Poussée volontaire/involontaire

Extraits d'un échange sur la liste "Naissance" (suivre ce lien pour s'inscrire à la liste)

Envoyez vos commentaires à <secretaire(arobase)naissance.asso.fr>


From: "Stéphanie St-Amant"
To: <netfemmes@NetFemmes.ORG>
Sent: 29 mai, 2000 01:47

(Le début de ce message concerne les mutilations génitales)

[...]

J'en reviens à ce qui détruit le plancher pelvien des femmes lors des accouchements: en plus des épisiotomies, c'est en grande partie la faute de la poussée volontaire que l'on fait faire aux femmes, épuisante pour la mère et carrément asphyxiante pour le bébé, qui court-circuite la poussée involontaire et dont l'action néfaste est aggravée à la fois par les positions anti-physiologiques dans lesquelles on force les femmes -- par ex. lithotomie ou position semi-assise tassée qui crée une hyperpression abdominale -- et par la péridurale, car quand on ne sent rien, on peut subir toutes les violences sans se plaindre et on peut aussi supporter une position autrement physiologiquement insupportable et qui nuit sérieusement à la progression du travail. (Et dire qu'on distribue toujours des documents dans les cliniques et CLSC ou on écrit que la péridurale ne comporte aucun risque, c'est de la désinformation anti-scientifique! Il n'existe aucune médication dont on peut exclure les effets secondaires ou adverses potentiels. D'autant que, dans ce cas-ci les nouveau-nés en auront les effets durant une période pouvant atteindre trois semaines.)

Une physiologiste francaise spécialiste de la mécanique périnéo-abdominale et de la structure pelvienne -- Dre Bernadette de Gasquet -- affirmait à propos de l'effort expulsif volontaire dirigé: "On veut faire sortir l'utérus avec le bébé"; on fait pousser la femme sur son utérus et sur tous ses autres organes abdominaux -- d'ou de sévères descentes --, mais cet effort n'a aucun effet sur l'issue de l'accouchement: il n'y a que la poussée involontaire de l'utérus qui agit pour faire sortir le bébé! L'accouchement est un réflexe spontané, dont le fonctionnement est similaire à celui du vomissement. B. de Gasquet a aussi évoqué les récents travaux de William Fraser de l'Université Laval comparant des accouchements avec poussée volontaire et sans.

En attendant que les femmes québecoises prennent en charge leurs maternités au lieu de s'aliéner en déléguant la responsabilité au praticien barricadé derrière une technologie dont l'acuité (incroyablement surestimée, les faux diagnostics par support technologique -- échographie, monitoring foetal, etc. -- sont légion) ne pourra jamais rivaliser avec celui du ressenti de la femme qui sait toujours mieux que quiconque, et qui sait directement, si cela va ou non; en attendant que cesse cette opposition rhétorique entre le bien de l'enfant et celui de la mère, alors que ce dernier est absolument garant du premier -- le corps féminin étant la condition de la viabilité des êtres humains, non la condition de la mortalité humaine --; en attendant que nous reconquérions dignité, intimité (la naissance est un événement aussi sexuel que la relation conceptionnelle: on ne peut pas dilater sous des regards étrangers et qui se braquent sur notre sexe et sous des doigts qui y fouillent, et qui contaminent possiblement à chaque intrusion inquisitrice) et confiance dans nos enfantements (car oui, plus de 95% des accouchements ne nécessiteraient en principe aucune intervention médicale) et ce formidable empowerment qui en est la résultante; en attendant que la majorité des femmes expérimentent vraiment un "accouchement féministe", réclamons au moins immédiatement d'un même élan, unanimement, le respect de notre intégrité physique et la cessation immédiate des mutilations obstétricales...

Stéphanie St-Amant


From: Andréine &/o Bernard Bel
Date: Sat, 3 Jun 2000 11:12:24 +0200

Francoise BARDES <fbardes@freesurf.fr> a écrit:

>Pour ce qui est de la poussée, je ne crois pas que chaque naissance
>puisse se faire sans poussée volontaire de la mère.
>(Je ne pense pas non plus que Stéphanie dise ça)

Nous aimerions bien avoir de nombreux avis sur ce point, car la question de volontaire/involontaire est au centre de nos réflexions et expériences avec la santé (et l'accouchement en particulier).

Juste deux remarques. La première est que le réflexe de poussée fait partie de ces mouvements involontaires que la volonté peut perturber, voire inhiber complètement, comme l'éternuement, le baillement, l'orgasme, etc. Remarquez que, dans tous ces exemples, il n'y a aucun mouvement volontaire qui puisse se substituer au réflexe. Je veux dire qu'on peut faire semblant d'éternuer, pour amuser son entourage, mais ça ne procure pas du tout la même sensation ni le même effet. Si l'on remplace la poussée involontaire par une poussée volontaire, on produira mécaniquement le même effet d'expulsion, mais la sensation sera entièrement différente et il y aura éventuellement des effets secondaires surtout si on est dessensibilisé par une analgésie.


From: Stéphanie St-Amant
Date: Wed, 7 Jun 2000 12:34:36 -0400

C'est impossible de reproduire mécaniquement l'action de l'utérus. On peut s'empêcher de vomir, ou s'empêcher d'éternuer ou d'accoucher, mais on ne peut pas reproduire volontairement mécaniquement cet effet.


From: "Jean-Claude verduyckt"
Date: Sun, 4 Jun 2000 10:45:02 +0200

En remplacement de la poussée volontaire, on peut proposer à la femme "d'accompagner" volontairement (la nuance est très importante) le besoin irrépressible de poussée. Ici, il est important de préciser un point. Partout, on limite la femme qui ressent l'envie de poussée lorsqu'elle n'est pas "à complète" (dilatation cervicale complète), de peur qu'elle ne se "déchire" le col !!!! Dans l'accompagnement de la poussée, la part de poussée volontaire est très faible. Il semblerait que deux phénomènes peuvent être à l'origine du besoin de poussée avant la dilatation complète du col : la présence de matières fécales dans le rectum que la présentation vient pousser sur le perinée intérieur, et une présentation bloquant lors de sa descente et rotation -- mais il est quasi impossible de le démontrer (ce dernier point est un des sujets qui me préoccupent pour l'instant : le besoin de poussée avant la dilatation complète et en l'absence de matière fécale, peut-il signifier que le corps de la parturiente "sent" la nécessité d'aider volontairement la progression du bébé?)

Pratiquement, le réflexe naturel a été bien décrit, et l'accompagnement volontaire de la poussée peut rejoindre et potentialiser les mécanismes naturels : c'est à dire avec extension-étirement de la colonne vertébrale, et expiration prolongée pour faire remonter le diaphragme, ce qui réduit progressivement l'espace abdominal par une sangle solide qui vient potentialiser la contraction utérine et donc sa poussée sur le bébé.


From: "Marypascal Beauregard"
Date: Tue, 06 Jun 2000 10:56:59 EDT

Quand on parle de mouvement involontaire, c'est certain que des muscles autres y travaillent. Mais on n'a pas à le faire "consciemment" ou "volontairement". Comme vomir. L'estomac seul n'est pas en cause, mais faites l'exercice d'essayer de vomir volontairement, sans les doigts dans la gorge, rien qu'à faire bouger l'estomac. Puis comparez avec la sensation quand "ça sort tout seul"...

Pour moi ,c'est une bonne explication de la différence entre les deux.

PS. Parfois, les femmes en fin de travail se font volontairement vomir pour amener le bébé en descente, puis utilisent la poussée involontaire, qui amène l'utilisation d'autres muscles que l'utérus, mais qui est involontaire anyway.

marypascal


From: "Jean-Claude Verduyckt"
Date: Tue, 6 Jun 2000 19:01:02 +0200

Farida pourra peut-être confirmer. Les femmes dans le Maghreb "avalent" le plumet de cheveux au bout de leur longue tresse, et déclenchent ainsi un réflexe de vomissement. Ce réflexe est effectivement fort semblable à celui de l'accouchement. Les épaules remontent (étirement de la colonne vertébrale), le ventre rentre à l'inspir, puis, lors de la deuxième phase du réflexe, le diaphragme remonte pendant l'expir, et les viscères abdominaux sont comprimés...


From: Andréine &/o Bernard Bel
Date: Sat, 3 Jun 2000 11:12:24 +0200

(suite du même message)

Le point de jonction entre système involontaire et système volontaire est le système moteur extrapyramidal. Je n'écris pas ca pour faire instruit, car je n'ai rien lu de technique à ce sujet, mais pour dire que si l'on veut permettre à un reflexe salutaire de se produire, ce n'est pas par le biais du système volontaire qu'il faut s'y prendre. La poussée volontaire peut se substituer à la poussée involontaire, mais elle ne la déclenche pas. Essayez de baîller juste en ouvrant la bouche! Toutefois il y a une manière d'accompagner sa propre respiration qui permet au baîllement de se déclencher lorsqu'il est nécessaire. Idem pour l'éternuement.


From: Stéphanie St-Amant
Date: Wed, 7 Jun 2000 12:34:36 -0400

La poussée volontaire nuit (à moins de connaître les techniques nécessaires pour la faire sans qu'elle ne nuise trop et répondre à la contrainte des intervenants) à la poussée involontaire. Elle ne peut s'y substituer. La poussée involontaire continue d'avoir lieu (la contraction et la rétraction utérine). En passant, on considère que les contractions sont garantes de l'efficacité du travail: on injecte des ocytociques au besoin pour en donner plus et plus... Sauf qu'on diminue ainsi le temps de rétraction de l'utérus, entre les contractions, c'est cette rétraction qui fait sortir le bébé. Il faut aussi attendre que l'utérus soit suffisamment rétracté pour pousser le placenta, contenu utérin beaucoup plus petit que bébé + placenta; l'utérus doit être à la dimension de son contenu pour pouvoir l'expulser, d'où le délai). Même si on pousse volontairement, la poussée involontaire continue d'avoir lieu, mais elle est beaucoup moins efficace.

L'idée est qu'on n'a pas confiance et on dit que ça ne se produira pas tout seul: mais ça se produit quand même, même si la femme est hypercérébrale et désensibilisée... Sauf que, comme on l'a fait pousser comme une damnée, on se dit, "en toute logique", que cette poussée là a fait sortir le bébé, et que ça n'aurait pu être autrement...

J'ai entendu parler d'un cas de pneumothorax grave dû à la poussée, de femmes qui ont les capillaires du visage explosés... Le mot de Bernadette de Gasquet est fondamental: "On veut faire sortir l'utérus avec le bébé". Faire pousser une femme, c'est pousser SUR son utérus, or lui est censé rester dedans le corps... La poussée dirigée fait faire pousser avec les grands droits, qui n'ont rien à voir avec l'accouchement! Ce sont des muscles posturaux qui ne doivent pas être rétractés, ce sont les bretelles du corps, elles doivent être bien droites, bien tendues.

L'une et l'autre poussée n'ont rien en commun. C'est drôle de penser qu'un bébé ne pourrait pas sortir sans poussée forcée dans certains cas, pourtant l'utérus continue de contracter. A quoi sert le muscle utérin, bon sang? C'est cette poussée involontaire qui va solliciter le resserrement des abdominaux transverses, par synergie.

On peut pousser comme des fous pour déféquer quand on est constipés (mais pourquoi est-on constipé? parce qu'on n'a pas attendu le réflexe ou on s'est retenu, il est disparu, mais il reviendra plus tard au moment opportun, pas au moment volontaire...), mais on ne peut diriger son péristaltisme intestinal sans quoi la défécation n'aurait pas lieu, coûte que coûte. Et quand ça y est, le réflexe est de relâcher le sphincter, ce n'est pas en principe une poussée...

Une sage-femme disait dans un cours que si on donne des laxatifs à quelqu'un de constipé, ça aggrave sérieusement la situation... Le bouchon reste mais dedans, ça explose! Ça ne vous fait pas penser au pitocin...? La rétention est toujours là, mais l'utérus et le bébé s'épuisent. La sur-contractilisation artificielle de l'utérus finit par lui faire faire des "free games", et là on a un sérieux problème d'épuisement pour la mère et le bébé.


From: Andréine &/o Bernard Bel
Date: Sat, 3 Jun 2000 11:12:24 +0200

(suite du même message)

Une sage-femme avec qui nous parlions de l'expulsion du placenta, laquelle peut se produire apres un délai de quelques heures lors d'un accouchement non médicalisé, nous a dit qu'elle avait eu une expérience traumatisante et édifiante à ce sujet. Lorsqu'elle a accouché elle-même, après 15 ou 30 minutes on lui a extrait le placenta. C'était très douloureux, mais étant elle-même sage-femme en milieu hospitalier elle n'avait pas de raison objective de s'opposer à cette pratique. Or, au bout d'une heure, elle a été saisie de contractions. Elle a compris que c'étaient les contractions de la délivrance... et donc qu'on avait pratiqué inutilement cette intervention.

Un exemple isolé n'est pas une preuve scientifique, mais ça semble indiquer que le réflexe est "programmé" quelque part dans le cerveau profond; ce n'est pas un simple réflexe d'expulsion de corps étranger, puisqu'il s'est ici produit après l'extraction du placenta. (De même, l'éternuement ne sert pas uniquement à expulser du nez des particules étrangères...) Le moment où il se produit dépend certainement de messages envoyés sous forme d'hormones et/ou d'impulsions nerveuses, parmi lesquels il peut y avoir des messages d'inhibition provoqués par un climat de stress. C'est encore un exemple de mouvement involontaire qu'on ne peut pas créer artificiellement ni remplacer, mais sur lequel la "mise en phase" avec le besoin profond est d'une grande importance.


From: Stéphanie St-Amant
Date: Wed, 7 Jun 2000 12:34:36 -0400

(suite du même message)

Ce n'est pas cette parturiente qui devait être "mise en phase" avec son besoin profond, mais le personnel, les "intervenants" qui doivent apprendre à non-intervenir. C'est le noeud du problème.


From: Andréine &/o Bernard Bel
Date: Sat, 3 Jun 2000 11:12:24 +0200

(suite du même message)

Ce que Françoise semble vouloir dire, c'est que si la poussée involontaire ne se produit pas, ou si elle a une intensité trop faible (à cause des mécanismes d'inhibation), il faut bien faire quelque chose de volontaire pour aboutir au résultat mécanique d'expulsion sans utiliser les instruments. Je suis d'accord avec elle, sous réserve qu'on comprenne les causes de cette inhibition et qu'on essaie de créer de meilleures conditions pour que le processus se déclenche complètement.

Ce que Stéphanie a peut-être voulu dire, par contre, c'est que la meilleure préparation serait, non pas d'enseigner des gestes volontaires à substituer aux réflexes involontaires (en se basant sur la croyance que les femmes civilisées sont incapables d'accoucher naturellement) mais d'apprendre aux parents à se mettre a l'écoute de leurs besoins profonds. C'est ce que nous appelons un "travail de ressensibilisation". Comme ça prend un temps indeterminé pour chacun (entre quelques heures et quelques années...) il vaut mieux s'y atteler bien avant l'experience de la natalité!

Bernard


From: Stéphanie St-Amant
Date: Wed, 7 Jun 2000 12:34:36 -0400

(suite du même message)

>Ce que Françoise semble vouloir dire, c'est que si la
>poussée involontaire ne se produit pas ou si elle a
>une intensité trop faible (à cause des mécanismes d'inhibition)

La seule façon possible est qu'il n'y ait pas de contractions... Donc l'accouchement n'est pas encore démarré!!

>ou si elle a une intensité trop faible (à cause des
>mécanismes d'inhibition)

Elle n'est pas trop faible, c'est l'inhibition et le contrôle qui est intense. Il est impossible d'ailleurs à un col de dilater sous adrénaline. Je serais curieuse de connaître les taux d'adrénaline des femmes en travail à l'hôpital... Ici, un mécanisme involontaire animal, primitif est aussi en cause: lorsqu'une femelle sur le point de mettre bas sent un danger, elle secrète de l'adrénaline, ce qui interrompt immédiatement l'accouchement pour qu'elle puisse se sauver...

>il faut bien faire quelque chose de volontaire
>pour aboutir au résultat mécanique d'expulsion sans utiliser les
>instruments.

L'action mécanique qu'on peut faire n'est pas pousser: c'est faire en sorte de permettre à l'utérus de bien faire son travail, en le "libérant": extensions, suspensions, B. de Gasquet nous montrait qu'Hippocrate se servait de poudre à éternuer... Les femmes qui vomissent accouchent plus vite aussi: réactions involontaires en chaîne. On n'a pas voulu ici "imiter" une action mécanique inimitable, mais on la sollicite indirectement... L'usage de la poussée volontaire relève d'une méconnaissance absolue de la physiologie... On pense encore qu'on peut "imiter" un réflexe naturel, faire mieux et plus efficace, car plus conscient, l'effort est plus humainement logique, simplistement logique [c'est aussi une appréhension masculine du phénomène opposée à la dimension plus féminine de l'endurance: accoucher, ça semble difficile, et qu'est-ce qui est difficile? le travail et l'effort musculaire... Accoucher devient donc travailler. Qui n'a rien sans effort, hein? "Tu vas le mériter, ton bébé, en poussant "comme une grande"! Et si t'es pas assez forte, on va chercher les fers et on va forcer avec."]

Vieux fantasme occidental de maîtrise de la nature, difficile de s'en déprendre puisque ça remonte à l'Antiquité... Je travaille actuellement sur la sémiologie médicale hippocratique, on aurait beaucoup à en apprendre! La modernité médicale -- qui proclame à tort originer de l'hippocratisme -- n'a plus rien de sémiologique... Les symptômes ne sont plus des signes qui ont quelque chose à dire à travers une complexité d'autres facteurs, mais coïncident à une nosologie devenue ontologique et ontologiquement maligne, l'avération rhétorique de cette malignité prend une valeur de sentence.

Face à l'enfantement, nous avons un beau mot pour donner la sentence qui en elle-même signifie l'incapacité à cette naissance d'advenir: DYSTOCIE. On a des dystocies à tout crin et de tout poil. Le mot, dès qu'il est prononcé, fait peur, ça fait savant: c'est un diagnostic, ça veut donc dire "cela est." La parole est performative et iatrogène (il faut bien justifier notre savoir et nos études en étant absolument indispensable à quelque chose!) C'est tellement savant qu'un quidam -- dixit Gynéweb [cf. Projet d'accouchement -- Ce "contrat", qu'est-ce que vous en faites ?] -- ne peut rien y comprendre, car en fait, ça veut dire tout et son contraire, bref, ça ne veut rien dire !

[...]

Il ne faut pas confondre envie de pousser et la poussée involontaire. L'envie de pousser survient lorsque la tête du bébé appuie sur le sphincter anal, on peut y répondre en poussant "comme on le sent", i.e. qu'il s'agit plutôt d'un relâchement que d'une poussée (essayer de pousser, c'est quand même de trop par rapport au relâchement, au "laisser aller", mais ça aide à libérer les tensions qui nous font bloquer; c'est pour cela que beaucoup de femmes, après un épisode de poussée sur la toilette -- lieu où on accepte plus naturellement de s'ouvrir -- accouchent tout d'un coup). Mais on n'a pas besoin de répondre à cette envie pour accoucher: c'est beaucoup mieux de ne pas pousser du tout et de s'épargner déchirures et lacérations!

Quant la poussée involontaire atteint son apogée, les femmes disent souvent "ça pousse": c'est ça qu'il faut arriver à faire ressentir aux femmes en les libérant des contraintes chimiques et de mobilité: quand elles disent "ça pousse tout seul", alors ça y est, si elles ne sont pas en position de laisser aller dans le "ça pousse" ou si on leur dit "non, retenez!" alors ça passe et ça reviendra plus tard, si on sait attendre. Le "ça pousse" est l'aboutissement de la poussée involontaire. Et je vous jure que la sensation est tellement irrépressible, que "ça sort" sans qu'on ne puisse contrôler quoi que ce soit, sans qu'on fasse un quelconque effort.

Ce n'est pas les femmes qui sont plus les sensibilisées quant à leur ressenti physique qui accouchent le mieux, ce sont celles qui n'accouchent pas sous la contrainte et les injonctions, sous haute surveillance médicale, ou sous surveillance tout court. Le seul fait de l'existence de protocoles médicaux tout à fait arbitraires quant à leur validation scientifique est une injonction implicite: "tu dois dilater de tant en tant de temps", "la 2e phase ne doit pas durer plus de..." "tu pousses quand on te le dit", "tu ne dois pas bouger ni manger", etc. Essayez d'accomplir les fonctions biologiques involontaires sus-mentionnées -- élimination, éternuement, vomissement, orgasme, etc. -- sous injonction, vous m'en reparlerez!

Ce n'est pas parce que notre éducation nous apprend à les contrôler que le réflexe est perdu ou n'est plus fonctionnel pour autant. A cet égard, le fait que la parturition soit une fonction biologique dont l'expérience corporelle est assez inédite pour les femmes, constitue un avantage en soi. Il est beaucoup moins conditionné que les autres.

Les femmes qui accouchent là où il n'y a pas d'hôpital [nos Inuit], ou d'outillage (monito, péri, perfusion, forceps, ventouses, etc.) en maison de naissance, ou à domicile accouchent beaucoup mieux, pourtant elles viennent toutes de la même culture inhibitrice [à l'exception peut-être des Inuit, mais elles vivent cependant dans un environnement socio-culturel fort similaire au nôtre aujourd'hui]; c'est la même chose pour les femmes qui accouchent sur le pas de la porte ou dans le taxi en route pour l'hôpital: elles ne sont pas particulièrement en démarche de ressensibilisation obtuse, ni particulièrement zen dans la vie! (Mais j'oubliais: le genre de chose "terrible" et traumatisante des accouchements sur le pas de la porte, ca n'arrive presque plus depuis que l'induction programmée -- la prématurée provoquée! -- se généralise: on règle le dilemme du déplacement des femmes en travail par la prématurité: génial!)

Les femmes dans ces exemples là n'ont simplement pas eu à se conformer à des ordres et des protocoles.

Ob Stare / Accouchée vont de pair. Il faut lire les textes des premiers obstétriciens français qui sont à mille lieues d'être debout par vigilance et altruisme: ils expriment leur mission de libérer, au nom des Lumières et de la "science", le phénomène si important de la naissance des ténèbres et de l'obscurantisme féminins. Ils sont représentés debout avec une main pointant vers le soleil devant la femme couchée. Leur pratique se constitue avec la fabrication et le perfectionnement des forceps -- et c'est à qui peut se vanter d'extirper un foetus avec le plus de promptitude --; la technique secrète de fabrication de chaque modèle de forceps se transmettait de père en fils... Chasse gardée. C'est l'époque aussi où l'on frappe une médaille à l'effigie du chirurgien qui pratique les premières césariennes, alors qu'aucun femme n'y survivait...

Il faut lire également les textes de médecins s'opposant vivement à ces obstétriciens qu'ils qualifient d'impatients et avides de sang... Je vous laisse deviner quelle approche a gagné...

Accouchement et obstétrique sont des mots qui font violence aux femmes. (On dit encore "accoucheur" en Europe!)

La sage-femme a à son compte l'ART de la maïeutique: l'art d'assister les enfantements, d'aider, de réconforter, d'accompagner... Autrefois la médecine était aussi un art, on apprenait, et on ne cessait d'apprendre par la clinique, aujourd'hui la médecine est une technique standardisée, et on apprend plus rien des échecs et des torts qu'on peut causer parce que "c'est ça qu'il faut faire" ou "c'est ça qu'on fait tout le temps".

On disait enfanter, comme on dit vêler, chevroter, pouliner... Pourquoi user d'un autre paradigme pour les femmes autrement qu'à dessein de les assujettir à la technê des gens de supposé savoir? Accoucher n'existait d'ailleurs pas comme verbe, mais sous la forme passive d'accouchée. Les mots sont toujours lourds de sens et de leur histoire.

Il y a tout un monde entre enfanter, procréer vs accoucher (qqne), se faire accoucher, se reproduire.

Réhabilitons la maïeutique, ça presse!

Stéphanie St-Amant


Date: Sat, 3 Jun 2000 18:44:17 +0200
From: Andreine &/o Bernard Bel

"Jean-Claude Verduyckt" <carrefour.naissance@swing.be> a écrit:

>A l'école, il faut aller aux toilettes à l'heure de la récréation : quand
>c'est permis. Il faut se retenir. Créant ainsi une négation, une lutte
>contre la sensation naturelle... Déjà tout petit, l'enfant est *dressé*
>(au sens pavlovien) à contrôler ses émissions de selles (dans ce petit
>pot-la, quand moi, adulte, je l'ai décidé). Quid des gaz ? Dont il
>faut avoir un contrôle parfait.

C'est dans le prolongement de ce que j'ai écrit à propos de la "désensibilisation". L'expérience du caca et de la constipation est décidément pleine d'enseignements pour l'accouchement... Anais de Tinguy-Simon, sophrologue, en parle (page 16) dans un article des Dossiers de l'Obstétrique No 283, mai 2000. Elle rappelle cette obsession des selles quotidiennes chez les bébés francais, avec comportements agressifs vis à vis de leur anus (lavements, suppositoires...) alors que la digestion met 36 heures à s'accomplir, en contraste avec les comportements des mères de bébés portés, en Afrique, qui perçoivent immédiatement leurs besoins et y répondent immédiatement. Le reste de l'article est intéressant car il complète ce qu'a écrit Stéphanie au sujet des épisiotomies et de la respiration bloquée pendant l'expulsion -- même s'il fait complètement l'impasse sur les mécanismes involontaires, mais le contraire nous aurait surpris!

[...]

> Alors que faire vis à vis d'une femme qui, persuadée dans son intellectualisme
> et bientôt dans son corps, qu'il lui faudra POUSSER à un moment ou un
> autre, pousse, effectivement, dans tous les sens, en bloquant sa
> respiration comme elle l'a vu dans telle émission télévisée, dans tel
> film, ou tel livre ... comprimant la tête de son bébé.
> Elle n'a plus de gestes naturels. Combien de femmes ne savent plus
> écouter leur corps ?

Gloria Lemay a abordé plusieurs fois ce dilemne: comment aider sans diriger? Sans en faire une règle simpliste, la solution est souvent de détourner cette agitation mentale. Par exemple, la femme lui demande: "Est-ce que c'est le moment de pousser?" Elle répond sévèrement: "Je t'indiquerai le moment précis où il faudra pousser!" Donc la femme, soumise et obéissante comme il se doit, attend le signal. Et comme le signal n'arrive pas, il vient un moment ou elle s'écrie: "Gloria, tu diras ce que tu veux, mais je ne peux plus rien retenir, alors je pousse!" C'est là en effet qu'elle pousse (involontairement) et aussi -- détail psychologique important -- qu'elle se dégage de sa dépendance envers la sage-femme. C'est un exemple intéressant du point de vue "stratégique" même si on ne peut pas le reproduire dans tous les cas de figure.

Le système involontaire appartient à ce qu'on appelle, pour simplifier, "le subconscient", et le subconscient a ceci de particulier qu'il ne comprend que la forme affirmative. C'est pourquoi "Ne pousse pas!" est un message incompréhensible qui se pétrifie dans un état de conscience "dualiste": l'affrontement de deux volontés. C'est comme "Attention de ne pas tomber!" que le subconscient d'un enfant traduit: "Tu vas tomber!"

Vous remarquez ici que Gloria permet à la femme de gagner son autonomie en poussant à l'extrême absurde la situation de dépendance... Plusieurs fois vous (notamment Françoise et Jean-Claude) avez souligné que le discours de "l'empowerment", de l'autonomie, était mal reçu par certaines femmes qui au contraire sont en demande de "prise en charge". Françoise disait par exemple que des femmes la trouvant trop "gentille" préféraient s'en remettre à une sage-femme autoritaire. En fait, les cartes ne sont pas tirées d'avance car cette relation de dépendance peut se renverser au moment opportun.

Tsuda nous disait que Noguchi, son prof, avait une stratégie analogue avec des femmes de "type 8" ("bassin fermé") angoissées et principales candidates de la césarienne. Il n'accompagnait pas d'accouchement mais travaillait comme consultant dans une maternité de Tokyo pour suggérer les positions d'accouchement les plus adaptées à chaque femme. Pour ce qui est des "bassin fermé" les plus réfractaires, il les laissait commencer le travail et au bout de quelques heures leur annonçait: "On va tout de suite partir vers une autre clinique que j'ai choisie spécialement POUR VOUS parce qu'elle est BIEN PLUS sûre!". Il emmenait donc la femme en voiture à 50 km en prenant un chemin détourné et de préférence cahotique. La femme accouchait en général sans aucune intervention dès son arrivée dans l'autre clinique. Ce n'est pas non plus une méthode reproductible ici, car vous imaginez les implications médico-légales (!), mais c'est un exemple de détournement de l'activité inhibitrice du cortex. Voila qui nous change de conseils stéréotypés du genre: "Détendez-vous, respirez profondément!" qui dans ces cas particuliers auraient abouti à encore plus de crispation ou au réveil de peurs profondément enfouies.

Il va de soi qu'on parle ici de stratégies de l'urgence, hélas nécessaires en raison du suivi insuffisant en milieu hospitalier. Mais cette urgence nous apprend aussi beaucoup sur le fonctionnement du cerveau "profond" et l'inadéquation des approches psychologiques classiques -- dont la sophrologie, qu'on prétend innovatrice, a hérité. Je pense en particulier aux traumatismes subis pendant la période primale, c'est a dire avant l'apprentissage du langage articulé, sur lesquels une thérapie basée sur le langage n'a pas de prise. Anais de Tinguy-Simon reconnaît implicitement cette limitation, page 18 du même article, quand elle parle de traumatismes sexuels chez les tout-petits qui "viendront difficilement à la conscience". Encore une impasse: a-t-on besoin de la conscience pour évacuer un traumatisme?

Bernard


From: Stéphanie St-Amant
Date: Sat, 3 Jun 2000 13:12:20 -0400

Bernadette de Gasquet explique dans son livre à peu près ceci : si on vous force à pousser, alors voici comment on fait pour ne pas que ça crée de l'hyperpression abdominale, pour pas que ça vous endommage sérieusement... Ainsi, ça permet de réagir sous la contrainte, un moindre mal. Elle expose plein de techniques pour aménager les étriers, la table de travail etc. pour ne pas que cela soit physiologiquement nocif: c'est parfois une question de petits détails qui transforme une position anti-physiologique en une position beaucoup plus physiologique. Il demeure que c'est dans une formation avec elle que j'ai réalisé que pousser ne servait à rien...

Stéphanie St-Amant


From: "Jean-Claude Verduyckt"
Date: Mon, 5 Jun 2000 10:37:20 +0200

> Plusieurs fois
> vous (notamment Françoise et Jean-Claude) avez souligné que le discours de
> "l'empowerment", de l'autonomie, était mal reçu par certaines femmes qui au
> contraire étaient en demande de soutien. Françoise disait par exemple que
> des femmes la trouvant trop "gentille" préféraient s'en remettre à une
> sage-femme autoritaire. En fait, les cartes ne sont pas tirées d'avance
> car cette relation de dépendance peut se renverser au moment opportun.

Nous voici donc à tous ces éléments subtils qu'il nous faut gérer *en premier lieu* en nous-mêmes, professionnels. Des remises en question profondes sur notre propre sensibilité, notre émotionnel et les façons avec lesquelles ils s'expriment souvent involontairement (inconsciemment?). Face à des personnes que généralement les professionnels de la naissance ne connaissent pas ou peu, ou surtout mal. Mal, car ils ont régulièrement en face d'eux des personnes qui *jouent* à être comme ils croient qu'il faut être (ou comme il faut faire) ... Et je simplifie encore beaucoup une situation extrêmement complexe qu'est une relation humaine dans un moment bouleversant.

En nous adressant aux milieux hospitaliers pour tenter d'induire un changement des comportements, n'oublions-nous pas cette complexité, et cette évidente mais si difficile, remise en question personnelle nécessaire ?

Un thème qui retient souvent mes réflexions sont les *soins de base*. Qui fait les soins de base ? Ce ne sont pas les chefs de service, ce ne sont pas les gestionnaires d'hôpitaux. Ce sont les praticiens, les sages-femmes, ce sont les aide-soignantes, ce sont les infirmières, et autres paramédicaux... Les chefs de services n'ont pas d'autorité sur ces pratiques de base, ou si peu.

Qu'est-ce que j'entends par *soins de base* ? L'utilisation du savon. La réfection d'un lit. La manière de gérer le sale et le propre. Ces gestes s'apprennent en première année de formation, lorsque les étudiant(e)s sont jeunes, n'ont aucune autonomie de pensée (ou s'ils en ont une, elle est rapidement cassée, brimée...). Généralement, les enseignants de ces matières sont soit âgés et dépassés par le système -- n'ayant plus pratique depuis des années --, soit jeunes et n'ont pas encore une expérience suffisante pour avoir remis en question le système qu'on leur avait enseigné. Il y a là une stagnation du changement, et une quasi impossibilité d'évolution ... D'autant que les enseignent(e)s pensent détenir le savoir (grâce à la distance qu'ils prétendent avoir par rapport à la pratique quotidienne et de la routine), tandis que les gens de terrain, avec le pouvoir de l'action, estiment pour leur part avoir toutes les raisons de continuer à agir d'une manière plutôt que d'une autre !

Là aussi il y aurait beaucoup à faire...


From: "Jean-Claude Verduyckt"
Date: Wed, 7 Jun 2000 20:18:30 +0200

> STEPHANIE: c'est impossible de reproduire mécaniquement l'action de
> l'utérus. On peut s'empêcher de vomir, ou s'empêcher d'éternuer ou
> d'accoucher, mais on ne peut pas reproduire volontairement
> mécaniquement cet effet.

Le réflexe dont nous parlons ne fait pas intervenir davantage l'utérus. Lui, il se contracte. Et lorsque le réflexe de poussée se manifeste il ne se contracte pas plus ni moins... Ce sont d'autres muscles qui interviennent, venant renforcer l'action de l'utérus.

> STEPHANIE:
> J'ai entendu parler d'un cas de pneumothorax grave dû à la
> poussée, de femmes qui ont les capillaires du visage explosés...

Rate éclatée aussi... dans une situation de poussée extérieure par un tiers. (Cette technique a été nommee : krisquelquechose. Mais je préfère oublier ce nom.)

> STEPHANIE: ce n'est pas cette parturiente qui devait être "mise en
> phase" avec son besoin profond, mais le personnel, les "intervenants"
> qui doivent apprendre à non-intervenir. C'est le noeud du problème.

Pour apprendre à bien accompagner un accouchement, rien de tel qu'une présentation du siège!

> STEPHANIE: Ici, un mécanisme
> involontaire animal, primitif est aussi en cause: lorsqu'une femelle sur
> le point de mettre bas sent un danger, elle secrète de l'adrénaline, ce
> qui interrompt immédiatement l'accouchement pour qu'elle puisse se
> sauver...

Idem pour les femmes transférées vers un hôpital en fin de travail. J'en ai connu une dont les contractions s'étaient totalement arrêtées, pendant le voyage. Elles ont progressivement repris lorsque la femme était installée dans une chambre!

> STEPHANIE: Il ne faut pas confondre envie de pousser et la poussée
> involontaire. L'envie de pousser survient lorsque la tête du bébé
> appuie sur le sphincter anal, on peut y répondre en poussant "comme on
> le sent", i.e. qu'il s'agit plutôt d'un relâchement que d'une poussée

En regardant l'insertion des muscles du périnée, on se rend compte que pour "s'ouvrir", ils doivent se relever en se détendant, et non pas en se contractant ! Pousser volontairement (intérieurement ou extérieurement) va dans le sens contraire !

> Réhabilitons la maïeutique, ça presse !

Oh oui !

Merci, Stéphanie pour tout ça !


From: Stéphanie St-Amant
Date: Wed, 7 Jun 2000 15:30:35 -0400

"Bernard Bel" <contact@bioethics.ws> a écrit:

> L'experience du caca et de la constipation est
> décidément pleine d'enseignements pour l'accouchement...

Sauf qu'on a littéralement confondu accouchement et constipation. Je pense qu'il y a justement là une erreur à ne pas faire. L'accouchement n'est pas une fonction biologique quotidienne qu'on a pu apprendre de la même façon à réprimer... L'accouchement est un phénomène dont la puissance n'est d'aucune commune mesure. C'est cette puissance qui permet que "ça passe" malgré toutes les barrières physiques et psychiques qu'on peut avoir. (Pour rappeler Gynéweb encore une fois: la Française serait plus désensibilisée que la Hollandaise? A d'autres!! [Cf. Projet d'accouchement])

Sauf que les barrières chimiques et de "contention" (lithotomie et ses variantes qui n'en ont pas l'air, étriers, monito, perf, cinto, poussée forcée... c'est du registre de la contention) sont quasiment insurmontables. Ça n'a rien à voir avec la supposée désensibilisation dont presque toutes les occidentales seraient les grandes victimes à l'heure de leur enfantement!

Quand la femme ressent très fort l'envie de serrer les jambes, elle passe pour l'inhibée qui ne peut pas accoucher. Mais son bébé est en train de passer aux ischions: en fermant les jambes, elle ouvre ses ischions. Mais on veut des femmes bien ouvertes "penthouse style": on lui force les jambes dans les étriers et on coince la tête du bébé. C'est fameux! Là elle pourra optimalement "constiper" son accouchement.

>... il les laissait commencer le travail
> et au bout de quelques heures leur annonçait: "On va tout de suite partir
> vers une autre clinique que j'ai choisie spécialement POUR VOUS
> ...

Que ces exemples nous renseignent sur ce en quoi consiste vraiment la maïeutique, l'ART de faire enfanter les femmes pour qui c'est plus difficile. C'est un accompagnement de l'inconscient. Rien dans le "faire", et surtout pas dans le "faire pour elle"! Quand il n'y a pas d'outils pour intervenir, la maïeutique s'exprime complètement: Grand Nord québécois: 0,01% de césariennes... et les autres interventions d'"usage" sont du même ordre.

La sage-femme, le shaman aussi, dans leur essence, dans leur rôle historique, aidaient aux accouchements difficiles. Si la sage-femme n'assiste que les accouchements "faciles", c'est qu'au mieux elle ne sert véritablement à rien. Et la marge entre une présence rassurante et une présence inquiétante est extrêmement ténue. Voilà pourquoi autrefois les populations élisaient LEUR sage-femme en la personne qui en avait le DON. Ce n'est pas donné à qui le veut de faire impression adéquate sur l'inconscient... ça ne s'apprend pas!

> Encore une impasse: a-t-on besoin de la
> conscience pour evacuer un traumatisme?

Non, il y a toujours une "passe" possible face au trauma.

L'impasse de l'obstétrique est qu'elle est érigée sur la peur atavique de la naissance, car naître, c'est mourir un jour. Une peur, pour être évacuée, doit être symbolisée, elle doit trouver un sens. Or, aucune symbolisation n'est possible lorsqu'on joue avec la technologie supposément "neutre et objective", comme si personne n'interprétait les données de la machine pétri dans sa peur de la mort, on ne symbolise pas non plus avec les statistiques et les paradigmes du risque. Vivre sans le sens de la mort signifie la perte complète de son humanité. Lorsque l'Occidental retrouvera un sens à sa mort, il pourra peut-être laisser naître les autres..., ces autres qui lui survivront.

Qu'est-ce qu'une femme a à faire de la peur des autres quand elle enfante, sinon l'intégrer? Qui peut se dire qu'il accompagne la naissance en étant bien sûr qu'il a réglé son compte personnel avec la peur? Celui/celle-là est sage-femme!

Chaque intervention, chaque geste posé n'est qu'une façon de gérer sa propre peur, ce qu'on peut baptiser "suivi" ou "stratégie de l'urgence nécessaire"...

La maïeutique c'est: "Connais-toi toi-même"...

Connais-toi, connais tes peurs et affronte-les avant d'aller à la naissance... Connais-toi avant de penser (ou pire prétendre) connaître quelque chose du monde et des phénomènes qui s'y passent. Et à la femme: "Enfante-toi toi-même"!

Nous avons toutes et tous très humblement à apprendre de l'enseignement des femmes en couches. Car elles savent tant et mieux que quiconque à leur insu, sans ce vouloir savoir qui ne nous mène qu'à méconnaître!


From: Stéphanie St-Amant
Date: Wed, 7 Jun 2000 16:34:21 -0400

> JC : En remplacement de la poussée volontaire, on peut proposer à la
> femme "d'accompagner" volontairement (la nuance est très importante) le
> besoin irrépressible de poussée.
> Ici, il est important de préciser un point. Partout, on limite la femme
> qui ressent l'envie de poussée lorsqu'elle n'est pas "à complète"
> (dilatation cervicale complète), de peur qu'elle ne se "déchire" le col !!!
> Dans l'accompagnement de la poussée, la part de poussée volontaire
> est très faible.

Des sages-femmes nous disent ici qu'à 8 cm on ressent souvent l'envie de pousser et que c'est bien normal. Elles laissent faire. Je n'ai jamais attendu de o.k. pour accoucher. Et j'ai bien remarqué à mon 2e accouchement qu'à 8 cm, ça sortait! L'accouchement ne connaît pas des étapes bien délimitées A-B-C et qu'une doit être complétée avant la seconde! C'est de l'abstraction appliquée au biologique: c'est du labo de la connaissance!

Il ne faut pas essayer de comprendre pourquoi les femmes ont envie de pousser avant dilatation complète pour l'autoriser, mais constater qu'il en est ainsi afin d'amender toute pratique qui nie le phénomène. Quand à une selle qui ferait ressentir cela, ça ne devrait pas être: les intestins se vident naturellement avant le déclenchement "normal" du travail. Sachant cela, les femmes ont moins peur de relâcher. Mais là encore l'induction fera échec à cette préparation naturelle du corps, et les femmes qui ont une peur panique de déféquer bloqueront encore plus!

Je me souviens d'une amie qui, à 8 cm, s'est fait bien interdire de pousser (i.e. de ressentir cette poussée, ni plus ni moins) alors elle prenait toutes les postures possibles antiphysiologiques pour l'empêcher, parce qu'elle n'avait pas le o.k. Ses contractions ont cessé: c'est bien normal, c'est aussi un phénomène physiologique qui interrompt le travail lorsque ce n'est pas le moment (le danger de l'animal en forêt devient l'interdiction à l'hôpital). Elle a eu une péridurale, augmenté la durée de son accouchement d'au moins 1h30 j'imagine!, elle a poussé fort et déchiré et était très heureuse d'assister au "spectacle" de la naissance, comme témoin, en pleine possession de toute sa conscience, dans le même état que son conjoint. (Et l'expérience du bébé, on en fait quoi?)

J'ai déjà entendu dire que la péridurale nivelle l'expérience d'accouchement de l'homme et de la femme... La différence sexuelle de l'enfantement s'en trouve niée au profit d'une expérience spéculaire, un "beau film émouvant", on se tient main dans la main et on regarde ce qui se passe, en vrai beau couple symbiotique qui n'existe que dans les fantasmes! Pourtant, l'expérience différente et complémentaire de chacun des deux membres du couple est si formidable, et que dire du bébé qui naît en pleine conscience, un bébé qui n'est pas drogué et qui vit sa naissance, que dire de l'expérience qu'il nous fait partager d'un seul et puissant premier regard! Là on peut parler de naissance psychique qui coïncide avec la naissance physique. Combien d'enfants auront de sérieux aménagements à faire pour arriver à "naître psychiquement". La psychanalyse reconnaît chez le nourrisson cet état de "terreur sans nom"... A mon sens, il s'agit d'une naissance psychique non encore advenue, dont la péridurale est souvent la grande responsable...

En tout cas, c'est plus simple de se présenter chez le pédiatre avec un enfant qui a des "coliques" plutôt que des "terreurs sans nom"...

Pour ce qui est de la femme qui veut accoucher "pas tout de suite mais demain", je vous dirais: "Pourquoi pas?" Je connais une femme dont le rêve était d'arrêter le train une fois qu'il est en marche. Elle a réussi à l'accomplir à son 4e accouchement: son travail actif a cessé en plein milieu et on a "autorisé" cela parce qu'elle accouchait en maison de naissance, parce que le protocole ne l'interdisait pas: elle est partie souper tranquillement, se reposer et est revenue "finir" son accouchement plus tard. On accouche comme et quand on le désire inconsciemment. Il faut laisser ce désir s'exprimer! Ça ne fait pas l'affaire de personne que la plupart des accouchements se déclenchent la nuit ou, chez nous, pendant une tempête de neige (un classique!): mais ça fait l'affaire des femmes dans leur inconscient: ça garantit la tranquillité et la présence du moins de monde possible. Mais on règle bien son compte à l'inconscient avec l'induction, le pitocin et tout le tralala pour en venir à bout. Sauf qu'on en viendra rapidement à bout de notre humanité...

(Humanité: désir, inconscient, émotions, intuition. Intuition comme premier moment de toute connaissance possible)


From: Stéphanie St-Amant
Date: Wed, 7 Jun 2000 23:46:07 -0400

<eliceevna@aol.com> a écrit:

> pour ma part, je trouve aussi violentes vos références scatologiques (un
> enfant n'est pas un déchet !), que les autres violences morales en tout
> genres de la part du corps médical vis à vis des femmes enceintes

Il est aussi indécent de faire dans la naissance aseptisée -- rasage, désinfection, lavements et autres pratiques qui culminent par des césariennes inutiles pour ne pas faire passer un enfant dans un lieu aussi méprisé et infect que le sexe féminin comme le conçoit une grande portion de l"inconscient collectif" occidental, parce que ça côtoie l'urine et les fèces -- ainsi que dans l'aseptie verbale, que de confondre accouchement et défécation comme le fait allègrement le corps médical (l'injonction: "Poussez comme pour ..." est universelle, vous constaterez), ce à quoi nous réagissons vertement, il me semble! La naissance est un événement sexuel, il met en jeu les mêmes hormones, nécessite la même intimité... Accoucher et naître d'un écartellement en public, c'est la pire humiliation et déshumanisation qui soit. Suzanne Arms, célèbre "birth activist" américaine et auteure de livres incontournables, nous a dit dans une rencontre à Montréal le mois passé, à propos de ce qu'elle et la plupart des femmes ont vécu dans leurs accouchements: "It is rape, but without a name".

Une accompagnante nous racontait que lors d'un accouchement où elle avait perdu le contact avec la mère, complètement abandonnée à ce qu'on lui faisait et lui enjoignait de faire, elle était allée accompagner le bébé, alors qu'on avait plaqué une intense "spotlight" sur l'entrejambe de la mère, où il allait sortir, parfaitement aveuglé... Elle s'était mise à s'adresser à lui: "Viens-t'en bébé!", à l'accueillir. La résidente qui assistait le très contrôlant gynéco à la spotlight avait été interloquée: "C'est vrai! C'est un bébé qu'on attend!"

C'est dire où on en est rendu! Réclamer l'humanisation des naissances signifie du même souffle redonner au bébé son humanité, qui n'est pas qu'un amas de cellules mais qui sent avec une immense acuité et qui souffre des interventions qu'on pratique sur sa mère et sur lui, des contraintes qu'on leur fait subir...

Stéphanie St-Amant


From: Francoise BARDES
Date: Fri, 9 Jun 2000 12:42:35 +0200

Je suis très impressionnée de ce que dit Stéphanie des sages-femmes. Je crois bien ce qu'elle dit qui rejoint ce que dit Jean-Claude. Je suis très impressionnée et je sens bien que dans mon choix d'hôpital jusqu'à ce jour il y a aussi en moi cette peur de moi-même.

Démarrer au dehors à petits pas, espérant avoir cette finesse d'écoute. Mais encore bien loin de l'influence positive sur l'inconscient! Si la naissance est un grand et beau chemin à peine apercu au hasard d'une naissance pas trop gênée par l'hôpital (il y a des surdouées), je suis loin de ce que vous décrivez et qui m'incite à quitter cette cage de fer décrite par Andréine [cf. Lettre ouverte aux sages-femmes] et que je ressens de plus en plus sur les femmes comme sur moi-même.

Bien cordialement, Francoise.


From: "Marypascal Beauregard"
Date: Thu, 15 Jun 2000 17:05:33 EDT

> JC : idem pour les femmes transférees vers un hôpital en fin de travail.
> J'en ai connue une dont les contractions s'étaient totalement arrêtées,
> pendant le voyage. Elles ont progressivement repris lorsque la femme
> était installée dans une chambre !

A la naissance de ma première fille, j'ai vécu un transfert (for midwife's distress), ma dilatation était à 9 1/2 à la maison, et en arrivant à l'hosto... à 4.

mapa


From: Francoise BARDES
Date: Fri, 16 Jun 2000 10:47:00 +0200

Très joli, ce terme: détresse de la sage-femme! Je pense après de nombreuses discussions entre nous sur cette liste que c'est une part importante du mal de l'hôpital: c'est comme les épidémies, on rasssemble une population de personnes sujettes à la trouille médicale. L'une capte un petit indice et hop tout le monde saute sur l'indice le monte en épingle et voilà la pauvre dame inquiétée, monitorée, et comme elle a beaucoup la troooouille puisque ces gens là ont la trouille, elle stresse et tout va encore plus mal.

En hôpital, c'est donc une sale position d'être celui aux premières loges, car tu ne peux pas ne pas relever l'indice, mais tu confies la dame à ceux qui vont suivre, et il y a donc construction du cas. Seule, je peux me donner la marge de revoir la dame et voir si cet indice monte en puissance ou si c'est un truc comme ça !

Je me demande, à voir la belle histoire de Bernadette, et certaines bien tristes que nous avons à l'hôpital sur des termes dépassés, si justement la pathologie a été construite?

Mais une remarque avait été faite par une personne dans un groupe de Midwifery Today comme quoi à l'hôpital on était jamais plus près du bloc et pourtant c'est l'endroit ou ça sue le plus la trouille!

Bien cordialement, Francoise (qui espère ne pas transférer pour midwife distress...)


From: "laetitia_e_33"
Date: Sun, 21 Nov 2004 20:05:38 -0000

L'envie de pousser c'est plus fort que tout. Je n'ai rien eu à faire, à part aider mon bébé à se faire naître, l'écouter, le toucher, le sentir, l'accompagner, l'accueillir et le cueillir entre nos mains, puis le prendre contre moi, le carresser, le regarder, le respirer; lui parler, le laisser grimper vers mon sein...

L'envie de pousser, elle m'a prise, elle est montée, encore et encore, et en portant la main à mon sexe j'ai senti la tête de mon enfant, ses cheveux... J'ai senti la chaleur et l'humidité ...

Les contractions arrivaient, et l'envie était là, elle m'emportait, elle m'emmenait loin, à la rencontre d'un douloureux plaisir, c'est mon corps tout entier qui s'est mis à l'oeuvre pour ouvrir le passage à mon enfant.

C'était comme un instinct de survie, un grand raz-de-marée de douleur, d'animalité, de plaisir et d'émotions partagées.

Laetitia E.


From: "izabel94"
Date: Sun, 21 Nov 2004 20:57:10 -0000

Je réponds à ton messgae tant il fait écho "contraire" à ce que j'ai pu ressentir lors de la naissance de mon 3e bébé... L'envie de pousser est venue, a voulu m'entraîner dans une telle combe de douleur que non, rien à faire, j'ai refusé, j'ai refusé de l'écouter,je ne pouvais pas...

Alors l'enfant lui-même a fait ce chemin, tout seul.

Elle est née... Je l'ai regardée mais... bofff.... avoir aussi mal pour "ça" ????

Je n'ai pas pu l'aimer de suite... Il m'a fallu du temps pour lui "pardonner" cette douleur comme si elle en était responsable (quelque part oui, mais quelque part non, ce processus se déroule quand bien même nous le refusons. L'enfant naît, point).

Puis pour les naissances suivantes,(et encore aujourd'hui), je déteste ce moment où la douleur est si forte que je sens ma vie en danger. Celle du bébé je ne parviens pas du tout à y songer à cet instant là.

J'ai peur, peur de cette douleur qui me dépasse.

J'ai peur... si peur... et je refuse tout en bloc...

A vrai dire accompagner le travail sans péri, oui, mais la naissance à proprement parler ??? Non, je ne peux pas, vraiment je n'y parviens pas.

Ma terreur de la naissance elle est là. Cette douleur...

"Sois sage ô ma douleur".... Quel est l'idiot qui a dit ça ??? ;-)

izabel +6 (et bb à venir fin avril 2005)


From: "eucalyptus"
Date: Sun, 21 Nov 2004 22:40:50 +0100

A la naissance de Morgane, j'ai ressenti une chose de ce genre. C'était un très gros bébé, la tête était visible me disait la sage-femme, mais elle ne "sortait" pas. Ma peau était tendue à bloc, la douleur était terrible et au monitoring Morgane commençait à souffrir. La sage-femme me disait de pousser, elle me suppliait presque pour m'éviter une extraction instrumentale ou une épisio, mais le message ne parvenait plus à mon cerveau. Le gynéco commenaçait à s'énerver et parlait de ventouse, mais moi j'avais trop mal. Et finalement, cette sage-femme que je connais très bien (que j'adore) a pris une décision, elle a changé de ton, elle m'a engueulée (excusez le terme) comme une môme, mais pas méchamment, en me disant que c'était à moi de décider, que la salle de césa était prête, que c'était à moi de vouloir...

J'ai hurlé, David m'a redressée au maximum et j'ai poussé comme une folle, et cette fois ma puce est sortie. Je n'ai jamais eu aussi mal de ma vie, mais je n'ai pas eu un point de suture, pas d'utilisation du moindre instrument... Aussitôt la sage-femme m'a dit: je savais que vous pouviez le faire, j'avais confiance en vous.

Je précise que ce bébé était énorme, y compris le périmètre crânien (comme tous mes bébés) et que seule la sage-femme y croyait. Le gynéco de garde ne voulait pas s'emmerder, il était tard, il savait que ce serait dur, il voulait sortir une ventouse et aller se coucher!

Finalement, je remercie cette sage-femme et je pense qu'elle a eu raison de me parler un peu durement, ça m'a fait comme un électrochoc. Morgane est née inanimée, bleue, j'ai paniqué, mais la sage-femme et la puéricultrice m'ont dit que ce n'était rien, elles l'ont massée, stimulée un peu et ma puce a crié, enfin. Il était tard, on me l'a mise au sein, sous une grosse couverture, et on nous a laissées tranquilles sitôt la délivrance faite (sans problèmes).

Je suis peut-être une peu sortie du sujet, mais "pousser", je suis d'accord avec Izabel, malgré tout le fait qu'on sache bien qu'il faut le faire, c'est loin d'être évident quand la douleur domine tout.

Je précise que j'avais refusé le déclenchement avant terme (pour trop grand poids) et encore plus la césarienne de confort.

Là, bébé 5 s'annonce du même ordre de taille et de poids et de la même façon, je refuserai malgré tout, qu'on fasse quoi que ce soit pour forcer les choses...

Estelle, maman de Titouan (1997), Anouck (1998), Solenn (2000), Morgane (2003) et bébé XY en février 2005


Lire aussi...

... et autres points de discussion sur la liste "Naissance"


Visitez les sites Internet et associations francophones pour une approche « citoyenne » de la naissance
<http://naissance.ws>