité ; mais un siège par voie basse sans boucherie c'est rare, maintenant.
Oui, c'est souvent... Je dois dire que je préfère presque, maintenant, après beaucoup de temps...
...
Stéphanie : Je préfère, aujourd'hui, avec les informations que j'ai, je préfère avoir eu une césarienne...
-... un siège de 4 kg 2, sans aucune intervention, madame, et il n'y avait aucune boucherie. Donc je veux dire que votre réalité, c'est pas la réalité de toute la Belgique, de toutes les maternités. On ne césarise pas d'office toutes les femmes qui ont un siège primipare !
Vous parlez de boucherie, ça, ça me choque !
[... salle]
- On ne césarise pas toutes les primipares ayant un siège ! Et un siège, par le bas, ce n'est pas toujours une boucherie.
Jean-Claude : Vous avancez quelque chose ! !... Avez-vous des chiffres pour démontrer ce que vous dites ?
- Non, je n'ai pas de chiffres. Mais je dis qu'on ne césarise pas toutes les primipares en siège
Jean-Claude : En Belgique, 90% des "sièges primipares" sont césarisés !
- Oui, mais ce n'est pas tous, ce n'est pas 100%, donc il reste 10% où on prend le risque. Et ce n'est pas toujours une boucherie. Moi, je veux bien, mais il faut faire la part des choses. A la maison, ce n'est pas toujours idéal, à l'hôpital, non plus. Alors soyons... ayons un juste milieu.
Stéphanie : Moi, je préférais ne pas prendre le risque d'aller à l'hôpital. C'est mon ressenti. Mais j'ai pas dit... Moi je n'ai donné aucun chiffre, c'est surtout émotionnel, ce que je vous ai raconté.
[salle]
Pour moi, l'hôpital, c'est... la sécurité pour moi, elle était chez moi. Voilà. Je pense que se sentir en sécurité est très important pour être capable d'accoucher. Si on a peur, il y a moins de chance que ça se passe bien [émotions]. Le corps est très fort, donc il peut accoucher aussi dans des circonstances difficiles, mettre toutes les chances de son côté en étant bien, c'est mieux.
- Pourquoi n'avez-vous pas pris la décision d'accoucher de votre siège par le bas ?
Stéphanie : Je savais pas. Je suis arrivée à la maternité... Pour moi accoucher c'est une fête... je suis arrivée, j'étais très très heureuse. Je ne savais pas que mon bébé était en siège. Ça ne m'arriverait plus, parce qu'aujourd'hui je m'écoute, moi...
[salle]
Mon gynéco était parti en urgence, pour une césarienne, pendant mon examen du huitième mois. Quelqu'un de très expérimenté, très sûr de lui... il a fait une erreur... Donc ça a été la panique complète dans l'équipe médicale. Ils étaient très choqués que ce ne soit pas diagnostiqué. Ce que je comprends. Et la césarienne a été décidée comme si c'était une urgence vitale. Alors que, moi, j'avais perdu les eaux... ça faisait une heure... J'allais très bien, mon bébé aussi. On n'a même pas écouté son cur. Le médecin est arrivé, on nous a séparés. On ne nous a pas parlé... et... voilà. 20 minutes après, il était né.
[salle]
Stéphanie : Je n'ai pas eu de sage-femme à côté de moi. J'étais seule, complètement seule. Derrière le champ opératoire, il y avait deux chirurgiens qui... J'étais toute seule et on ne m'a pas posé mon bébé près de moi et on m'a engueulé parce que je pleurais parce que je le réclamais. C'est vrai, j'ai vraiment accumulé les... mais, pourquoi ça se passe comme ça ? Je n'ai pas eu de chance. C'est vrai. Mais j'ai l'impression que ça arrive souvent ce genre de chose.
Myriam : C'est ce que je disais tout à l'heure, côté psychologique, l'environnement et le côté émotionnel est très très important. En Angleterre - je ne sais pas du tout comment ça se passe l'accouchement, ici, en Belgique - on ne sépare pas la mère. O. est parti, mais il était toujours dans la même pièce que moi. Donc, on l'a réanimé près de moi. Je ne le voyais pas, mais il était là. Il n'est jamais sorti de la pièce. C'est un côté positif de la chose, je dois l'admettre. Mais je crois que le côté émotionnel joue énormément. Et séparer un couple, je trouve ça la pire des choses, parce que s'il y a bien une personne qui a besoin d'être là... Enfin, je n'aurais jamais voulu personne d'autre que mon mari auprès de moi pour accoucher.
C'est le côté psychologique...
Stéphanie : Je voulais juste ajouter une dernière chose. C'est sûrement vrai qu'à l'hôpital on peut accoucher comme on veut, mais il faut être très fort. Enfin, moi, c'est comme ça que je le ressens... Il faut être très informé et alors on a des chances d'accoucher comme on veut. Mais on a peut-être une chance sur deux, quelque chose comme ça... Si on veut mettre toutes les chances de son côté, il faut être très fort et je ne pense pas que ce soit un moment où on est au plus fort. Donc je n'ai pas voulu prendre ce risque là... pour moi, c'est un risque plus grand que tous les autres.
Yoli : Moi, je voulais réagir à ce qu'a dit madame : "On ne césarise pas directement". Moi, ce qui me frappe, c'est le "on". Je ne sais pas très bien ce qu'il y a derrière le "on". Ce que je remarque, c'est qu'il suffit qu'une femme enceinte mette les pieds dans un hôpital pour qu'elle soit dépossédée de ce qu'elle a porté pendant neuf mois. Je trouve qu'une femme enceinte, dans un hôpital, quand elle se rebelle un peu, est considérée comme irresponsable, ou bien elle est tout à fait coupée de son rôle de maman qui a déjà commencé neuf mois auparavant. Alors, s'il y a déjà ça, cette dépossession de la maman, je ne vous dis pas pour les papas, où là, c'est vraiment quantité négligeable.
Pour mon premier accouchement, c'était à l'hôpital. Une fois de retour en chambre, on nous a dépossédés : mon mari voulait donner le bain : il n'a pas pu, parce que, soi-disant, la sage-femme à ce moment-là observe des choses. A la vitesse à laquelle elle a été, je me demande ce qu'elle a pu observer. Pour le deuxième, j'ai accouché à l'hôpital, mais j'ai fait une rentrée précoce à la maison, et là, à nouveau, on m'a prise pour une irresponsable en me faisant signer la fameuse décharge - un papier qu'on vous met sous le nez -. Et pour le troisième, dieu merci, je me sentais suffisamment apte à accoucher toute seule à la maison. Et donc, je dirais que c'est du troisième que je garde le meilleur souvenir.
- Et vous avez accouché où pour les deux premiers ?
- Moi, je n'ai pas l'impression que c'est la réalité que nous on vit...
Yoli : Le premier à l'hôpital E.
- Il y a combien de temps ?
Yoli : Il y a dix ans. C'était une grossesse tout à fait normale. Je dirais que de cette grossesse, j'en ai un très bon souvenir, mais je dirais qu'au niveau de mon accouchement... ce que j'en ai retiré personnellement, je n'ai pas eu l'impression d'avoir fait quelque chose d'exceptionnel, j'ai l'impression d'avoir été dépossédée de quelque chose. Pour le deuxième, c'était à la clinique de L.... C'était il y a bientôt sept ans. Et à la maison, c'était il y a deux ans.
- Les bébés vont bien, j'espère ?
- C'est le principal ! !
- Non !
- Non !
Yoli : Non, ce n'est pas le principal, je ne pense pas.
[salle]
Jean-Claude :
Le débat, il prend une tournure... ! Je ne pense pas
qu'il y ait un affrontement. Non ! Il y a un vécu.
Moi, ce que j'aimerais... puisqu'il y a quand même beaucoup de
sages-femmes présentes ici, et de futures sages-femmes, c'est
d'entendre parler de votre côté émotionnel, lors
d'une naissance. Qu'est-ce que vous mettez de votre émotionnel
dans une naissance ? Qu'est-ce que vous partagez
émotionnellement avec les femmes qui viennent auprès de
vous ?
[salle]
- Bonjour. Je travaille en milieu hospitalier, depuis passé trente ans. Donc, j'ai quand même une petite expérience derrière moi. Je peux vous assurer que je suis un petit peu déçue par le fait que vous avez été déçue par l'hôpital, Madame. Parce qu'il y a encore moyen de trouver des sages-femmes qui sont compétentes, premièrement, qui ont encore un certain idéal de travail et qui peuvent encore apporter pas mal aux mamans. Moi, j'accouche déjà la deuxième génération - donc des petites filles que j'ai mises au monde, il y a quelques années d'ici - les mamans viennent avec leurs petites filles : tiens, c'est encore toi, je suis tellement contente. Ça n'a rien à voir...
C'est très bien les expériences à la maison. Vous avez su gérer la naissance de vos enfants... et vous aussi, madame. C'est extraordinaire. C'est magnifique. Il ne faut pas oublier, non plus, qu'à l'hôpital, c'est un petit peu... normalement... en sécurité, hein !
[salle]
Vous parlez d'un cas qui ne s'est pas bien terminé... Votre première expérience vous a certainement beaucoup déçue. Mais à côté de ça, disons que, nous, nous sommes... on a le privilège d'être au seuil de la vie, on doit pouvoir gérer toutes les situations de stress, voir... comment ça peut se terminer ou pas. Il faut toujours être très vigilante. Bien sûr, en milieu hospitalier, c'est peut-être un petit peu différent.
Au point de vue émotionnel, je ne sais pas m'exprimer, parce que je suis un petit peu émotionnée aussi. Mais je crois que je vis encore pas mal d'émotions avec les parents. Si un cas tourne mal ou un petit peu moins bien, ça nous arrive encore de pleurer avec les parents. Dans une situation de joie, on vient, on nous invite facilement après. Je suppose que c'est partout pareil dans les hôpitaux, quand on a le temps. Je crois que je suis triste que vous ayez été déçue par l'hôpital. Maintenant je n'ai rien contre le fait qu'on accouche à la maison, loin de là. Chacun gère ses affaires comme il veut. Enfin moi, j'ai eu trois enfants. J'ai accouché tous les trois à l'hôpital, ben, je n'ai rien à dire de l'hôpital. Évidemment, j'ai des enfants de 27, 24 et 23 ans. C'était peut-être différent à l'époque. On n'avait pas le monito sauf un petit peu à l'entrée et un petit peu en milieu de travail, un petit peu à la fin. Les obstétriciens, à l'époque, étaient de grands obstétriciens, alors que maintenant, je crois, qu'il y en a qui perdent un petit peu... je ne sais pas, comment je vais expliquer ça... de naturel. Oui, voilà, on essaye quand même de privilégier le côté naturel des choses.... Les mamans demandent aussi à avoir parfois pas mal de technique avec elles qui peuvent soit les stresser... Ça dépend de la personne aussi, du vécu que vous avez antérieurement, du vécu que vous avez à l'heure actuelle... Je trouve que tout ça dépend... il y a beaucoup de choses qui entrent en ligne de compte. Il n'y a pas que... je ne sais pas comment m'exprimer... A l'heure actuelle, je crois que c'est tellement médicalisé, aussi, les femmes oublient parfois que la naissance c'est un acte tout à fait naturel, tout à fait normal, tout ce qu'il y a de plus physiologique. On en revient maintenant... enfin, j'ai vu l'évolution en trente ans de carrière... Au point de vue du sexe de l'enfant, il y a pas mal de jeunes couples, par exemple, qui veulent même plus savoir ce qu'ils vont avoir. On en revient comme avant, on ne le savait pas puisque ça n'existait pas les échographies ou n'étaient comme à l'heure actuelle. Il y en a pas mal qui reviennent en arrière. On veut moins de technique. On veut... mais il ne faut pas oublier que vous êtes dans un milieu ultra-médicalisé, où ça peut quand même vous aider. Nous, nous sommes là pour voir à quel moment ça peut foirer ou pas. On est sur le terrain. On est le lien entre la femme qui est en train d'accoucher et le médecin. Je ne dis pas que le médecin n'a aucun pouvoir. Il l'a, certainement. Mais nous on essaye de changer les choses. Et si ça va trop dans un sens et bien on essaye de réguler tout ça.
Est-ce que je peux vous demander il y a combien de temps que vous avez accouché en Angleterre ?
Myriam : Il y a un an. Ce que je voudrais dire encore, c'est que je ne blâme pas les sages-femmes, loin de là. Parce qu'en Angleterre, et je crois que Marianne pourra le confirmer, moi, je n'ai pas vu un seul médecin.
- Oui, c'est typique à l'Angleterre...
Myriam : C'est en Angleterre. Oui, c'est comme ça. Moi, j'admire les sages-femmes. Elles font un boulot extraordinaire. Elles ont été extraordinaires avec moi. Ce qui m'a fait du mal, c'est qu'on me sépare de mon enfant aussi vite.
- Je voulais vous demander aussi : est-ce que l'enfant n'a pas eu besoin de soins immédiats ? Vous ne le dites pas ! Je veux bien, moi, je suis la première à laisser les gosses sur le ventre de leur maman, mais à partir du moment où je vois que l'enfant n'est vraiment pas bien, excusez-moi, la première chose à faire, c'est de le réanimer.
Myriam : Mais pourquoi faut-il couper le cordon automatiquement... ce genre de chose ?
- Oui, mais, écoutez : dans le milieu hospitalier, on a pas toujours le temps... Quand on a le temps, je vous assure qu'on fait vraiment bonne chair de suivre une femme en travail et tout ça. Ce n'est pas toujours le cas. Vous avez le problème, à l'heure actuelle, d'un manque de personnel. Ça, ça se vérifie à tous les niveaux, mais en milieu hospitalier, ça devient un peu aigu. Donc, quand il fait très calme, vous êtes deux ou trois personnes - enfin, moi je peux prendre mon expérience - vous avez le post-partum à gérer, vous avez parfois un petit "n" à gérer, et vous avez le bloc accouchement. Avec une seule femme en travail, mais vous faites une chair de roi quand vous avez une dame qui arrive en spontané. Vous la suivez, vous l'accouchez, tout le monde est heureux, tout le monde est content quand ça se passe bien ! Mais quand vous en avez déjà deux-trois ou trois-quatre en travail, et que vous n'êtes toujours que deux sages-femmes pour tout gérer, c'est un petit peu difficile. On ne demanderait pas mieux que de faire tout ça. Mais je vous assure qu'on essaye de faire son maximum pour suivre les couples et la femme. Maintenant, c'est vrai que nous avons un métier qui est très très difficile. Il y a pas mal d'étudiantes, là, dans le groupe de jeunes : il ne faut pas avoir peur du métier. C'est vrai que c'est un métier, je ne vais pas dire, à risque, mais il faut tenir le coup et essayer de bien agir au bon moment. Ça, je crois que c'est important.
Etre actrice de son accouchement
Bonjour. Je m'appelle Ingrid, et j'ai 33 ans. J'ai 5 enfants. Les deux aînés sont nés dans un hôpital assez important à Liège, et puis j'ai eu trois petits garçons à la maison. Au fil du temps et au fil des maternités, j'ai eu l'occasion de me... disons que, progressivement, j'ai pu... Par exemple, avec le premier que j'ai eu à la maison, j'ai eu enfin la certitude que je l'avais mis dehors moi-même. Mon premier accouchement a été un peu difficile. J'ai poussé pendant une heure et demie. On avait provoqué. Je ne sais pas très bien pourquoi. Pour le deuxième accouchement, c'était tout à fait physiologique, mais en milieu hospitalier. On m'a laissé tranquille. C'était très paisible. C'est seulement à la maison, encadrée par une sage-femme très compétente, que j'ai pu m'offrir le luxe d'avoir la certitude d'avoir mis mon petit garçon dehors moi-même. Et cela - en même temps que l'expérience de l'allaitement prolongé que j'avais déjà eu avec les aînés - m'a permis de devenir encore plus la mère de mes enfants. Par après, j'ai découvert le portage que j'essaye de faire connaître autour de moi. Et pour moi, ces différentes expériences sont vraiment une... je ressens... excusez-moi, je suis émue... mais, j'ai besoin de sentir dans mon corps que je suis mère de mes enfants. Et ce n'est pas évident quand il y a des interventions bienveillantes, bien intentionnées, mais peut-être inutiles. Ce n'est pas évident de se dire : "Je l'ai mis dehors, moi-même, mon bébé."
- Je ne vais pas dire grand chose. Je suis sage-femme aussi et j'ai l'impression que le débat tourne un peu en procès : les parents d'un côté et les sages-femmes de l'autre qui se sentent peut-être attaquées. Moi, en tant que sage-femme, quand j'entends des mamans parler d'une expérience - même négative -, je ne me sens pas du tout coupable ou attaquée. Je me dis que c'est un vécu de parent, qu'on doit, je crois, pouvoir écouter et l'entendre. Et ça doit pouvoir nous faire évoluer dans notre façon de travailler. Je crois qu'il y en a beaucoup qui se sont senties vraiment agressées dans leur travail et dans leur profession. Je pense que ce n'est pas ça que les parents voulaient communiquer. Je pense que le débat devenait très agressif. J'espère que ça va se calmer, parce que je trouve que c'est un peu dommage. Parce qu'on est dans un environnement très agréable.
Bon, moi, j'ai vécu des... enfin, je suis professionnelle, et puis j'ai accouché aussi, moi-même, en milieu hospitalier. J'ai eu, bien sûr, droit à des soins privilégiés, puisque j'avais une amie qui est restée près de moi. J'étais dans un hôpital universitaire, mais c'est en sachant très bien ce à quoi que je voulais arriver. Je n'ai pas été médicalisée. Tout n'a pas été hyper-médicalisé, parce que j'ai eu la chance d'avoir une collègue qui m'a soutenue et qu'elle savait ce que je voulais. Mais, aussi non, c'est vrai que pour des mamans qui ne font pas partie du milieu, qui ne veulent pas certaines choses et qui se retrouvent en milieu hospitalier, c'est vrai que c'est dur de lutter contre eux, contre tout cet environnement, contre toute cette pression qui existe. Parce qu'il y a une pression énorme. Je crois qu'il faut qu'on se remette tout le temps en question, et que des petits mots ont une importance capitale pour les parents.
Marianne : Que certaines mères aient une expérience pénible, qu'elles ressentent comme étant pénible pendant des années après leur accouchement, ce n'est jamais acceptable.
En 1900, tout le monde accouchait à la maison. Le taux de mortalité infantile était très important, le taux de mortalité maternelle était aussi très important. On a donc décidé de commencer à avoir des surveillances prénatales qu'on a commencé en Écosse, en 1920. A partir de ce moment-là, on a commencé à médicaliser la grossesse des femmes à haut risque. On a commencé la médicalisation de ces grossesses, dans les milieux défavorisés où les taux de mortalité étaient très importants. On en est arrivé aux années septante, où tout le monde accouchait en milieu hospitalier. Non seulement tout le monde accouchait en milieu hospitalier, mais si vous vouliez accoucher autre part, on vous traitait d'irresponsable voire de dingue.
Je pense que ce qui est important, c'est non seulement le choix des parents, c'est l'information qui est présentée par les professionnels et le consentement. Je ne veux pas dire, par consentement, qu'on signe un papier, mais que les parents ont un consentement informé, c'est-à-dire qu'on leur donne le pour et le contre. Il n'y a qu'une façon de savoir le pour et le contre, c'est de lire, de lire, et de lire encore.
Je voudrais demander aux sages-femmes qui sont dans la pièce : quelles études de recherche avez-vous lues la dernière semaine ?
...
Quelles études de recherche avez-vous lues le dernier mois ?
...
Quand vous êtes-vous posée la question de savoir si vous faites ce que vous faites parce que vous pensez que c'est bien ou parce que vous savez, évidence à l'appui, que c'est bien ?
Quand vous dites, on est deux sages-femmes, il y a quatre patientes en travail, et on n'a pas le temps de s'en occuper : c'est pas la faute de la patiente. Elle n'a même pas besoin de l'explication. Elle a besoin d'un service qui réponde à ses besoins.
... [salle]
Marianne : Dans les hôpitaux, il y a un pouvoir médical qui est partagé par les sages-femmes - je sais bien, je l'ai assez pratiqué - par lequel on dit : "Vous savez, ça, madame, c'est dangereux. Accoucher à la maison, après une césarienne, madame, c'est très dangereux." Ce n'est pas très dangereux.
[salle]
Que font les sages-femmes pour exiger un soutien ? Est-ce que chaque fois que vous avez un manque de personnel, vous écrivez à la direction pour leur dire : vous savez le genre de traitement, auquel on soumet les patientes, n'est pas acceptable. Cela est de la responsabilité de la sage-femme.
- Bien sûr. Elles l'oublient souvent ça !
Marianne : Et vous l'écrivez dans le dossier. Vous dites aux patientes : ne venez pas accoucher ici, parce qu'il n'y a pas assez de personnel. Ça, c'est être responsable. Ça leur donne un choix. Elles peuvent aller ailleurs. Les gynécos ne seront certainement pas d'accord. Mais c'est la vérité.
Un autre petit détail, pour terminer. Il y a une étude qui a été faite par une sage-femme dans le sud de l'Angleterre. Elle regardait la communication entre la sage-femme et la femme en travail. Cette étude a été faite par méthode de petites vidéos placées dans la salle d'accouchement. Une toute petite vidéo, donc pas intrusive. Tellement peu intrusive, que les sages-femmes oubliaient que la vidéo était là. Il y avait le consentement des parents, le consentement des sages-femmes qu'on filmait.
La sage-femme qui a fait la recherche, et qui était donc consciente de l'importance de la communication, s'est vue sur vidéo. Elle a été horrifiée de la façon avec laquelle elle communiquait avec les parents.
Savons-nous comment nous sommes perçus ? Nous ne savons même pas comment nous faisons. Sauf si vous avez été toutes filmées et que vous savez comment c'est. Demandez aux patientes dont vous vous occupez, demandez à ces femmes : "Allez dire à ma copine machin-chose comment elle était, et demandez qu'elle soit honnête." C'est comme ça qu'on apprend comment on est. Mais on ne le fait pas. C'est pas comme ça qu'on travaille. La sage-femme, consciente de l'importance de la communication, était horrifiée de son attitude.
Nous sommes des gens sympas. Nous sommes des gens gentils. Nous faisons le mieux que nous pouvons. Mais on ne fait pas aussi bien qu'on pourrait. Je crois qu'il faut écouter les mères de famille qui nous le disent et prendre en considération ce qu'elles disent. Le service, les salaires, le manque de personnel, tout ce qu'on veut, mais, ce n'est pas la faute des mères de famille.
Manuelle : Je ne crois pas qu'il y ait un seul parent, ici, qui est là pour comparer et donner des points en plus ou en moins à l'hôpital ou au domicile. On est là, avant tout, je crois, pour témoigner d'une expérience. Je crois qu'avant tout, l'accouchement est celui de la femme. Et si c'est sous péridurale à l'hôpital, - si c'est vraiment ce qu'elle veut, si elle y a ré-flé-chi vraiment, si elle sait tout ce qu'elle risque tout et tout - c'est parfait. On n'est pas en train de dire que l'accouchement idéal c'est celui qu'on a vu dans le film.
Par rapport à la dépossession, on a entendu quelques sages-femmes s'exprimer... et, moi, j'ai entendu : "J'accouche depuis trente ans". J'espère que le travail n'est pas trop dur, parce qu'un travail de trente ans, c'est long. Je crois que c'est la femme qui accouche. Je crois que dès qu'on entre à l'hôpital, elle est accouchée. Ça commence, là. On n'est plus... Oui, on est allongée, on est... oui, bon...
Je crois que c'est à ça qu'il faut réfléchir, pas savoir si c'est bien d'être à l'hôpital ou à la maison. On exprime un vécu. C'est vrai qu'à la maison, les personnes présentes ont généralement trouvé plus de confort qu'à l'hôpital. Mais...réfléchir à qui accouche, qui fait quoi, et de la responsabilité de qui... ? Et l'information indispensable à la base... !
- Bonjour, je suis sage-femme enseignante déjà depuis quelques années. Une chose qui pour moi est excessivement importante, c'est de pouvoir entendre le vécu des parents. Leur ressenti leur appartient. Moi, en tant que sage-femme, je n'ai pas à juger : c'est bien, c'est mal... c'est le vécu de l'autre. Par contre, je me demande : qu'est-ce que ça touche en moi, par quoi est-ce que je suis interpellée ?... et aussi garder sa sensibilité pour pouvoir accompagner.
C'est vrai que la médecine a fortement évolué. C'est vrai qu'au début du siècle, il y avait pas mal de danger au niveau des naissances à domicile, avec des morts d'enfant et de mère. Je crois que la médecine a apporté quelque chose de très positif. Maintenant, on va peut-être très loin dans tout ce qui est médical, mais, là, aussi, en tant que sage-femme : qu'est-ce que je peux aussi apporter ? comment puis-je accompagner ? qu'est-ce que je peux faire pour toutes les femmes qui accouchent ? Pour moi, la naissance est un moment très important dans le vécu de la femme, et aussi de cet enfant qui naît. Est-ce que je suis consciente de cela et qu'est-ce que je peux mettre en place et comment est-ce que je peux être ? Je ne crois pas qu'on ait à faire beaucoup... mais, simplement, parfois, des gestes, des mots. Et, aussi : accepter que la femme puisse me dire : "Ça ne me convient pas". Ce n'est pas pour ça que je suis, moi, touchée. Je crois que chaque parent essaye de vivre quelque chose d'important. Pour eux, avec ce qu'ils sont. Et moi, en tant que sage-femme, je demande : comment est-ce que je peux répondre à l'attente de ces parents ?
Jean-Claude : En ce qui me concerne, en premier lieu, je suis père de trois enfants. Accessoirement, je suis sage-femme aussi. Sage-femme travaillant à domicile. Mais je dis bien "accessoirement" parce que, pour moi, être sage-femme, c'est une fonction. Une fonction sociale plus qu'une profession. J'ai -accouché- des femmes à l'hôpital pendant ma formation, et puis pendant un an à l'hôpital. Ensuite, ce sont les femmes qui m'ont appris ce que c'est "accoucher". Ça n'a pu se faire que petit à petit, d'expérience en expérience, et certainement pas avec trois accouchements par jour. C'est un par semaine, un tous les quinze jours, et c'est le temps qui passait, le contact avec ces femmes, avec leurs compagnons, qui, progressivement, au fils de ces - maintenant, 6-7 ans - que j'ai appris ce que peut être "accompagner une naissance". Je n'accompagne pas des femmes. Je n'accompagne pas des bébés ou des hommes. C'est un moment de vie. Tout comme pendant dix ans, auparavant, j'avais accompagné des fins de vie. Des gens qui sont morts de cancer ou de sida. D'abord, à l'hôpital et ensuite, je les ai accompagnés à la maison. Un peu comme les sages-femmes traditionnelles du siècle passé : on accompagnait aussi bien les morts, que les vies, que les naissances, à la maison. Pour moi, c'est ça, être sage-femme. C'est une fonction sociale : accompagner... ce qui nous dépasse.
Lors d'une naissance, 80% de ce qui se passe, je ne le comprends pas. Et je n'ai pas envie de le comprendre. Je n'ai pas envie de savoir. J'ai appris, les femmes m'ont appris, à trouver d'autres repères, par exemple, pour le suivi du travail, à trouver d'autres repères que de faire des touchers vaginaux. Je n'en fais plus. Ça ne sert à rien, ou si ça sert à quelque chose, c'est à imposer un savoir. Et plus je pouvais enlever des gestes techniques qui me permettaient de retirer du pouvoir, et plus la femme, elle, peut prendre du pouvoir, et, réellement, elle vit son pouvoir de femme en train d'enfanter. Je leur propose de s'auto-examiner. Beaucoup de femmes ont peur de ça. En s'auto-examinant tout au long de leur grossesse, tout au long de leur travail, ça leur permet de gérer elle-même la naissance de leur enfant ; l'enfantement proprement dit.
Un exemple de différence, j'ai des termes assez crus pour expliquer la position que les femmes sont obligées de prendre à l'hôpital pour accoucher : elles sont les pattes en l'air, les quatre pattes en l'air -. Je pense que c'est une réalité, d'autant plus, quand on utilise encore les étriers. Les positions semi-assises ne sont que des adaptations. Ça fait quelques années que les femmes qui accouchent à la maison, le font accroupies ou à quatre pattes. Elles gèrent elles-mêmes ce moment-là. C'est une très grande différence entre ce que j'ai vécu à l'hôpital et ce que je vis, maintenant, à la maison. Je ne prône pas non plus la différence entre l'hôpital et la maison. Je dis, simplement, que la manière d'accoucher, la manière de recevoir, d'accueillir, pour les femmes, pour les hommes... correspond à la manière de se comporter.
Beaucoup de femmes vivent leur grossesse - mais pourquoi ? Là, aussi il y a tout un historique -, dans un état d'esprit de soumission au corps médical, à l'institution hospitalière...
Il y a beaucoup choses à réfléchir, à remettre en balance... quand on travaille vraiment dans l'eutocie et non pas dans la pathologie.
Je m'appelle Yolande, je suis maman de 4 enfants, et je voudrais un petit peu concilier tout ce qui a été dit. Je ne suis ni plus pour un côté ni plus de l'autre. J'approuve tout le monde. Comme certaines mamans et d'autres l'ont déjà dit : chacun a sa propre vision des choses. Malheureusement, il y a d'autres choses qui dépassent la propre volonté. Je parle de mon vécu, celui de la hiérarchie.
Pour mes grossesses, j'ai été suivie par un gynécologue. Mes deux premières grossesses, on n'en parle pas. J'en ai eu des mauvais souvenirs d'un point de vue contact avec le gynécologue. Le gynécologue suivant, pour mes deux derniers enfants, était quelqu'un de très ouvert au dialogue. J'ai accouché dans une petite maternité où on est à l'écoute de la maman. Pour la toute dernière, donc, ma petite fille qui a maintenant deux ans, je venais de terminer un livre de Michel Odent qui s'intitulait "Votre bébé est le plus beau des mammifères". J'ai terminé les dernières pages dans les heures qui ont précédé ma naissance - heu, la naissance de ma fille -. Ça s'est très bien passé. Je suis arrivée à la maternité, un petit peu en imposant ma volonté, parce que le gynécologue me faisait confiance tant qu'il n'y avait pas de danger, ni pour moi, ni pour le bébé. La chance, pour moi, a voulu, - la chance et la malchance - que mon bébé, ma petite fille est arrivée dans l'heure qui a suivi mon arrivée à la maternité. Le gynécologue pris dans des embouteillages n'a pas su arriver à temps. Les infirmières-accoucheuses étaient très à l'écoute, mais ne pouvaient faire aucun acte, ou ne pas faire d'acte sans l'autorisation du gynécologue. Je ne voulais pas de perfusion parce que ce n'était pas nécessaire. Elles approuvaient mon choix, mais ne pouvaient le faire sans l'autorisation du gynécologue. Elles ont dû téléphoner au portable, en disant : "Madame ne désire pas... Est-ce que je peux... ?" le gynécologue a dit : "Oui, mais préparer au cas où." J'ai voulu accoucher accroupie, on m'a installé le tabouret et tout s'est bien passé. J'ai eu un assistant qui a trouvé que c'était vraiment une position horrible et que la position gynécologique était bien meilleure. C'est vrai qu'elle est très très confortable, cette position gynécologique, pour le gynécologue, le mot le dit. Le pauvre homme a dû se mettre à quatre pattes pour voir ma fille arriver. Et si j'ai eu une petite déchirure, il m'a dit : "C'est parce que vous étiez accroupie". Je ne vois pas le rapport, personnellement, mais bon... L'infirmière me connaissait bien, donc le contact s'est bien passé. Il y a eu une étudiante qui, après, a trouvé la naissance très formidable. Et elle m'a dit : "Vous avez la chance d'accoucher dans une petite maternité. Si vous aviez été dans un hôpital universitaire, c'était impensable. On ne vous aurait pas laissé faire le quart du dixième parce qu'ils ne veulent pas prendre de risque."
Ce ne sont pas toujours les infirmières ou les sages-femmes, mais c'est bien souvent au-dessus. Et là, c'est au-delà de leur propre volonté. Je pense que là aussi il faut prendre la défense des sages-femmes. C'est assez important, parce que beaucoup d'entre elles ont la volonté, mais n'ont pas toujours la possibilité de le faire. Et là, malheureusement, il y a encore beaucoup de choses à débattre. Je crois que c'est plus haut qu'il faut essayer de changer les mentalités, pour arriver à des naissances plus heureuses. Pour que chaque maman puisse avoir la naissance dont elle rêve, dans son propre choix... que ce soit avec ou sans péridurale, que ce soit assise ou couchée, que ce soit à la maison ou à l'hôpital. Mais que son choix soit respecté. Mais s'il se passe à l'hôpital, il faut parfois aller frapper aux portes plus haut, pour que les sages-femmes aient les mains plus libres.
Yoli : Je voudrais resituer les choses. Une femme, au départ, qui devient enceinte ne devient pas subitement malade. Donc je ne vois pas pourquoi on doit aller voir un docteur. Je ne comprends pas pourquoi on doit aller voir un docteur... Je pense donc que c'est à nous, les femmes qui ont accouché autrement, de reprendre les choses à la base. Une femme enceinte n'est pas quelqu'un de malade, donc je ne veux pas de docteur.
Réduction de la mortalité maternelle et infantile
Bernard : Je voulais ajouter quelque chose. Tout à l'heure, on a laissé entendre que c'était la médicalisation de la naissance qui était principalement à l'origine de la réduction des taux de mortalité et de morbidité. Or, les travaux de la statisticienne anglaise Marjorie Tew ont justement montré que cet argument était fallacieux. Elle a fait une étude statistique à grande envergure, sur toute l'Angleterre : l'évolution des conditions périnatales entre les années 1950 jusqu'au-delà de 1990. Il y a eu deux périodes. Il y a une période jusqu'en 1970, durant laquelle la mortalité périnatale a, effectivement, considérablement baissé, en Angleterre, comme dans tous les pays industrialisés, bien sûr. La médicalisation de l'accouchement a considérablement augmenté aussi. On le sait. Donc les deux courbes vont ensemble. Et au-delà de '70, on constate que... la médicalisation continue à augmenter, mais que les taux de mortalité ne changent pas. Et donc - avec bien sûr beaucoup d'autres études et beaucoup d'autres corrélations -, elle a montré que la diminution du taux de mortalité était principalement due à l'amélioration des conditions sanitaires. C'est-à-dire les meilleures conditions de vie, l'alimentation etc. qui font que la vie dans les pays industrialisés est devenue plus facile. [Voir référence]
D'autres études, tout à fait comparables, de sociologues qui ont publié des études faites en Inde rurale ont constaté que depuis l'Indépendance - depuis 1947 -, il y a eu une chute phénoménale de la mortalité infantile, qui, en Inde, était encore très élevée. Et cela c'est fait sans aucune médicalisation, puisque les conditions n'ont absolument pas changé, dans ces villages. Cela n'a étonné personne puisque que les conditions sanitaires, par contre, avaient considérablement évolué, surtout avec l'avènement de l'eau potable, une alimentation plus variée, plus riche, etc. [Voir référence]
Là, on est dans une argumentation qui est, à mon avis, fallacieuse. Il faut regarder les statistiques.
Marianne : Le gouvernement britannique a été influencé par le collège national des gynécologues qui recommandait 100% d'accouchement à l'hôpital. Il a établi maintenant qu'il n'y avait pas de raison de supposer que les femmes devaient accoucher en milieu hospitalier. Le Canada, qui n'a pas eu d'accoucheuses depuis je ne sais pas combien de temps, en tout cas au moins les dernières dix années... La Colombie Britannique vient de publier une étude, il y a trois ou quatre mois, qui démontre que l'accouchement à domicile est au moins aussi bénéfique si pas plus que l'accouchement en milieu hospitalier. Or, il s'agit d'une étude pilote faite avec le consentement des médecins - on ne sait jamais -, mais qui étaient sûr que les résultats allaient être négatifs, or, il était plus que positif... pour le domicile.
Bernard : Nous avons d'ailleurs traduit, sur le portail Naissance, un chapitre d'un bouquin de Henci Goer, celui sur l'accouchement à domicile, où elle cite 23 études comparatives. A l'époque où l'on pouvait faire des comparaisons, parce que maintenant le taux d'accouchement à domicile a tellement diminué, dans tous les pays sauf les Pays-Bas, que les études statistiques n'ont plus de signification. Les 23 études concluent toutes que l'accouchement à domicile est aussi sécuritaire - comme on dit en québécois - que l'accouchement à l'hôpital. Il n'y a pas une seule étude qui contredit cela. [Voir référence]
- On ne le contredit pas non plus...
Bernard : Je dis cela parce qu'on a entendu, tout à l'heure, une personne dire que c'est important d'être à l'hôpital pour la sécurité... Alors, je voudrais savoir ce que veut dire : "Pour la sécurité" !
- On n'a pas dit qu'à la maison il n'y avait aucune sécurité, ou que la sécurité était moindre, mais, ce qui est un petit peu dommage, c'est qu'on dit, qu'à l'hôpital, il n'y a pas d'humanité. Et ça je ne suis pas d'accord. Là, il peut y en avoir aussi. C'est vrai que ça dépend de l'accoucheuse, c'est vrai que ça dépend du couple, c'est vrai que ça dépend de l'accompagnement, c'est vrai que ça dépend de la charge de travail, ça dépend d'énormément de choses.
Maintenant, ce que j'aimerais savoir, c'est à quelle place on met l'accouchement. Parce que j'ai vraiment l'impression que les femmes, ici, qui ont été déçues par leur accouchement, avaient idéalisé quelque chose, mais en fonction de quoi, je ne sais pas. Et je ne sais pas ce qu'elles veulent à tout prix rechercher et ressentir dans un accouchement ? C'est cela que j'ai du mal à comprendre. Pourquoi ont-elles été aussi déçues de leurs ressentis, de leur vécu... Ça, j'ai du mal à le comprendre...
Jean-Claude : Je crois que mon épouse a pu rétablir le vécu de ses deux accouchements hospitaliers après avoir vécu le dernier à la maison. C'est là qu'elle a pu se rendre compte de ce qu'elle avait vécu à l'hôpital.
Yoli : Mais je pense que les deux premiers, je ne les ai pas mal vécus. Avec ce que j'étais à ce moment-là, bon, ça c'est bien passé. Ce qui était fort différent pour le dernier, c'est que je savais ce que je ne voulais pas.
- Ça, je veux bien comprendre, mais au point de dire, comme Madame, que l'hôpital c'est l'insécurité
Bernard : Pour elle...
Etre respectée comme personne responsable
Manuelle : Vous avez demandé ce qu'on veut à tout prix. J'ai entendu beaucoup de récits de naissances plus ou moins malheureux. Il y a des femmes qui décident d'accoucher chez elles après avoir été très contentes d'un accouchement à l'hôpital. C'est mon cas. Ce qui manque - et parfois on ne se rend même pas compte qu'il nous a manqué -, à la maison ou dans d'autres circonstances, c'est le respect de nous en tant qu'individu libre, responsable, humain, complet, capable de faire des choix par nous-mêmes. Que l'on ne soit pas pris en otage par le discours sécuritaire, de la peur. Quand on est parent et qu'on est moyennement informé, si on vous dit : "Ah, mais vous ne vous rendez pas compte, là, il faut faire ça !", et que six mois après la naissance, on commence à bouquiner et on se rend compte que c'est une connerie... Ça se produit, tous les jours, à l'hôpital. "Il faut faire une épisiotomie ! Non, ne vous inquiétez pas, on ne les fait que quand c'est vraiment nécessaire."... Ça veut dire que 85 % des périnées des primipares ne sont pas adaptés à leur bébé. - En France, je ne sais pas en Belgique...- Voilà, on est otage de ça. On n'est pas considérée comme adulte libre, responsable, capable de faire des choix, et tous les choix...
Mais parfois, on n'a pas le choix
- Moi, je voulais parler d'autre chose, enfin, non, ce n'est pas autre chose, c'est un peu l'émotion, moi,... Je travaille depuis 21 ans en milieu hospitalier, et j'ai une fille de 17 ans. Alors je voulais demander aux mamans, qui sont là, si leur grossesse a été normale. Parce que moi, j'aurais voulu... mon choix, c'était d'avoir une grossesse sans problème, accoucher sans problème... j'ai rompu ma poche à 29 semaines. Je pense qu'on n'a pas tellement le choix, à ce moment-là. Je suis allée à l'hôpital pendant 3 semaines et puis on s'est rendu compte que le bébé n'allait pas bien, qu'il ne grossissait plus - je n'avais pas l'utérus qu'il fallait certainement - et on m'a fait une césarienne à 32 semaines. La petite avait 1,495 Kg, elle avait un apgar de 2. Je crois que si je n'avais pas eu le médecin qui me disait, à ce moment-là, "le bébé ne va pas bien" (parce qu'à ce moment-là, je ne savais pas ce que c'était), je ne pense pas que je pourrais dire que j'ai une fille de 17 ans, aujourd'hui.
C'est ça, aussi, que je voulais faire passer comme message : dire qu'on peut avoir envie, mais on n'a pas toujours le choix.
Je crois que c'est très bien, pour vous, d'avoir pu accoucher à domicile. C'était peut-être aussi mon rêve, je n'en sais rien. Mais, en tout cas, je dis merci aussi au milieu hospitalier de m'avoir aidée et de pouvoir parler de ma fille comme ça.
L'auto-apprentissage et l'accompagnement du naturel
Bernard : Bien sûr. J'allais dire que la médecine est faite pour ça. En France, le citoyen moyen a une chance sur cent de mourir dans un accident de la circulation, ce qui est quand même un risque plus considérable encore que l'accouchement. Quand je prends ma voiture, je ne me fais pas suivre par une ambulance. Alors que ce serait logique. Ça pourrait augmenter considérablement mon espérance de vie. Je dirais, à cet effet-là, que je n'ai jamais accouché, je n'ai jamais eu de sage-femme... mais la meilleure sage-femme que j'ai connue, était mon père. Quand il m'a appris à faire de la bicyclette. Parce qu'à l'âge de 10 ans, je ne savais pas. Je ne pouvais pas monter à bicyclette. J'étais persuadé qu'il était impossible de tenir sur une bicyclette, parce que ça n'avait que deux roues. J'avais un esprit très logique. J'ai mis très longtemps à savoir qu'une bicyclette peut tenir toute seule. Maintenant, je sais pourquoi, mais pas à l'époque. Donc, pour moi, c'était impossible de faire de la bicyclette. Alors, mon père m'a accompagné, il a tenu la selle, pendant des heures et des heures, pendant plusieurs jours. Chaque soir, on faisait une heure de bicyclette. Très calmement. Et un jour, il m'a dit : "Tu sais, pendant toute la sortie qu'on a fait, je n'ai pas tenu la selle une seule fois. Donc, tu sais faire de la bicyclette". Et, là, j'ai compris, qu'effectivement ce que je croyais impossible était possible. Je lui avais fait confiance et il m'avait fait confiance. Mais s'il avait commencé par me dire : "Tu sais, la bicyclette c'est quelque chose de dangereux ; si on se casse la figure, on peut se casser un membre ; et puis si on rentre dans un camion, on peut perdre la vie, etc."...
La bicyclette, c'est un sport très dangereux - en France, en tout cas. En Belgique, peut-être un peu moins. - Mais vous voyez, si on commence par cet enseignement du risque, il est évident qu'un mécanisme aussi naturel qu'est l'équilibre sur une bicyclette et aussi incertain - et il en est de même pour l'accouchement. Il y a beaucoup de naturel et d'incertitude dans l'accouchement. On ne peut que le vivre, on ne peut qu'en faire partie...- alors, il faut prendre un véhicule à quatre roues et puis on ne parle plus de bicyclette, ou alors, quand on accouche, on se met dans les mains des spécialistes...
- Je comprends. Et vous avez entièrement raison, mais comme disait madame, tout à l'heure, à propos de l'enseignement aux sages-femmes en parlant de la proportion d'eutocie et de dystocie, si c'est si physiologique que ça, je ne pense pas qu'il faille l'enseigner des heures et des heures. Puisque la femme est capable d'accoucher et si elle n'a besoin de personne, que ce soit à la maternité ou à la maison, ça sait se passer tout seul sans l'aide de personne. Je crois que la dystocie, il faut l'enseigner, parce qu'on n'a pas la pratique et on n'a pas nécessairement les bons gestes qu'il faut au bon moment. C'est pourquoi il faut l'apprendre.
Mais ce n'est pas parce qu'on apprend la dystocie et ce n'est pas parce qu'on parle de ça aux femmes qu'on entraîne d'office la dystocie. Madame, si elle avait su que pour un siège de primipare, elle pouvait avoir une césarienne, elle aurait peut-être mieux vécu sa césarienne. Si elle avait su que la césarienne pouvait être possible, elle aurait peut-être pu s'y préparer différemment, plutôt que de vivre ça de but en blanc comme elle l'a vécue.
Je pense qu'on doit faire le plus naturel possible, le plus d'eutocie possible, mais il faut se dire qu'il peut y avoir de la dystocie. C'est un fait que les femmes ici manquent de communication, elles rencontrent des accoucheuses seulement quand elles arrivent à la maternité. Il n'y a pas de contact, il n'y a pas de dialogue, avant ça. Mais je pense qu'il peut y avoir des consultations d'accoucheuses, au préalable, que ce soit à la maternité ou que ce soit en dehors de la maternité. Des consultations de préparation à l'accouchement. Il peut y avoir des rencontres. Il y a des tas de choses qui peuvent se faire, où les mères et des futurs parents peuvent rencontrer des sages-femmes. Et ce n'est pas parce que c'est fait à l'hôpital, que c'est fait d'office de façon dystocique et de façon impersonnelle. Je ne pense pas. Je pense que ça dépend de la sensibilité de chacun et de ce que l'on veut faire passer dans son métier.
Manuelle : Le problème c'est que les femmes, pour leur premier bébé, ne sont pas spécialement sensibilisées par quelqu'un de leur famille ou... Ben, au départ, on fait confiance ! et on y va et on ne pose pas les questions qui faudrait, on attend... et en face il y a... la réponse... face à des femmes qui ne posent pas de question ou pas les bonnes questions. Il y a des réponses. Peut-être que susciter d'autres questions, serait dans votre rôle, en préparation, par exemple. Susciter d'autres questions que : "Est-ce que tout ira bien ?" Une fois qu'on a accouché la première fois, on se rend compte que tout ce qui était important, eh bien, on n'en avait pas entendu parler.
La position ? Vous parlez d'eutocie et vous dites que si c'est si facile que ça d'accoucher, peut-être qu'on aurait pas besoin de l'enseigner ? On enseigne déjà le fait qu'il faut allonger les femmes et leur mettre les pieds en l'air ! C'est la première connerie que....
- Non, ce n'est pas vrai !
Manuelle : Vous ne l'apprenez plus ?
- Non, pas uniquement
Manuelle : Ah, mais c'est merveilleux la Belgique... Ah ! eh bien la Belgique, c'est vraiment super...
Marianne : On n'apprend pas la position gynéco en Belgique ?
- On n'apprend pas que ça ! Mais, en pratique, on ne fait que ça !
Jean-Claude : J'ai mis trois ans pour passer de la position gynéco à... laisser la femme choisir elle-même. Les premiers accouchements, auxquels j'ai assisté à la maison, comme par hasard !, toutes les femmes accouchaient couchées. Parce que c'est comme ça, tout le temps ! Parce qu'au dernier moment... "Ah ! je sens que je dois pousser". Et moi, ce que j'ai appris à l'école, c'était : "Une femme qui sent qu'elle doit pousser n'est peut-être pas à dilatation complète. Donc, il faut l'examiner pour savoir si elle est à dilatation complète. Et si elle n'est pas à dilatation complète, il faut bien lui faire comprendre qu'elle ne doit pas pousser, car elle pourrait déchirer son col !" Ça, c'est ce que moi, j'ai appris à l'école et à l'hôpital.
Alors, j'ai dû prendre du temps pour comprendre qu'une femme qui est assise ou qui est accroupie ou qui est penchée en avant, n'a pas de réflexe de pousser ou une sensation de poussée, sans être à dilatation complète. Et donc dans ce cas là, il ne faut pas l'examiner. S'il ne faut pas l'examiner, il ne faut pas la coucher. Donc, elle peut accoucher accroupie. Examiner une femme qui est accroupie, ce n'est pas facile, sauf si elle s'examine elle-même, et qu'elle dit "moi, je sens ça et je sens ça", ou qu'elle se le dit. Et ainsi elle sait qu'elle peut se laisser aller.
Donc, pour passer de la position gynéco, même si à l'école, on en parle - car, on m'en a parlé de la position accroupie, de la position suspendue, étirée, etc... oui, on m'en a parlé -, mais je n'en avais jamais vécue. C'est tout à fait différent. Il m'a fallu des années, avec une grande volonté , et surtout des femmes qui m'ont dit : "Hé oh Jean-Claude, ça va, ça va, hein... Chacun sa place. C'est moi qui accouche!"... Et donc, oui, je les ai laissées faire...
Andréine : J'ai entendu derrière les mots que l'accouchement physiologique est simple, tout se passe bien, donc, il n'y a pas tellement besoin de l'apprendre, d'approfondir, puisque tout se passe bien. A la limite la sage-femme n'a pas besoin d'être là.
En fait, je pense que de dire ça, c'est qu'on ne connaît pas l'accouchement physiologique. Il n'y a pas deux accouchements physiologiques identiques... comme il n'y a pas deux femmes au monde les mêmes. Voilà la difficulté. Je ne suis pas sage-femme, je me mets à votre place, à la place d'une sage-femme. La difficulté est de se dire : "Ah, oui, là, ça se passe comme ça, mais est-ce physiologique ?" Je pense qu'il faut au minimum vingt ans, à une personne, pour savoir, en fait, ce qu'est un accouchement physiologique, vu de l'extérieur. La femme, elle, peut savoir. Elle a ses sensations. Mais, vous, vous êtes en face. Vous n'habitez pas son corps. Vous ne connaissez pas son histoire. Vous ne savez pas quelle est sa normalité, à elle. Vous voyez ? D'où la difficulté. Je pense que Jean-Claude - je ne sais pas depuis combien de temps tu fais les accouchements à la maison, ou que tu t'intéresses à l'accouchement physiologique -, mais tous les jours, à chaque accouchement, il apprend ce qu'est un accouchement physiologique. De façon à ne pas intervenir, lorsque c'est physiologique, et à faire la part des choses.
- Mais c'est important de reconnaître quand la dystocie apparaît. De reconnaître quand la dystocie est là.
Une dame qui arrive en saignant, en jutant, je suis désolée, ce n'est plus physiologique. Il y a un problème.
Andréine : Nous sommes tous d'accord que l'hôpital sert, aide les femmes à accoucher lorsqu'il y a une complication. Ma question est : êtes-vous sûres qu'il y a une complication ?
- Je voulais dire. Moi, je n'ai jamais accouché à la maison, mais j'ai quand même eu la chance d'accoucher à l'hôpital, avec une sage-femme que j'avais choisie, que je connaissais depuis plusieurs mois, et j'ai vraiment eu l'impression que j'ai pu décider de la position du moment. Je n'ai pas du tout accouché dans la position couchée. J'étais assise. J'ai l'impression que j'ai été très fort acteur...
Je ne sais pas si, maintenant, j'accouchais à la maison, je parlerais différemment de mon autre accouchement, mais c'est ce que j'ai ressenti à la maternité. Je n'avais pas 50000 personnes autour de moi ; on ne m'a pas dit ce que je devais faire ; on ne m'a fait aucun acte technique. Soit c'était vraiment la perle des maternités ou bien...
Claude : Je voulais parler en tant qu'ex-accouchée. Comme j'ai dit ce matin, donc j'ai accouché trois fois avec la même sage-femme. Une fois en maternité et deux fois à la maison. Pour prolonger ce que disait Jean-Claude, sur le fait que c'est difficile pour un professionnel de se défaire de sa formation... Quand j'ai accouché, dans cette maternité, pour mon premier, il y avait une épisiotomie systématique pour les primipares. Donc, j'ai eu droit à mon épisio, comme tout le monde. Elle n'a pas eu de conséquences gravissimes, donc, bon... J'ai eu la chance que ça se passe à peu près bien. Au deuxième accouchement, à la maison : re-épisiotomie. Il y avait, peut-être, une raison... le bébé avait un peu de mal à sortir. Il s'est avéré qu'il avait un double circulaire du cordon. C'était peut-être justifié de faire une épisio, dans ce cas-là. Je laisse un point d'interrogation. Au troisième accouchement, il se trouve que, moi aussi, enfin, j'ai pris de l'assurance, au niveau des positions. J'ai été dans la baignoire. Quand j'en suis sortie, je me suis mise à quatre pattes sur le lit (un lit bas) et je n'ai plus voulu en sortir. Or, je n'avais jamais rien lu sur les accouchements à quatre pattes. C'est par la suite, que j'ai lu que se sont les positions qu'on prend le plus spontanément, si on ne vous indique rien. Cette sage-femme n'avait jamais fait d'accouchement comme ça. Elle était assez mal à l'aise. Elle a essayé de me faire retourner. Mais moi, c'était le roc, je ne bougeais plus. Elle était derrière moi, et je n'ai pas eu d'épisio. Elle a reconnu, après coup, que si je n'avais pas eu d'épisio, c'est parce qu'elle était complètement déboussolée par ma position.
Bernard : A propos de dystocie. J'ai vu deux films de naissance d'enfant d'Harimandir. Pour celui-ci, et pour le précédent, la tête est sortie... puis, le corps du bébé est sorti... au moins trois minutes après. Alors, je voudrais savoir s'il y a beaucoup de sages-femmes qui ont laissé des enfants sortir la tête et puis ont attendu trois minutes, trois minutes et demi ? ou bien disent-elles, à ce moment-là, qu'il y a une dystocie ?
Est-ce qu'on va prendre le bébé, et essayer de le sortir ?... Est-ce qu'on considère que c'est "naturel" ou dystocique ? Dans un cas précis comme celui-là ?
- A l'air ou sous l'eau ?
Bernard : Peu importe ! Mais vous pouvez donner les réponses pour chaque situation.
- C'est différent. Dans l'eau, c'est comme si le bébé est encore...
- C'est le contact avec l'air qui déclenche la respiration, non ?
... [salle]
Claire : Bonjour, je m'appelle Claire, je suis élève sage-femme... Les élèves sages-femmes n'ont pas encore parlé, n'est-ce pas ? Donc, je me lance. Je suis un peu timide. Par rapport à l'histoire de laisser les épaules sortir sans les dégager. Nous, c'est vrai, la première chose qu'on apprend dans nos études, c'est de faire un bon dégagement.
Je suis en dernière année, je vais avoir le petit bout de papier qui va m'autoriser à aider les mamans à mettre leur enfant au monde, en juin. Donc, c'est bientôt. J'ai eu le temps aussi de réfléchir. On voit beaucoup de choses dans nos différents stages. Il y a quelque chose qui est très important, dans notre métier, c'est l'humilité. Dans le processus de la naissance, ça me paraît primordial, et pourtant, je n'ai jamais entendu ce mot ni dans nos livres d'obstétrique ni par nos professeurs. Je pense que la patience et l'humilité de laisser faire, de ne pas intervenir, c'est quelque chose qui est très difficile, finalement, parce qu'on nous apprend toujours à intervenir. On est là pour ça. On se sent responsable... Il faut faire quelque chose pour dire qu'on a fait quelque chose, justement. Et je pense que l'humilité, c'est quelque chose qui doit être un fondement de notre travail.
[Applaudissements]
- Pour un accouchement, comme on a vu tout à l'heure, ça ne m'a pas du tout semblé anormal... Si on peut dire comme ça. Sous l'eau - pour moi - ça ne pose aucun problème. A l'air, je serais moins rassurée.
Marianne : Mais pourquoi ?
- Mais, parce que l'enfant... Enfin, moi, j'ai déjà vu des enfants qui respiraient quand la tête était sortie...
Manuelle : Et bien, ils peuvent respirer alors...
- Eh bien, si le cordon... Ça dépend de la couleur de l'enfant... Enfin, il ne faut pas être complètement stressée... "Alors vous faites comment, vous faites comme ça, vous faites comme ça". Je ne crois pas qu'on soit des bêtes, enfin je veux dire que j'ai accouché de plein de façons différentes, dans plein de pays différents, et dans plein de maternités différentes. Je ne suis pas braquée sur un système d'accouchement...
Je ne me suis jamais posé la question : "Combien de temps il faut pour que l'enfant sorte"... Vous voyez ? C'est... c'est...
- Je crois que la question...
... un ensemble. C'est au moment où ça se passe. Enfin, c'est difficile à dire... Enfin, je ne sais pas si je suis très claire...
- Je crois que la question était : est-ce qu'il faut dégager les épaules ou bien est-ce qu'on peut le laisser d'une manière naturelle ?
- Oui, mais ça dépend des circonstances... Ça dépend de la coloration de l'enfant...
- Il n'y a pas de protocole... pour ça ?
Andréine : Nous posons cette question, parce que le film a été vu par d'autres sages-femmes, et elles retenaient leur respiration tout ce temps-là...
- Moi, j'ai travaillé dans des endroits différents. Je suis française et je travaille maintenant en Belgique... ma pratique en France et en Belgique est différente. J'ai aussi travaillé dans d'autre pays, mais... En France, par exemple, ça va beaucoup dépendre de ce que souhaite le chef de service. Si je suis complètement libre de mes actes - ce qui n'était pas toujours le cas, là où j'ai travaillé -... Si je dois respecter certaines choses, je le sais quand je vais travailler dans cet endroit-là. Donc, je dois en assumer les conséquences. J'ai travaillé dans des endroits qui me correspondaient mieux où on était plus libre.
En général, il n'y a pas de protocole. Je pense qu'on est lié à ce qui est décidé dans le service - en tout cas pour la France -...
Pourquoi tel acte ? savoir - habitudes - protocoles
Marianne : La sage-femme est responsable. Elle doit pouvoir dire pourquoi elle a posé tel ou tel acte ou pourquoi elle n'a pas posé tel autre. Ça, c'est la responsabilité professionnelle. Si le chef de service a comme protocole une connerie, c'est toujours une connerie même s'il est le chef de service. Le jour où il y a un accident - il n'y a jamais de problème tant qu'il n'y a pas d'accident - et que ça va au procès, le juge ne va pas dire : "Mais madame, vous êtes d'accord pour reproduire les conneries de monsieur ?" Il ne dira pas non plus : "Monsieur, c'est vous qui avez insisté pour que madame fasse des conneries ?" Non, pas du tout ! Le juge vous dira : "Vous êtes responsable". Et le chef de service dira : "Ah, mais vous savez ce n'était qu'un guide, elle est quand même responsable, la sage-femme". Il n'y a jamais un chef de service qui prendra la responsabilité, pas un ! Les sages-femmes sont responsables ! !
- J'ai travaillé dans une maternité où, si on devait faire des épisiotomies, on était obligé de les faire médiane et pas médio-latérale ...
Marianne : Mais vous n'êtes pas obligée. Vous choisissez de suivre le protocole. Vous n'êtes pas obligée. Il n'y a personne qui a les ciseaux dans votre main et qui vous dit coupe là comme ça.
- D'accord, quand on sort de l'école c'est moins facile...
Marianne : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Le principe c'est que la sage-femme est responsable
- Oui, j'ai évolué et j'évoluerai encore...
Marianne : J'ai connu une sage-femme qui disait : "Je faisais des touchers toutes les quatre heures - en Belgique, je l'ai vu faire toutes les heures - et je suis arrivée dans une autre maternité où on les faisait toutes les deux heures. J'ai trouvé ça choquant. Maintenant je trouve que c'est tout à fait justifié." Elle n'a rien lu, elle n'a rien demandé.
La pression du service, la pression des collègues... de la chef de service, du gynéco. Il ne faut pas oublier que cette pression est énorme. Au plus on s'en rend compte, au plus on peut y faire quelques chose. "Je n'ose pas me plaindre parce qu'elle va me faire suer." Et bien tant pis, qu'elle me fasse suer mais je me plains quand même !
- C'est vrai qu'en Belgique, en principe, on examine toutes les heures.
Marianne : Mais pourquoi ?
- En principe... mais ce n'est pas parce que le principe est comme ça que nous...
Ça dépend de plein de choses : ça dépend du travail de la dame, ça dépend comment les choses évoluent. Ça nous arrive d'examiner une fois à l'admission et puis ne plus l'examiner jusqu'à l'expulsion du bébé et du placenta...
Marianne : Mais comment est-ce que vous justifiez votre pratique ? : si ça dépend de ce ci ou de cela. Ça dépend de quoi ?
- C'est au cas par cas...
- Ecoutez, on a 60% d'induction.
Marianne : Une induction c'est pas un travail normal !
- Mais justement, une induction il faut que ça avance. Il faut faire évoluer les choses. Si on attend bêtement que la dame - enfin que le col de la dame dilate - et que le gynéco attend derrière le téléphone...
Marianne : Oui, mais on parle d'accouchements spontanés normaux
- Mais, justement, un accouchement spontané est normal, ben, à partir du moment où la dame dilate tout à fait normalement et où les choses se passent bien, on n'a pas besoin de l'examiner. On l'examine une fois à l'admission, si on voit qu'elle contracte spontanément et qu'elle n'a besoin de rien d'autre au niveau anti-douleur etc. On ne va pas la réexaminer. Maintenant, si elle a une péridurale, elle ne sentira plus rien. Là, il faudra bien qu'on la réexamine pour savoir à quelle dilatation elle est...
Marianne : Mais quels sont les principes ? Quelle est l'attitude de recherche qui vous dit : "Toutes les heures, c'est mieux que toutes les deux heures ou toutes les quatre heures" ?
Il n'y a aucune étude, aucune recherche.
- Mais non, il n'y a pas de recherche... Mais justement, c'est en fonction de la femme et en fonction de nous...
Marianne : Non, non, non, c'est en fonction de la sage-femme, pas en fonction de la femme...
- Mais, non !
Marianne : Mais si ! Le protocole de monsieur machin-chose qui veut ça comme médicament...
- On n'a pas de protocole, nous ! De toute façon... on n'a pas de protocole ! on a une ligne de conduite...
Marianne : Oui, c'est la même chose.
- Un protocole, c'est écrit. Une ligne de conduite, c'est une ligne de conduite de la maternité
Marianne : Ce n'est pas écrit ?
- Mais non, ce n'est pas écrit ! On n'a aucun règlement où on nous dit : "Vous devez examiner toutes les heures, vous devez faire ceci vous devez faire cela" ! On n'a rien d'écrit. On n'a pas un écrit qui nous dit : "Vous devez mettre un monitoring en continu, vous devez rompre la poche à tel moment", il n'y a rien d'écrit...
Marianne : Ah, d'accord, d'accord, d'accord. C'est encore mieux ! ! ! Non, c'est bien pire ! ! N'importe qui peut faire n'importe quoi ! La difficulté, c'est que vous ne vous rendez pas compte de ce que vous dites !
- Vous dites vous-même qu'on est accoucheuses et responsables. Nous sommes donc responsables de nos actes !
Marianne : Évidemment, mais vous les justifiez comment ?
-... mais au cas par cas...
Marianne : La brave dame qui vient chez vous, vous allez lui dire : "Je vais vous faire un toucher toutes les heures, mais vous savez, si c'est ma collègue, elle le fera toutes les deux heures, par contre, si c'est l'autre, elle vous les fera toutes les quatre heures" ?
- Mais non, ça dépend de l'évolution de son travail
Marianne : Mais vous n'en savez rien sans faire de toucher
- Ben oui, mais justement, une femme qui est en travail on voit quand même bien la façon dont elle se comporte, qu'elle est en travail. Tandis qu'une femme qui arrive et qui va retourner une heure après parce qu'elle mijote, ben, là, forcément, il faudra la réexaminer....
- "Elle mijote" ! ! belle expression !
Marianne : Pourquoi la position gynéco et pas accroupie. On vous a toujours appris...
En fait, je n'accuse personne, j'ai fait la même chose...
Pourquoi la position gynéco ? C'est extrêmement inconfortable - En Belgique, en France, en Allemagne -, partout, c'est la position gynéco.
- Il y a des femmes qui demandent la position gynéco. Vous, vous dites que c'est inconfortable. Moi, je peux vous dire qu'il y a des femmes à qui j'ai proposé autre chose et qui m'ont dit : " Non, je veux les étriers " !
Marianne : Et bien quoi, la pauvre, si elle veut les étriers, elle peut avoir les étriers. Je n'ai rien contre, mais il n'y a rien qui dit que, là où on les met d'office, c'est la meilleure chose. Rien.
- Pourquoi est-ce qu'on devrait avoir des protocoles où des choses écrites d'office, alors que, de toute façon, ces choses-là vont varier en fonction du travail de la dame ?
Marianne : Il y a des protocoles qui sont basés sur de la recherche, qui disent, par exemple, ne pas faire d'épisiotomie systématiquement. Bon, 85% c'est systématique, hein ! 99% c'est systématique encore mieux, mais 85% c'est systématique. Une épisio à 6 ou 10 %... Des étudiantes de chez nous, elles ont au moins quarante accouchements comme chez vous. Elles font trois ans ou 18 mois d'études. Il y en a qui après trois ans, n'ont toujours pas vu d'épisio ! Quant à en faire ? Elles n'en ont jamais faite. Or, elles doivent pouvoir recoudre. On ne fait plus d'épisio. On pourrait les envoyer en Belgique pour faire des stages d'épisio...
- Mais, non ! Ce n'est pas systématique, non plus !
Marianne : Quel est le pourcentage ?
- D'épisiotomie ? Mais, ça dépend des maternités et des gynécologues...
Marianne : Exactement ! Ça dépend des maternités et des gynécologues ! ! non, ça devrait dépendre de...
- Ecoutez, on est face à la femme qui accouche, pourquoi est-ce qu'on devrait faire une épisiotomie systématique ? On surveille le périnée. Si on voit que le périnée est tout à fait capable de laisser passer le bébé, on ne va pas écouter le protocole qui dit : "Faites une épisiotomie systématique"
C'est pour ça que je disais "au cas par cas". Et les touchers vaginaux, le monitoring, la perfusion d'ocytocine, la rupture de poche, l'accompagnement dans l'eau, péridurale ou pas...
Marianne : Il y a combien de femmes qui arrivent à qui on ne met pas de perfusion, au moins à la fin du travail?
- Non, elles n'en ont pas nécessairement.
Marianne : Il y en a qui en ont, et il y en a qui n'en ont pas ?
- Quand elles arrivent en spontané, on ne leur met pas de perfusion...
Marianne : il y en a où vous en mettez, d'office ?
- Moi, ce que je propose c'est d'aller le plus loin possible poche intacte. Et si jamais la dilatation stagne, eh bien, on verra à ce moment-là ! Mais il y a un dialogue avec la femme. On n'impose rien du tout. C'est vrai que parfois, on dit : "Ben, voilà, madame, ça fait deux heures ou quatre heures que vous êtes à la même dilatation, donc on va rompre la poche des eaux pour accélérer le travail". Mais c'est jamais une imposition. Il y a quand même un dialogue. On a l'impression qu'en milieu hospitalier, on est des monstres, on ne dialogue pas et on impose tout, même les positions.
Claude : Les sages-femmes qui sont ici, ce n'est peut-être pas par hasard si elles sont ici. C'est, peut-être, qu'elles n'ont pas la pratique de toutes les sages-femmes ? Peut-être que les accusations - puisque c'est ressenti comme ça - ne s'adressent pas aux bonnes personnes... C'est une toute petite minorité qui est là.
Le problème c'est que nous on parle... chaque personne qui a parlé de son vécu - son vécu, il est ce qu'il est -. On ne peut pas dire : "Madame, vous n'avez pas le droit d'avoir ressenti ce que vous avez ressenti".
La deuxième chose : ce sont les chiffres nationaux. Pour en revenir à la personne qui a raconté sa césarienne, pour siège, si en Belgique il y a 90% de césarienne pour siège, c'est énorme. Peut-être allez-vous dire que chez vous cela ne se passe pas, OK ! Mais n'empêche que le vécu de 90% de ces femmes, ce sera ça. Et c'est cela que les parents dénoncent.
[salle]
Claude : Pour faire référence à ce qui a été dit ce matin, il y a énormément d'études qui montrent, par exemple, que l'épisio systématique, c'est une bêtise complète d'un point de vue médical. [Voir références] N'empêche que...- je ne sais pas quels sont les chiffres en Belgique, au niveau national... des épisios...
[salle]
Claude : Donc personne ne sait...
- 85 %, peut-être ?
Claude : Bon, ben, si c'est 85%, on peut dire que c'est systématique, hein ! !
- Oui, mais dire que c'est pour toute la Belgique, ça ne veut pas dire que c'est partout en Belgique...
Claude : Même si c'est 60%...
S'il y a des épisios qui sont justifiées... Systématique, ce serait de dire qu'une primipare a obligatoirement une épisio... ça c'est ce que j'appelle une épisio systématique !
Est-ce que vous connaissez le taux de césariennes, le taux d'épisio, le taux de déclenchement, etc. ?
- Mais en Belgique, on ne fait pratiquement jamais d'épisio... De toute manière quand nous on fait l'accouchement, on n'en fait pas. c'est un acte de gynéco, ça...
- Je ne veux pas revenir sur les statistiques. Ce que je voudrais dire, ce qui est important, c'est vrai c'est la manière dont on accouche peut-être, mais je crois aussi, c'est ce qu'on veut avoir avec son bébé le contact avec son bébé. Moi avec mon bébé j'ai été séparée de mon bébé pendant 5 semaines et je pense qu'après j'ai dû rattraper le retard et mon contact avec mon adolescente, maintenant je pense c'est bon aussi. Donc je pense que c'est ça aussi qu'il faut voir... La manière d'accoucher c'est important, mais je crois aussi c'est qu'on veut vraiment avec son bébé.
Donc, pour les chiffres, si vous voulez... je travaille dans une maternité à S. On a 40% d'induction, mais on travaille avec la baignoire de dilatation, on travaille avec le ballon, on travaille, les gens qui veulent viennent avec leur haptonome, voilà ! Les épisios, je ne sais pas, mais ce n'est pas systématique... Oui, nous avons aussi la préparation aqua-gym, les post-partum, donc nous sommes ouverts à beaucoup de choses. Pourtant nous travaillons dans une maternité universitaire.
Claude : Il y a énormément de gestes qui, dans la pratique courante, aboutissent à des ruptures, à des séparations, à des cassures. C'est dommage, parce qu'on aurait pu les éviter. Et on aurait évité de devoir les réparer par la suite.
Manuelle : On va rester sur les épisios, parce qu'en ce moment je m'examine beaucoup, et je trouve que la droite de mon périnée a été défigurée. Alors que je pense qu'il n'y en avait vraiment pas besoin.
Mal recousu, je pense que c'est fréquent, oui ! !
-...
Peut-être pas ici, mais, bon !
On dit, l'épisio systématique... Quelle est l'indication de l'épisio ? Je voudrais vraiment une définition claire : on fait une épisio, parce que... Mais quelque chose de précis, de clair, et pas "le périnée va craquer". Parce que franchement, une déchirure cicatrise mieux qu'une épisiotomie, elle fait pas mal, longtemps après, elle...
-...
Oui, mais, alors, les déchirures de type quatre arrivent plus fréquemment après une épisiotomie. Donc, ça ne tient pas. D'ailleurs, la position joue beaucoup pour que le périnée reste souple.
Voilà, quelle est l'indication précise d'une épisiotomie ?
- Peut-être que les élèves sages-femmes pourront répondre ?
- Alors, nous, ce qu'on nous apprend à l'école, c'est qu'on fait une épisio, qu'on appelle "préventive", dans le cas d'une petite distance de l'anneau vulvaire (vous m'arrêtez si je dis des bêtises...), c'est-à-dire quand la distance entre l'anus et la fourchette vaginale est très courte. Donc un périnée qui n'aurait pas vraiment l'occasion de bien s'amplifier. On sait qu'il y a plus de risque de... Ça, c'est quand même rare, hein... Plus de risque, de problème... de déchirure jusqu'à l'anus...
- une D4
- Et ça c'est pas évident. J'en ai eu une, une fois, et on se sent vraiment responsable et c'est difficile, vraiment, difficile. Parce que, j'ai envie de dire aux mamans qui sont là : la sage-femme, elle se sent responsable. Elle a l'épée de Damoclès au-dessus de la tête. Et ce n'est pas évident. Et, j'aimerais vous dire aussi que je me souviens encore de la première femme que j'ai coupée. Cette femme a crié. Elle a crié : "Vous m'avez coupée!" Et j'ai encore son cri dans mon oreille [émotion].
Il ne faut pas croire que c'est facile de couper une femme. Parce que, moi aussi, je suis une femme...
Puisqu'on parle beaucoup de chiffres, aujourd'hui, en Belgique, ce sont beaucoup les gynécologues qui coupent. Je ne sais pas si vous êtes d'accord. Ce ne sont pas vraiment les sages-femmes.
J'ai oublié une autre indication de l'épisiotomie de prévention, c'est le périnée fragilisé par une infection. Et qui est beaucoup plus fragile et peut être beaucoup plus friable. Je ne sais pas si j'en ai oublié.
Le siège, excusez-moi, j'ai vu des bébés sortir à 4.800 Kg, avec périnée intact. Mais c'est vrai que les gynécologues le font systématiquement.
- Il y a aussi, en cas d'instrumentation, avec forceps ou ventouse...
Claude : Donc, ça fait combien en chiffres ?
- C'est très peu...
Claude : De toute façon, les chiffres que j'ai donnés ce sont 6 % en Suède.
[En France, en 1998, une épisiotomie a été réalisée parmi 71,3 % des primipares et 36,2 % des multipares. Enquête nationale périnatale, 1998]
- Je crois qu'on est tous d'accord là dessus. Tous.
Jean-Claude : Une dame vient de m'accrocher avant de partir. Elle a mal vécu la journée. La journée ne lui a pas plu. Je lui ai expliqué cette autre manière de parler de la naissance : induire une réflexion autour d'elle. Elle m'a parlé de la façon avec laquelle elle a vécu le congrès de Midwifery Today à Paris, il y a quelques mois, d'où elle était sortie enchantée, avec des étoiles dans les yeux... J'ai eu d'autres témoignages de ce congrès. Beaucoup de personnes en sont parties avec un sentiment de bonheur, d'être heureux... Et elle me renvoyait la critique de cette journée-ci. J'ai essayé de lui demander de venir parler, ici, et d'exprimer son sentiment, mais elle s'est sauvée.
Pour moi, la naissance est quelque chose de très important. Je devrais peut-être remonter très loin dans ma propre vie, dans les naissances de mes enfants,... C'est quelque chose qui est important... Ce n'est pas de l'ordre de l'émotionnel, c'est dans les tripes, c'est quelque chose d'essentiel. Et quand je vois, quand j'entends les guéguerres de clans entre les sages-femmes, les gynécos, les puéricultrices et autres infirmières pédiatriques, les kinés, en Belgique, qui font de la préparation... Il y a tout de sortes de clans. Et en dernier lieu, il y a les couples.
Et j'ai envie, moi... le job que je mets sur les épaules, maintenant, c'est de créer des outils, des journées comme celles-ci, pour bouger... pour réfléchir. En 1990, il y a eu une manifestation dans le sud de la France : "Changer la naissance !" Eh bien, il n'y a rien qui a changé depuis lors - les statistiques sont les mêmes, ça s'est dégradé, à la rigueur, à tout niveau - et pourtant... Dans le livre de ces journées, il y a des idées... géniales. Vraiment, géniales... A la lecture de ce livre, je me suis dit : il y a peut-être autre chose qui peut se réaliser, pour induire... non pas un changement, mais une réflexion de fond.
Demandez, par exemple, à une sage-femme qui reçoit comme ordre : il faut induire cette femme-là. Parce que le gynéco a dit qu'il faut induire cette femme-là. Quel que soit le type d'hôpital. Et bien, non ! Cette femme-là, je n'ai pas envie de l'induire.
- Et pourquoi ce n'est pas la femme qui dirait : non !
Jean-Claude : Et bien, c'est ça le grand débat, justement ; et c'est encore la guerre de clan. Il y a les professionnels d'un côté, et les femmes de l'autre. Mais avec ce type d'argument, on tourne en rond. Et c'est cela mon problème, le mien ! Dans la réflexion de la Naissance, pourquoi y a-t-il des clans ? Pourquoi y a-t-il les gynécos, les sages-femmes, les machins... et les femmes ? C'est comme ça qu'on arrive à dire : et pourquoi ce ne sont pas les femmes qui disent que... ? et les médecins disent : et pourquoi ce ne sont pas les sages-femmes qui disent que... ? Et les sages-femmes disent : et pourquoi c'est pas... qui disent que... ? Et on tourne en rond. On se bouche les oreilles, les yeux... comme les petits singes de Liège...
Mon objectif, c'est d'organiser des journées de réflexion comme celles-ci. Et que l'on puisse en parler encore par la suite. C'est développer sur Internet un accès à une information de qualité, avec d'autres parents, avec des gens qui se décarcassent à trouver des informations, des statistiques... pas simplement pour les chiffres, mais qui peuvent être analysés, sur lesquels on peut tirer des conclusions, d'autres orientations,...
Ma question est : comment peut-on susciter une réflexion au niveau de la Naissance, et qu'individuellement, au niveau de notre responsabilité individuelle - pas juridique et autre -, qu'est-ce que je suis, maintenant, en train de faire ?
Je regrette une chose, c'est qu'il n'y ait pas de gynéco avec nous...
Ce sont les femmes qui en demandent !
- Vous parliez des inductions... Je voudrais quand même vous dire qu'on est dans un milieu favorisé, et qu'il y a une bonne partie de la population belge qui à partir de 35 semaines, en a marre de sa grossesse et accepte et demande, auprès des gynécologues, qu'on arrête leur grossesse, parce qu'elles en ont marre de ce gros ventre qui les gêne... Je voudrais que vous ayez cette version-là des femmes. Et il y en a beaucoup plus qu'on ne le croit
Jean-Claude : Que peut-on faire pour que ces femmes-là, nous, en tant qu'individu, que peut-on dire, quand on va à la boucherie, et qu'on entend une femme se plaindre ainsi ? Que peut-on dire ?
Maud : On peut déjà lui dire les risques que présente un déclenchement...
Jean-Claude : Oui... donner des informations... La péridurale, par exemple. Ici, à Charleroi, il y a des séances d'information organisées dans les maternités : sur l'allaitement maternel,... l'accueil des jumeaux... Eh bien, il y a aussi une séance d'information sur l'anesthésie péridurale ! Si on pouvait afficher la liste des risques directs et indirects, à court, moyen et long termes de la péridurale pour la femme et le bébé...
Maud : Je voulais relater une expérience personnelle. Ma belle-sur est très pour la médicalisation... Avant d'être à terme, le médecin lui a dit que si elle voulait on pouvait la déclencher. Et elle a accepté, puisqu'elle en avait marre, marre, marre. Elle avait des varices sur les jambes, elle souffrait... Et on lui a dit que tout allait très bien se passer. Et j'avais les boules pour elle, parce que pour son premier accouchement, on a utilisé des forceps. Je lui ai dit que les déclenchements augmentaient le taux de forceps. Et je suis devenue la sorcière, parce que je lui donnais une information. L'anesthésiste lui a dit, le lendemain, que les interventions en France, c'est 12%, tout compris. Moi, je veux bien. Mais qu'il amène ces chiffres, j'aimerais bien les voir... Ces 12%, c'est du mensonge ! Quand une femme qui arrive en disant qu'elle en a marre, je pense qu'on peut commencer par avoir une écoute, et ensuite l'informer des risques qu'elle prend en cas de déclenchement...
- Mais on le fait !
Maud : Ah, bien, c'est très bien.
- Mais c'est parce qu'arrivent les congés de carnaval,...
Maud : Oui, sûrement. Il y a aussi des femmes qui viennent demander une césarienne, parce qu'ainsi elles n'ont pas d'ennuis.
[...salle ]
Maud : Moi, je parlais juste de ce qui s'est passé pour ma belle-sur, je ne parle pas de toutes les femmes...
Moi-même, je n'ai pas eu d'information sur la nocivité de la péridurale. Je crois, qu'aujourd'hui, c'est obligatoire en France, mais depuis très peu de temps. Mais est-ce qu'elles sont complètement informées ? Je n'en suis pas sûre.
Marianne : Il y a encore un ou deux points. A propos des gynécologues-femmes... Une enquête a été faite, en Angleterre, par une gynécologue sur les gynécologues-femmes : 80% de celles-ci préfèreraient une césarienne d'office.
C'est ce que je relie à ce dont je parlais ce matin : l'heuristique. Les règles de pouce. J'ai vu une Française, elle était rousse : toutes les françaises sont rousses... Les gynécologues voient beaucoup plus d'anomalies - en Angleterre, les gynécologues ne font pas d'eutocie, ici et en France, bien -, donc, ils ont plus tendance à penser que la grossesse n'est pas une partie de plaisir, et le travail encore moins. Par contre, à propos de ce que vous disiez sur le choix des femmes... C'est vrai qu'il y a des femmes qui demandent à être induites ou une césarienne élective, mais il y a aussi des études qui ont montré que si l'on prend en considération le taux de césariennes pratiquées sur demande médicale, elles comptent pour moins de 1,7 % du total des césariennes. Donc, c'est presque dérisoire comparé à des 30 et 35 % dans certaines maternités.
Manuelle : Mais pourquoi une femme en fin de grossesse demande une césarienne ?
- Ça, il faudrait le leur demander, à elles !
Manuelle : Une grossesse dure neuf mois, neuf mois aussi pour préparer l'accouchement... [inaudible] n'est-ce pas à chacun à se prendre en charge. Et de faire en sorte que l'accouchement ne soit pas de la boucherie par laquelle toutes les femmes doivent passer... Mais qu'est-ce qui fait que toutes les femmes, à neuf mois, ont toutes la trouille ? [inaudible] Ne pourrait-il pas y avoir des personnes dont ce serait le travail de les accompagner sans créer...
- On parle de sages-femmes responsables, je voudrais quand même dire que les mères demandent de plus en plus à être assistées. On se retrouve à la maternité avec des femmes qui ne savent plus allaiter, qui ont besoin de conseils, et elles attendent, parce qu'elles ne savent pas... elle ne savent pas comment mettre un bébé au sein...
Marianne : Oui, mais ça c'est une question d'organisation...
- Oui, mais pourquoi ne savent-elles plus allaiter ?
Marianne : on leur a préparé des biberons pendant 25 ans, et on voudrait que maintenant elles sachent se débrouiller...
- Oui, pourquoi sont-elles, comme ça, à attendre que ça se passe ?
[beaucoup d'animation dans la salle]
Jean-Claude : Quand je travaillais à l'hôpital, il fallait "mettre les bébés au sein" ! Alors, on "met" les bébés au sein, parce qu'elles ne savent pas.
- Elles ne savent pas quand, elles ne savent pas comment...
- Elles n'ont jamais vu un bébé au sein...
Jean-Claude : Quand quelqu'un veut de moi quelque chose, et que moi, je n'ai pas envie, parce que je sais que ça peut être nocif pour elle, pourquoi dois-je m'obliger à le faire ? Alors, je mets le bébé sur le ventre, et je crée une atmosphère et j'attends. Et ce bébé, il monte, et cette femme essaye malgré tout, comme elle peut, et elle est gauche, dans ses gestes, et c'est normal. Si demain me pousse une paire de seins, et que je dois allaiter un bébé, je serai gauche, et pourtant j'ai autant d'années d'expérience de mise aux seins...
Donc, je laisse faire, je "laisse venir aux seins", et les gestes viennent tout seuls... Je ne parle pas de l'instinct... Car aujourd'hui, les gestes instinctifs pour mettre un bébé au sein, c'est de le mettre comme ça [ ], comme si on lui donnait un biberon, c'est-à-dire le ventre en l'air... Au lieu de le mettre ventre-à-ventre. Parce qu'on voit tous les bébés, dans la presse, dans les films,..., nourris au biberon,... dans les livres d'enfants...
Si on laisse les gestes venir, avec seulement une toute petite correction... Ça prend du temps... c'est tout ! Et le temps, moi, je le prends.
- Pour tout, on parle de sages-femmes responsables, comme disait madame, mais la femme a quand même une part de responsabilité, même laver son bébé, elle ne sait pas le faire !
Manuelle : Mais c'est fou ! ! Je ne savais pas laver mon bébé parce que je ne l'avais jamais fait. Parce que c'était mon premier. On ne m'a pas permis d'essayer de le faire moi-même. J'aurais bien réussi, non ?
Laurence : Mais comment peut-on aider les gens quand ils ne veulent pas le faire ? Comment est-ce qu'on fait... ?
Jean-Claude : Imaginons que tu as le temps. C'est un facteur important. Et que tu as une famille devant toi, un père, une mère, avec un tout petit bébé, c'est leur premier, ils ne savent pas... Pour le bébé, ce sont ses premiers parents, il ne sait pas non plus comment faire avec eux... Qu'est-ce que tu fais ?
Laurence : mais ce n'est pas compliqué. Je leur dis que ce n'est pas compliqué. Ils savent se laver eux, je ne vois pas pourquoi ils ne savent pas laver leur bébé, je ne vois pas pourquoi ils ne prendraient pas, à un moment donné, leurs responsabilités... Moi, je ne leur dis pas : "Je vais laver votre bébé". Je leur demande s'ils veulent laver leur bébé... et s'ils me disent "oui", eh bien ils le lavent. Mais à partir du moment où ils me disent : "Ah, non, je ne sais pas comment il faut faire, je n'ai jamais lavé de bébé"...
Maria-Luisa : Et si la question était : "Quand allez-vous laver votre bébé ?"
Jean-Claude : Pourquoi faudrait-il laver ce bébé ?
- Mais on le voit dans la vidéo... dans l'eau...
Jean-Claude : Ce bébé n'a pas été lavé, il était dans l'eau, il a baigné dans l'eau... il suffit seulement de mettre l'enfant dans l'eau...
Laurence : Quand les parents rentrent à la maison, eux, ce qu'ils veulent, c'est savoir nourrir et savoir laver leur bébé ! Donc, ils sont demandeurs... Ils veulent rester 5 jours à la maternité, parce qu'ils veulent qu'on les éduque pour pouvoir s'occuper de leur bébé.
Jean-Claude : Ce n'est plus de l'éducation, c'est de l'assistanat...
Laurence : Et ce n'est pas à nous à faire de l'assistanat. On doit les accompagner. Donc, à partir du moment où les gens ne savent pas, ils sont là devant leur bébé, et ils ne savent même pas prendre leur bébé dans les bras...
Jean-Claude : Mais si vous vous ne savez pas, non plus, prendre leur bébé... "Ce n'est pas mon bébé, ce n'est pas à moi à le prendre. C'est dangereux, de le prendre comme ça, ça transmet des infections", ou que sais-je ! Et toutes les raisons sont possibles et imaginables.
Laurence : Mais s'ils ne le font pas ?
Jean-Claude : C'est toute une réflexion que cela demande... J'entends bien votre problème. Je l'ai vécu aussi. "Qu'est-ce que je dois faire avec ces gens qui ne savent rien, et qui plus tard, vont se retrouver... ? Donc, je dois faire quelque chose." Je vous relance la question. Manifestement, c'est un problème pour vous - ce qui n'est pas le cas pour d'autres. Certaines sont bien contentes de pouvoir faire les choses à la place des parents, ça va plus vite... -. Mais qu'est-ce que vous pourriez faire pour induire un changement ? Pour que cela se répercute ensuite...
Maria-Luisa : Je regrette beaucoup que tu n'étais pas là quand moi j'ai accouché. Parce que, moi, je me suis faite engueuler, avec des mots épouvantables. Parce que quand la sage-femme-puéricultrice-infirmière - je ne sais pas - j'avais, moi-même mis ma fille dans le bain. Je ne l'ai pas lavée, je l'ai seulement mise dans le bain. Je me suis faite insulter...
- Eh bien, vous auriez du porter plainte ! C'est regrettable. Mais qu'est-ce que vous voulez que je dise à cela ?
Maria-Luisa : Est-ce que j'avais des témoins ? C'est ce qu'on m'a répondu.
- C'est la parole de la femme contre...
Maria-Luisa : Apparemment, non ! Ce n'est pas la réalité. Moi, j'avais l'allaitement maternel dans tous les papiers. Ma fille a été nourrie au biberon, sans que je ne le sache à ce moment-là. Personne ne me l'a mise au sein. On l'a nourrie au biberon.
- Ça dépend dans quelle maternité...
Les parents n'en veulent pas !
Maria-Luisa : Alors des sages-femmes comme toi, j'en veux ! Parce que les autres - excusez-moi, s'il y en a dans la salle - mais elles n'agissent pas du tout comme ça. On nous dépossède. Et si je n'avais pas le caractère que j'ai, au prochain accouchement, je resterais comme tu dis, comme ça. Parce que je n'ai pas envie de me faire insulter.
Jean-Claude : J'aimerais ajouter une petite chose à l'expérience de Maria-Luisa. Et de son mari. J'étais présent. Quand ils sont remontés de la salle d'opération. Elle a été "montée" dans son lit. On n'a pas pu mettre leur bébé dans son lit, juste à côté d'elle, dans ses bras, contre elle. Ça ne se faisait pas dans cet hôpital. La sage-femme, une dame assez âgée, gardait le bébé dans ses bras. Je lui ai demandé de passer le bébé au père qui était là. "Ah, non. Pour les assurances, je ne peux pas ! Je suis responsable de ce bébé. Si le père lâche son bébé, par émotion, et qu'il tombe par terre. Je suis responsable. Ça m'est déjà arrivé." J'étais là, en tant que professionnel, accompagnant ce couple-là. Le père, je le connais depuis des mois... Je n'ai rien pu faire. Et pourtant, je peux en donner des arguments scientifiques. A cet argument-là, je n'ai rien su répondre, à cette femme-là qui, d'autorité, a gardé le bébé dans ses bras, et n'a pas laissé le père le prendre et assumer déjà à ce moment-là, sa responsabilité de père.
Je ne veux pas jeter la pierre. Mais je pense que la notion de responsabilité, on l'emploi un peu n'importe comment. Cette femme-là, a agi d'autorité, sûre d'elle. C'est un abus de pouvoir... Et des abus de pouvoir comme celui-là, il y en a combien tous les jours ?
Ce que je sais, c'est que ce père, je l'ai revu, et notamment en comité de pères qu'on organise mensuellement... et ça lui reste là ! En travers de la gorge. Cette expérience, cette interaction, qui n'a rien à voir avec le traumatisme d'une épisio, ce qu'il a connu, il va le traîner pendant combien de temps ?
- Je voulais répondre à madame, qui disait qu'on avait donné un biberon à son enfant, sans qu'elle ne le sache. Ce qui est tout à fait anormal. Mais il y a aussi l'inverse, en milieu hospitalier. On essaye de prôner l'allaitement maternel, en disant que, normalement, la femme est tout à fait capable de nourrir son enfant, que le lait est bon et que la quantité est suffisante. Et bien, on se fait traiter de chameau, régulièrement, quand les mères disent : "Écoutez, moi, je n'ai pas assez de lait, je veux un biberon". Et on lui dit qu'on ne va pas donner de biberon parce que c'est la stimulation qui va faire que vous allez avoir du lait. Et bien, régulièrement, on se bat. Et les gens montent à la direction... Mais qui est gentille, c'est la sage-femme, qui, quand la femme lui demande dix fois sur la journée un biberon, et qu'elle va le donner parce que, la nuit, quand elle est toute seule, et qu'il y a 20 sonnettes et 20 femmes qui disent la même chose : "Je veux lui donner un biberon, et j'ai envie de dormir la nuit" - parce qu'elles veulent allaiter le jour, mais pas la nuit ! - Eh bien elle, elle va donner le biberon. Et donc, elle, c'est la gentille sage-femme. Et celle qui refuse, c'est la sage-femme qui ne l'est pas.
Laurence : Et il y en a beaucoup plus qu'on ne le croit. C'est ça, qu'on essaye de vous faire comprendre.
- Ce que vous avez connu comme sage-femme, ce n'est pas un échantillon représentatif de toutes les sages-femmes ; eh bien pour les femmes, c'est la même chose, ce n'est pas le même échantillon que les gens qui sont ici.
Laurence : Je crois, en effet, qu'on n'a pas le même échantillonnage de personnes. Quand je vous disais qu'elles ne savaient pas laver leur bébé ou l'allaiter, c'est la même chose... On fait des soins à domicile... On permet aux mamans de quitter la maternité, de façon précoce, si elles le souhaitent. On passe à la maison, suivre l'allaitement, suivre le poids du bébé, si elles le souhaitent. Il m'est arrivé de rester deux heures avec une femme parce qu'elle ne savait ce qu'elle devait faire avec son bébé quand il pleure. Moi, je ne trouve pas ça normal, mais... Ce n'est plus une question d'éducation... on dirait qu'elles se bêtifient... pourquoi ? je n'en sais rien. Mais c'est comme ça à propos de tout... Ça, je crois que vous ne vous en rendez pas compte...
Jean-Claude : Par rapport à l'allaitement, il y a des associations. Parce qu'il n'y a pas que les différents clans de professionnels, il y a aussi les associations qui sont très intéressées, et qui peuvent être beaucoup plus compétentes que nous, professionnels... Dans ces problèmes que vous rencontrez au quotidien, mais qui sont fondamentaux - c'est fondamental, ce que vous dites-là ! -... est-ce qu'un dialogue avec ces associations est possible... Est-ce envisageable que ces associations, non pas, viennent faire, des séances d'information dans votre maternité, mais qu'il y ait un travail de réflexion entre vous. Cela pour répondre à vos questions. Car ça ressemble à un serpent qui se mord la queue. Car vous êtes autant en difficulté que les femmes que vous avez devant vous !
Laurence : Ce n'est pas qu'on est en difficulté. Mais on dirait qu'elles ne sont pas capables de...
Jean-Claude : Ça, c'est un débat de fond... C'est un problème de fond... Et donc, quand est-ce qu'on peut en parler et trouver des éléments de réponse ? Une journée comme celle-ci peut être un moyen... pour un début de réponse... et il y en a sûrement d'autres...
Françoise : Tu dis que tu es stupéfaite par la façon avec laquelle les femmes sont... tu parles de bêtifiées - c'est un terme qui me choque un peu, mais bon - est-ce que quand tu es devant un petit enfant - je ne sais pas si tu as des enfants - qui essaye d'apprendre à marcher... qui tombe, qui pleure, qui tend les bras, qui ne sait pas comment faire... est-ce que tu lui dis : "Mais tu es quand même programmé pour apprendre à marcher, comment ça se fait que tu n'y arrives pas ?" Il faut que tu lui donnes confiance. Tu ne peux pas faire les choses à sa place, ça c'est impossible : tu ne peux pas apprendre à marcher pour lui. Mais tu peux lui dire, tu tombes, c'est normal, tu te décourages, c'est normal, je ne peux pas le faire pour toi. Tendre la main de temps en temps, le laisser prendre confiance en lui, le laisser apprendre. Je ne pense pas que c'est en disant à une femme : "Mais vous n'y arrivez pas, madame, vous êtes pourtant faite pour allaiter, c'est normal, vous devriez y arriver" qu'elle va y arriver. C'est un peu agressif...
Laurence : Ce n'est pas ça que je dis. C'est que la démarche, il n'y a que moi qui la fait, la femme ne la fait pas. Elle ne fait pas un pas dans la démarche.
[...]
Laurence : On doit tout faire à sa place. Même si on lui tend la main...
Maud : Ça, c'est votre solution. Mais est-ce que vous résolvez le problème, en faisant les choses à leur place ?
Manuelle : Vous avez utilisez le mot "accompagnement". Pour l'accompagnement, c'est positif. On est en train de parler de comment faire en sorte que vous puissiez être dans ce rôle d'accompagnatrice ou de support, tel que vous le souhaitez, face à des femmes qui vous semblent être à la place d'assistées. On a vu dans le film, le temps qui passe... où il ne se passe rien... C'est-à-dire où le bébé est né, et il ne se passe rien, mais rien du tout. Il n'y a pas un mot, il n'y a pas... je ne sais même pas s'ils ont regardé le sexe de l'enfant... Il ne se passe rien... Je crois que, là, la moindre chose est - on a parlé d'accouchement à la maison et d'accouchement à l'hôpital, j'ai eu les deux expériences. Je peux vous dire que, même à la maison, on peut être fortement dérangée par la sage-femme - il suffit d'un rien, mais, si peu, une poussière pour que la femme puisse être complètement dérangée dans ce qu'elle a au fond d'elle-même et qui va faire qu'elle va savoir avec son bébé... Et bien sûr, il y a le temps à l'hôpital... Mais je crois, vraiment, qu'il se passe, dès la première minute de vie du bébé, tellement de choses, alors que, peut-être il ne devait rien se passer, que déjà cela suffit pour les sentiments de dépossession, dont on a entendu parler.
Je ne vais pas raconter mon expérience, mais c'est une question de drap stérile mis entre mon bébé et moi... Qu'est-ce qu'on peut faire pour que vous puissiez aller vers la position d'accompagnateur que vous souhaitez ? C'est ça la question.
- Je pense qu'il y a deux choses : il y a l'humilité, ça on ne nous l'enseigne pas - j'en ai déjà parlé tout à l'heure. Je pense que c'est capital pour être sage-femme -, et la deuxième chose, c'est qu'après quatre ans de réflexion, je réalise qu'on ne devrait jamais accoucher plusieurs femmes à la fois. On devrait s'occuper d'une seule femme. Pour le suivi de grossesse, pour l'accouchement, et pour l'allaitement,... Parce qu'à ce moment-là on connaît mieux la femme, on connaît mieux ses besoins, dans quel endroit elle a besoin d'être renforcée pour prendre confiance en elle. Par rapport à l'allaitement, puisqu'on parle de ça, je pense qu'une sage-femme n'est pas faite pour travailler à l'usine - excusez-moi pour le terme -... Mais, j'ai bien conscience que ça, c'est un idéal... Mais c'est peut-être une solution aussi...
Ingrid : je vais dire un petit mot en tant que membre d'une association qui s'appelle le "réseau allaitement maternel", qui regroupe des membres d'associations ici, en Belgique francophone, ainsi que des professionnels. Dans le cadre de cette association, j'ai participé, il y a quelques années, à une enquête sur les tours de lait dans les maternités francophones et germanophones. Les "tours de lait" ! ! Les boîtes d'échantillon de lait qui étaient distribuées... Il y avait vraiment très très peu de maternités qui suivaient la loi et qui ne les distribuaient pas. Dans l'enquête que nous devions mener, nous devions chaque fois demander si dans la maternité, il était affiché une politique explicite en matière d'allaitement pour l'équipe professionnelle. Tout en sachant très bien que c'est très difficile d'obtenir un consensus étant donné qu'il y a tout le temps du mouvement dans les équipes. Il y avait très rarement une politique affichée à laquelle les professionnels pouvaient se référer.
Jean-Claude : Je vais prendre, dans la même lignée, un exemple que j'ai vécu ici à Charleroi dans un hôpital. Je ne voulais pas faire d'aspiration systématiquement aux nouveau-nés. Je connaissais, pour avoir travaillé avec des adultes trachéotomisés, suite à un cancer de la gorge. Eux m'avaient expliqué combien elle était douloureuse cette aspiration. Eux m'ont appris comment aspirer leurs sécrétions sans que ça ne fasse trop mal. Dans cette expérience, j'ai demandé à mes collègues de m'en faire. Et bien, faites-le à l'occasion...
- On n'a pas besoin de le faire, il suffit de voir ce que ça leur fait !
Jean-Claude :... j'ai donc refusé, dans cette maternité, de le faire systématiquement. Je prenais mes responsabilités, et j'inscrivais dans son dossier "bébé non-aspiré". La médecin gynécologue responsable m'a dit : "Ça ne se peut pas. Vous devez aspirer les bébés, nécessairement, avant qu'ils ne partent dans le service de post-partum, parce que, là-bas, nous n'avons pas un personnel suffisant et suffisamment bien formé pour réagir si jamais il y a une fausse-voie..." Je me suis renseigné sur la fréquence des malformations des voies aériennes... très très faible. J'avais pris la décision d'assumer ma responsabilité de professionnel vis à vis des bébés que j'avais "en main", et cela ne plaisait pas à la chef de service.
Je pense qu'il est important de dire aux parents qu'on ne le fait pas parce que ce n'est pas nécessaire.
Si ce geste n'est pas posé, cela gêne la chaîne de l'organisation de l'hôpital. Il s'agit de rétablir les choses à leur place.
Une équipe dans une maternité française a fait une étude à partir du score de Bishop pour que les médecins acceptent de ne pas induire chimiquement une femme qui n'avait pas les conditions suffisantes. Et en montrant ces études aux gynécos, elles ont pu défendre leurs positions communes de sage-femme.
Il y a plein de choses qui peuvent être faites comme ça.
Laurence : C'est pour ça que je parlais tout à l'heure de protocole, parce qu'on agit trop au cas par cas.
Maria-Luisa : Je vois que tout le monde commence à partir. Il est donc peut-être bon de clôturer la journée. Je n'ai pas eu l'occasion de beaucoup assister à cette journée, parce que j'étais à l'intendance.
Je vais peut-être répéter des choses...
Première chose : excusez le problème de froid. Nous avons eu une panne de micro, ce matin. Et le temps qu'on trouve du matériel pour le remplacer...
Un grand merci d'être venu. J'espère que, malgré quelques petits échauffements, ça s'est bien passé pour vous. Que les échanges ont été intéressants et fructueux. En tout cas, pour ce que j'en ai entendu, ça me laisse plein d'espoir de changement et de communication.
On se donne donc rendez-vous pour l'année prochaine.
Merci à tous.
Bernard : Un dernier petit mot, pour donner rendez-vous à ceux et celles qui y sont intéressés. Sur Internet, sur la liste « Naissance », nous sommes aussi un groupe de parents et de professionnels qui discutent depuis maintenant deux ans - il y a une bonne centaine de personnes -. Le genre de discussion que nous avez eue aujourd'hui, ça dure depuis deux ans sur cette liste, à raison de trois milles messages par an. Et des prises de bec, il y en a eu beaucoup aussi... Les arguments qu'on a entendus aujourd'hui, on les a souvent lus. Et je peux vous dire qu'avec le temps, ça change au niveau du groupe. Il y a un niveau de communication qui augmente considérablement. Je crois qu'il ne faut pas se boucher les yeux, et vivre dans un idéal de consensus. Il y a des moments où l'on s'affronte. On a besoin d'exprimer ses idées ou son vécu.
Je vous remercie, aussi, beaucoup de cet échange.
Jean-Claude : Voilà. Les débats sont enregistrés. On va essayer de retranscrire le plus possible - les idées générales, en tout cas - sur le site internet de Carrefour Naissance. Il donnera lieu aussi, certainement, à l'élaboration de CD, qui pourront être distribués lorsque nous ferons d'autres manifestations.
Inscrivez-vous dans le réseau de diffusion d'informations...
Un grand merci pour votre présence. Un grand merci aux nombreux Français qui sont venus, parfois du midi de la France, pour témoigner ou participer aux débats.
Je passe la parole à Andréine.
Andréine : Je ne souhaite pas prendre la parole, mais par contre, la donner. Le bilan a été fait du côté des organisateurs. Et je pense qu'il est bien si nous, qui avons participé, donnions aussi notre bilan de cette journée, nos impressions...
Laurence : Je pense que ça a été très enrichissant, et j'espère que les mamans qui ont accouché et qui ont été déçues de l'hôpital peuvent quand même s'imaginer que ça peut se passer autrement et qu'on n'est pas toutes des marâtres [rires] et qu'on ne bat pas systématiquement les femmes dès qu'elles passent les portes de la maternité, on ne les couche pas dans un lit, on ne les immobilise pas jusqu'à la fin de leur travail, et qu'on ne les oblige pas à accoucher sur le dos, et surtout à rester couchée six heures après leur accouchement... J'espère que les autres maternités vont changer, et du moins celles où vous avez été. Sinon, venez accoucher chez nous... [rires] Ce que j'ai dit aussi, c'est vrai que ça n'engage que moi, et ça n'engage pas nécessairement toute l'équipe... Ce n'est pas parce que certaines accoucheuses ont une certaine vision que toute l'équipe a la même. Je pense qu'il y a moyen d'aller de l'avant quand on travaille à la maternité, qu'il y a moyen de faire d'autres projets que de se limiter comme on a dit... On a un service de post-partum à la maison, des cours de préparation, des consultations d'allaitement, il y a des conférences qui sont données par l'ONE pour informer les parents,... Tout le boulot d'information, on essaye de le faire et on ne va pas s'arrêter là.