Ma césarienne, mon histoire

Extraits d'un échange sur la liste "Naissance" (suivre ce lien pour s'inscrire à la liste)

Envoyez vos commentaires à <secretaire(arobase)naissance.asso.fr>


To: <naissance@egroups.com>
Date: Tue, 20 Jun 2000 23:22:09 +0200

Bonjour à tous,

Mon premier enfantement ayant été fait par césarienne, avec une grossesse surmédicalisée, et les premiers jours encore plus angoissants, dans un CHU... pensez-vous que je sois folle d'espérer accoucher naturellement (normalement), et à domicile pour un futur bébé???

Mon mari est farouchement contre, craignant pour ma vie et celle de notre enfant! Moi, je n'ai pas envie de me faire encore "avoir" avec un accouchement frustrant. Mais c'est délicat vis à vis de mon mari!

Quelqu'un pourrait-il m'expliquer comment cela se passe? [...] La césarienne est-elle une contre-indication pour un accouchement à domicile?

Merci de vos éventuelles réponses!

L.


From: Madeleine Grivet
Date: Wed, 21 Jun 2000 09:56:49 +0200

Bonjour L.,

Même dans des endroits aussi technologisés que ma maternité, on ne considère pas vraiment que accoucher après une césarienne soit un risque supplémentaire, surtout si c'est (comme je crois le percevoir) à cause des bébés que cette césarienne a été décidée?

En tout cas c'est bien sûr à vous les parents de sentir ce qui est possible pour vous, mais si votre histoire antérieure est très dure à surmonter elle ne l'est pas du point de vue de votre futur!

La précaution que nous prenons est de faire une radio pelvimétrie du bassin de la Maman pour vérifier que le "passage" est possible. Et l'accouchement ne doit pas avoir de risque surajouté (gros bébé, siège...)

Je pense qu'il y a des unités Kangourous, mais pas là où il y a un service specialisé de pédiatrie sans doute. L'argument remplissage existe, mais je crois plus dans le cas de vos bébés à une routine renforcée par l'inquiétude de la prématurité. Chez nous, nous les mettrions je pense en couveuse avec scope le temps de vérifier 24h sur 24 que tout va bien pour eux. Mais nous n'avons pas de pédiatrie! Ils seraient donc dans la chambre avec leur Maman. (A condition qu'ils aient un minimum de 32 semaines et qu'ils soient autonomes au plan respiratoire.)

La sage-femme allemande d'Aix la Chapelle qui est une très forte femme et très bonne sage-femme a accouché sa copine de triplés en maison de naissance, et les bébés de moins de 3 kilos chacun (à 37 semaines) étaient dans le lit double de leur maman.

Bien cordialement,

Madeleine


From: "sophie gamelin" <gamelin.sophie@wanadoo.fr>
Date: Thu, 22 Jun 2000 02:06:13 +0100

Chère L.,

Sache que tu n'est pas la seule à mouiller ton clavier. Je n'ai pas vécu de césarienne moi-même, mais je peux comprendre en tant que femme ce que tu as pu vivre, et par rapport à toi, et par rapport à tes petits.

Aucune histoire ne sera jamais trop longue, ni pour ceux qui la lisent, ni surtout pour ceux qui l'écrivent. Ecris encore, L. Pour toi bien sûr, mais aussi pour toutes les femmes, pour tous les hommes, et pour tous les enfants présents et à venir.

J'allais te conseiller ce livre "Une autre césarienne, non merci", mais je vois que tu l'as déjà. Plusieurs femmes dans mon entourage ont choisi de tout faire pour ne pas vivre une seconde césarienne, et certaines ont choisi leur domicile et la compagnie d'une sage-femme pour cela. Une d'entre-elles a un mail, je vais lui demander si elle veut bien échanger avec toi sur son expérience, et même si elle veut bien que son histoire passe sur la liste, ce dont je suis presque sûre.

Bien amicalement.

Sophie


From: "marypascal beauregard" <beauregard66@hotmail.com>
Date: Thu, 22 Jun 2000 16:57:52 EDT

L...

Trouver les mots est difficile pour moi en ce moment.

Tu sais, le catharsis de la naissance se reproduit souvent à la date anniversaire... peu importe la manière d'accoucher. Mais quand la naissance a été si traumatique, il est normal (pas nécessairement agréable) de le revivre intensément.

Parler, pleurer, partager douleur, colère, culpabilité... Ca fait partie du deuil.

Tes deuils sont nombreux: le plus beau jour de ta vie qui se change maintenant en cauchemar, ton corps qui ne suit plus, toute cette violence institutionnelle subie, qu'on te fait subir. Comment l'expliquer, comment ne comprennent-ils pas, pourquoi je ne peux prendre mon(mes) bébé(s)? Pourquoi tant de dureté?

Ces questions trouveront peut-être des réponses, peut-être pas.

Ce que je pense qu'il faut retenir, c'est "comment cette expérience fait-elle de toi une meilleure personne? Comment te rend-elle différente des autres, comment touche-t-elle ton humanité?"

Puis, plus durement: quelle est la leçon?

Parce qu'il y en a certainement une, il y a quelque chose à apprendre... Pour toutes, la leçon est différente.

Mes deux filles sont nées par césariennes, la première en juillet 1997. Suite à un long travail, épuisée je suis arrivée à l'hôpital. 9 cm 1/2 de dilatation, contractions devenues pénibles, je ne suis plus moi-même. Après toutes les procédures que j'avais tellement voulu éviter, c'est la césarienne.

Après, je vois ma fille dans les bras de son père, après être allée très loin dans des endroits de ma psyché dont je ne connaissais même pas l'existence. Je ne peux la prendre, j'ai tellement mal au thorax. Je ne peux l'allaiter, mes seins sont durs et elle ne tête pas du tout. Son père, mon amour, prend mes seins, l'un après l'autre, et tire mon lait. Moi, flasque et vide, je subis, je ne peux même pas respirer sans douleur. Je pleure, le mal du corps, mais aussi et surtout celui de l'âme qui ne se repose pas. Il lui donne le précieux colostrum et refuse plusieurs fois les biberons d'eau glucosée et le lait chimique qu'offrent les "gentilles" infirmières. Injection de Demerol, à trois reprises, sans mon consentement.

Un ans après, j'avais encore mal aux épaules, là où l'aiguille s'est enfoncée.

De retour à la maison, d'intenses "cravings" de cigarette me reprennent. Moi qui n'ai rien fumé de la grossesse, je me mets à en griller 10-15 par jour. C'est la lente chute vers la déprime.

L'hiver venu, (il fait froid au Québec...) je vais faire le feu avec ma fille, Francis travaille de longues heures (12-14h par jour). Il n'a pas le temps, pense que ça doit être fini, après cinq mois, on doit passer à autre chose.

Je capote un peu. ä chaque fois que je vois le feu, un film écoeurant se déroule dans ma tête. Je pense que je jette ma fille dans le feu, et que je la regarde griller! En dernier, je ne veux plus aller au feu, de peur de le faire...

Puis vient la colère. Je m'engage dans des groupes de femmes en périnatalité, je constate à quel point j'aurais pu éviter tout ça. J'apprends beaucoup sur les naissances, mais aussi sur moi-même. Je constate que les sages-femmes ne sont pas nécessairement aussi aidantes qu'il y paraît. Je rencontre même beaucoup de réticence a reconnaître le manque de soins, les lacunes à l'intérieur même des groupes sages-femmes et accompagnantes à la naissance. La violence des femmes...

Puis je me tape sur la tête, j'aurais pu faire mieux, éviter cela à ma fille, etc. Ça ne donne rien, je cherche encore.

Puis germe en moi l'idée que je peux "me reprendre", avoir l'accouchement parfait que j'avais tellement voulu.

Je redeviens enceinte dans le temps de le dire. Grossesse difficile, je cherche ma mère dans la sage-femme et je m'égare de plus en plus, d'intenses vomissements seront mon lot quotidien durant les quatre derniers mois de grossesse. Le plus grand exercice de ma journée est d'aller aux toilettes et de descendre manger. Je n'ai presque pas vu Teeja durant tout ce temps. Francis, d'absent, est devenu très sollicité tout à coup. Lui qui ne préparait jamais de repas ou ne donnait jamais le bain se retrouve avec la maison, Teeja, la ferme et... moi!

En mars 99, après bien du "niaisage" de la part de la sage-femme, je suis en travail. Le pronostic est bon, on est bien tous les deux. Les sages-femmes rodent autour de nous, nous dérangent imperceptiblement mais sûrement. Puis, je me fatigue encore beaucoup. Je bloque à 6cm. Je me mets à faire de la fièvre, personne ne s'en aperçoit. Je m'isole, me couvre de 3 couvertures jusqu'au cou et je m'endors. Elles me réveillent en disant qu'il faut aller à l'hosto.

On n'a pas de plan de naissance, parce que selon elles il n'était pas nécessaire d'en parler, parce que "ça n'arriverait pas cette fois-ci".

J'ai l'impression de revivre le même calvaire. Je suis bête avec Francis, on est tellement morcelés, pas du tout ensemble, trop d'intrusions.

Encore la routine classique: pitocin, péridurale, monitoring.

J'arrive à 10, le liquide est vert, nauséabond. On me dit "pousse". Je l'ai fait, antiphysiologiquement, durant une bonne heure. Le coeur du bébé tape le 175 et ne descend plus. Je dis "c'est assez!"

La routine de la césarienne commence. Je ne suis plus moi, je suis "la femme de la césar."

J'ai pu refuser quelques interventions, comme le petit liquide censé diminuer l'irritation gastrique mais qui m'avait fait tellement vomir sur la table. Savez-vous ce que c'est de vomir la tête sur le côté? C'est affreux, on pense qu'on va mourir étouffée dans les vomissures...

J'ai gardé mon T-shirt, malgré l'asepsie, ce qui a été en soi une grande victoire. Il y a d'ailleurs encore du sang dessus.

Puis, on me "prépare" encore en salle d'op. L'anesthésiste ne trouve pas de veine. Il s'excuse plusieurs fois, moi je perds conscience et réussis juste à lui dire "c'est pas grave" (quelle blague). J'ai ensuite les bras pires que ceux d'une héroïnomane, pleins de bleus et de trous.

Puis c'est la césarienne, Francis est avec moi, me flatte les cheveux, me regarde dans les yeux. Une femme dit "ouache, ça pue" (Quelle délicatesse...) Puis ma fille naît, elle est rose, mais ne pleure pas. Ils se dépêchent de couper son cordon, la séparant de moi à jamais. Elle vire au bleu, devient complètement atonique. Ne respire pas seule. Je la vois, sur une table. Ils la suctionnent, pendant que Francis bouge son petit pied en lui disant: "Reste avec nous petite fille!" Je trouve grotesque que les gens s'affairent à plein de choses pendant que mon bébé meurt. Succion, succion, je crie de toutes mes forces "tassez-vous, tassez-vous, je veux voir mon bébé" (aucun résultat, personne ne m'entend).

Il y a 2-3 semaines, j'étais dans l'auto et une fulgurante douleur me prend la gorge. Je me mets à suffoquer, les larmes jaillissent. Les mots qui me viennent? "Tassez-vous, tassez-vous, je veux mon bébé, je veux voir mon bébé"...

Francis prend Lénie, me la montre. Je veux lui toucher, la sentir. Je me rends compte que mes bras sont ATTACHES! Je ne peux toucher ma fille. Elle passe devant mon nez, je ne l'ai pas touchée...

(Il y a 2-3 semaines, dans l'auto, en même temps que la gorge, mes bras se sont violemment tendus, dans une tentative désespérée de rattraper ces moments.)

Ça prend 1 heure pour me recoudre. Ils ont déchiré "par accident" l'aponévrose de mes grands droits. Mais personne ne me l'a dit, je l'ai lu plus tard dans mon dossier. Je suis demi-consciente tout ce temps.

Puis la salle de réveil, mon enfer. J'entend les autres malades, je les sens, je suis trop sensible, trop ouverte. L'infirmier me déplace, touche à mon épaule... "Wahhh! est-ce que j'ai eu une injection dans l'épaule?" "Non." Pourtant, c'est la même douleur...

Je tremble, tremble tellement que l'infirmière ne peut prendre ma tension. Elle panique, s'agite, répète sans cesse: "Il faut qu'elle arrête!" sur un ton suraigu. Je lui dis: "Regarde moi dans les yeux et parle moi, je vais me calmer." Je le lui répète 4 fois, elle ne m'entend pas. Elle injecte du Demerol dans la perfusion. Je perds la carte. Le Demerol fait en sorte que je ne me rappelle pas mon numéro de téléphone pour une bonne semaine, j'en viens à croire que j'habite à l'hôpital (autre symptome du stress post-traumatique).

Puis je reviens à la chambre, et j'espère innocemment que Francis m'attendra avec Lénie. Elle aussi est en néonatologie. Elle y restera une semaine, je ne pourrai l'allaiter que le jeudi (elle est née le lundi). Elle se jettera avidement et violemment sur mon sein, qu'elle broie entre ses gencives. Je la laisse faire, elle me prouve ainsi qu'elle est vivante. On la pique, chaque jour, pour lui administrer des antibiotiques. "ON" a oublié de faire une culture du liquide ou de mon sang avant de donner les antibios, donc "ON" ne sait pas si elle est infectée de quelque chose. Par "précaution" elle reçoit 14 jours d'antibios très forts (à large spectre).

Le 12e jour, le dimanche de Pâques, on décide d'arrêter le traitement. Francis téléphone à l'hôpital pour dire que nous ne viendrons pas au traitement de 7h00. (Elle était en externe, on va à l'hôpital trois fois par jour 7h-15h-23h, avec 1 heure de trajet chaque fois.)

A 14h, la protection de la jeunesse s'amène, ils viennent "saisir l'enfant."

On se rend à l'hosto, à contrecoeur, mais on n'a même pas le choix... Elle a ses deux jours supplémentaires.

Il me faudra longtemps pour décanter tout ca.

Jamais eu de support ou de présence de la sage-femme, elle avait autre chose à faire. Je lui en veux encore de sa lâcheté, de son imposture.

Mais le cycle s'est fait plus rapidement cette fois: choc, déni, colère, deuil, etc.

Les leçons sont apprises, elles aussi. J'en ressors plus forte, plus intègre et convaincue que jamais dans la normalité de la naissance.

L., ton histoire a ouvert la porte d'une vanne longtemps fermée pour moi. J'ai longtemps dit aux autres que j'avais eu un accouchement normal, et je crois même que certaines personnes croient que j'ai accouché chez moi. C'était mon jardin secret, je me croyais bien innocemment être la seule à avoir vécu un trauma, et honnêtement, j'en avais parfois honte. Je me suis sentie coupable d'avoir voulu autre chose pour ma fille, et qu'elle aie failli mourir m'a donné un choc.

Mais je crois maintenant au sacré de la naissance, à la privauté de l'événement. Plus jamais accepter d'intrusion aussi violente, pas au moment de l'enfantement en tout cas.

Merci à toi d'avoir ouvert cette porte. Merci aussi à ma soeur sorcière pour les autres pistes, et à vous tous qui m'avez lue jusqu'au bout (je ne pensais pas faire ça si long mais...)

Bonheur et joie aux femmes humbles, qui cherchent à comprendre et à guérir. Soyons toutes et tous fortes, parce qu'à travers nos souffrances poussera le germe de l'espoir pour nos semblables.

Amour et paix

marypascal


From: L.
Date: Sat, 24 Jun 2000 14:43:54 +0200

Bonjour,

Marypascal, moi aussi, j'ai eu des envies de meurtre: je me disais... toutes ces souffrances depuis qu'ils sont là... et s'ils mouraient?? Je vous assure que penser ça pour une maman, c'est vraiment l'horreur!!!

Et puis, je me suis dit que tout venait de la naissance... J'avais été tellement inutile et incompétente pour les mettre au monde, que j'étais incompétente à m'en occuper... Tout ça ne pouvait pas venir de moi... Mes enfants sont là pour me le rappeler: hier soir, j'ai dormi avec [...] sur mon ventre, parce qu'un peu malade... et là, je me suis sentie vraiment maman... Je lui ai dit que je l'aimais et que je m'excusais pour sa naissance... Il m'a comprise, j'en suis sûre! Il ne pleurait plus parce que j'étais vers lui... J'étais compétente, enfin! Certaines mamans se sentent compétentes tout de suite, par une naissance magnifiquement naturelle... Et moi, un simple trou dans mon ventre fait qu'il m'a fallu un an pour en arriver au même point!!!!

"On" m'a parlé d'aller voir un psy... Mais il m'aurait fait parler pour prendre conscience de tout cela... et m'aurait-il comprise? Je ne crois pas... Alors je chemine toute seule... et avec votre aide... Je ne précipite pas les choses.

Merci à tous pour vos messages compréhensifs.


Date: 25/6/00

>"On" m'a parlé d'aller voir un psy... mais il m'aurait fait parler pour
>prendre conscience de tout cela... mais, m'aurait-il comprise? Je ne crois
>pas... Alors je chemine toute seule... et avec votre aide... je ne précipite
>pas les choses.

Tu connais probablement le dicton:

"Les névrosés construisent des châteaux dans les nuages"
"Les psychosés habitent ces châteaux"
"Les psys touchent le loyer"

Ce que tu écris avant, "j'ai dormi avec T. sur mon ventre, parce qu'un peu malade", montre que tu as senti où se situait le processus de guérison, malgré les "conseils" de l'entourage -- ceux qui disent qu'il faut FAIRE quelque chose, parce que eux ne supportent pas ta souffrance.

Dans un message précédent, Bernard parlait d'un travail "physique" autant que "psychologique". C'est ce dont tu parles maintenant. C'est vrai que l'un est dans l'autre, mais ca ne sert a rien de le dire si on se contente de "reconstruire" l'un dans l'autre. Cette reconstruction (le diagnostic) est pour le thérapeute un moyen de faire de ta souffrance un objet, "out there"... Le processus d'autoguérison, par contraste, commence lorsque tu te "réappropries" cette souffrance; au niveau psychologique, tu te responsabilises, tu redeviens "compétente", car c'est le moyen de résoudre la culpabilité (ce regard "extérieur" sur ta souffrance). Le psy, par contre, soulage ta souffrance en déplaçant la culpabilité: ça devient la faute au toubib, à ton père ou ta mère, bref, quelque chose sur lequel "il faut que vous tourniez la page, madame, parce que vous n'avez pas de prise dessus!" Il pathologise ton problème puis te branche la péridurale dans la tête. Or, tout le monde le sait, la péridurale ça ne marche qu'un certain temps; pas grave, on change de psy ou de thérapie -- il y en a des centaines aujourd'hui, en comptant ceux qui appellent ça du "développement personnel" (sic)!

Ton thérapeute, si tu tiens à désigner quelqu'un de ce nom, ce serait T. C'est lui qui te parle, heureusement pas encore avec des mots qui ne pourraient qu'embrouiller le message, mais avec sa relation physique, ses rhumes, ses fièvres, etc. La seule chose importante est pour toi de ne rien projeter dans cette relation. Pas de projection affective (pitié, pardon, rédemption...) [...] Pas de projection "thérapeutique" (diagnostic, pathologie...); ce qui pose un problème que toi seule peux résoudre: que faire (ou ne pas faire) quand tu le vois "un peu malade"?

C'est T. sur ton ventre qui guide tes mains et tes pensées. Sans but (exit la "pathologie") et sans technique (exit la manipulation et la précipitation -- "précipiter" = "tomber la tête en avant")... Il s'agit de répondre à son besoin en restant à l'écoute de ce contact, le temps que le verre d'eau bousculé se remplisse de nouveau...

C'est ça le plus difficile dans le monde moderne: il y a toujours quelque chose à faire au moment précis où l'on devrait rester pleinement attentif: se lever, décrocher le téléphone, répondre "mais oui, ça va!", ou "aller dormir" (comme si dormir etait un acte volontaire)... Sans oublier le saucissonnage de la vie quotidienne: le soir, la tendresse, le matin, le toubib, parce qu'il a "tout de même" un peu de fièvre, qu'on va partir au boulot, etc., alors que c'est toujours le même corps qui parle et qu'on abandonne par délégation.

Caleb Gattegno avait écrit "Ces enfants, nos maîtres". Le livre est aujourd'hui introuvable, mais son titre reste tout un programme éducatif à lui seul...

A. & B.


From: "marypascal beauregard" <beauregard66@hotmail.com>
Date: Sun, 25 Jun 2000 13:51:06 EDT

>Marypascal, moi aussi, j'ai eu des envies de meurtre: je me disais...
>toutes ces souffrances depuis qu'ils sont là... et s'ils mouraient??
>Je vous assure que penser ça pour une maman, c'est vraiment l'horreur!!!

Les envies de meurtre... c'est vrai que c'est atroce de les ressentir...

Moi je l'associe au stress post-traumatique. Il faudrait écrire là-dessus: "l'institutionnalisation de la naissance et le stress post-traumatique"

La dépression post-natale est déjà liée à ce phénomene, et savez-vous quoi? La majorité des femmes accouchent surmédicalisées à l'hosto...

Pour le psy... "ON" t'aurait certainement mise sur le Prozac et suggéré d'arrêter l'allaitement...

T'en fais pas, c'est certain que tes petits ils comprennent ce que tu leur dit. Ils t'ont même déjà pardonnée, mais ça fait encore du bien de leur dire, pas vrai?

Hang-on, L., la vie est belle et t'apportera d'autres occasions de grandir.

xxx

marypascal


From: Maria Luisa Bautista <marisabau@skynet.be>
Date: 10 juillet 2000

Sophie Gamelin <gamelin.sophie@wanadoo.fr> a écrit:

> Le discours médical face à ça, c'est: vous aurez toute la vie pour être
> avec votre enfant et créer des liens. Eh bien non, je tape du poing sur la
> table! Ce sont ces premiers moments qui méritent tout notre respect et toute
> notre non-intervention. Car ces moments ne se "rattrapent" jamais.

Oui, ces moments sont précieux pour la relation mère-enfant, pour créer le lien. Mais oui, ils peuvent se rattraper. Je le crois fermement. Oh, c'est sûr, pas à chaque fois, pas toujours. Mais dans la grande majorité des cas, oui. Je crois dans les capacités et compétences des enfants, des nouveaux-nés. Que souvent "il suffit" de les écouter et ils nous montrent la voie.

Je sais que vous aimez les témoignages, alors au lieu de faire un discours intellectuel je vous livre une partie de notre naissance. En effet, depuis quelques jours j'écris notre histoire, pour moi, pour ma fille. Pour pouvoir le faire, j'ai dû commencer par la fin. C'est celle-ci que je vous offre. Petit rappel: naissance par césarienne en "urgence" pour cause physique. Les faits ont lieu une petite huitaine après la naissance, cause refus de se nourrir.

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J'ai "abandonné" mon enfant, encore une fois.

Je l'ai déposée sur son lit, mis tout le monde dehors. Et je me suis enfuie au plus profond de moi-même.

Je me suis oubliée, moi, la femme; moi, la mère. Mais en suis-je vraiment une? J'ai fouillé dans tous les coins. J'ai cherché le courage pour trouver des mots. Ce n'est pas elle, ce n'est pas moi. Juste une situation difficile, un vide dans le chemin, dans laquelle je dois intervenir...

J'ai pris dans mes bras ce bébé. Tout près de mon visage, face à face je peux sentir son souffle... si léger. Bébé, je dois t'expliquer quelque chose, écoute-moi bien. Et c'est alors qu'elle m'a regardée, pour la premiere fois, elle m'a regardée moi...

"Ecoute ma voix, bébé, celle-là tu la connais bien. Elle te parle depuis des mois. Elle te dit des mots doux, te chante des chansons. C'est ma voix, la voix de ta maman. Je sais que tu ne me reconnais pas, que tu ne veux pas me reconnaître, que tu m'en veux... Non, bébé, je ne t'ai pas abandonné. Parfois les choses n'arrivent pas comme on les a rêvées, comme on les voulait. Ils m'ont trompée, ils ont menti. J'étais trop endormie quand ils t'ont sortie. Je ne me suis même pas rendue compte que tu n'étais plus là. Ce n'est que quand j'ai senti le vide dans mon coeur que j'ai compris. Je n'ai pas pu te prendre dans mes bras car j'étais attachée. Notre baiser fut trop fugace pour créer le lien. Quand finalement j'ai pu te prendre près de moi, était-ce déjà trop tard? Non, jamais ce ne peut être trop tard.

Tu peux me punir si tu veux, mais ne te punis pas toi-même. Donne-moi une chance, s'il te plaît. Ne te laisse pas mourir. Nous n'avons pas traversé toutes ces souffrances pour baisser maintenant les bras. Ils t'ont sauvée, ils nous ont sauvées. Je suis heureuse que la science ait tellement avancé, grâce à elle nous sommes là toutes les deux. Même s'ils ont oublié qu'être simplement en vie cela ne sert à rien.

Oh mon bébé, ne te laisse pas mourir, je t'ai attendu si longtemps, je t'aime tellement!! J'oublierai mon désir de te nourrir si tu ne veux pas de moi, mais mange bébé, reste en vie, je t'en prie!!"

Je n'ai pas pu continuer, ma voix s'est noyée au milieu de mes sanglots. Et ce petit être m'a montré toute sa force, tout son amour. Elle a pleuré avec moi, aussi fort que moi. Et s'est arretée en même temps que moi. Et à nouveau, elle m'a regardée. Je me suis couchée avec elle, toutes nues, toutes les deux. Je lui ai laissé le temps d'apprivoiser mon corps, mon odeur. J'ai fait les gestes que nous n'avions pas pu faire au moment de sa naissance. Nous nous sommes données une chance de recréer le lien. Avec un soupir qui semble venir du plus profond, elle s'est accrochée à mon sein. A ce moment, a cet instant précis, je sais que je suis devenue sa mère. Et elle, mon enfant.

Nous avons encore un long chemin à parcourir. Il sera parsemé des vides qu'ils ont laissé derrière eux. Je serai là pour essayer de les combler, pour qu'elle grandisse avec le moins de dégâts. Quant à moi... Il y a une plaie physique, qui se voit de moins en moins. Elle n'est pas trop moche, même s'ils ont un peu râté la couture. Je l'ai presque oubliée, elle est en train de disparaître. Il y a une plaie morale, qui ne se voit pas. Comment dès lors pouvoir mesurer sa valeur? Avec le temps, elle arrêtera de saigner. Et ce jour là, peut-être, je pourrai baisser ma garde, me laisser aller. Sans peur de craquer. Ce jour la, je pourrai dire:

"Bonjour, je m'appelle Maria-Luisa et je ne serai plus jamais une femme césarisée."

PS: Rebecca s'est nourrie de mon sein pendant neuf mois. Elle a arrêté quand elle a commencé à m'appeler "maman". Elle y revient quelques fois, juste pour "le lien", pour la relation.


From: "sophie gamelin" <gamelin.sophie@wanadoo.fr>

Date: 11 juillet 2000

> Oui, ces moments sont précieux pour la relation mère-enfant, pour créer le
> lien.
> Mais oui, ils peuvent se rattraper. Je le crois fermement. Oh c'est sûr,
> pas à chaque fois, pas toujours. Mais dans una grande majorité des cas,
> oui.
> Je crois dans les capacités et compétences des enfants, des nouveaux-nés.
> Que souvent "il suffit" de les écouter et ils nous montrent la voie.

Oui, bien sûr, Maria-Luisa, je suis d'accord que l'on peut "réparer" une situation difficile. Et merci pour ton beau témoignage. L'Homme s'adapte a bien des situations difficiles. Tu remarqueras que j'ai mis entre guillemets "rattrapent" pour atténuer mon point de vue entier (!). Seulement, l'histoire que tu racontes, ce n'est encore une fois pas la majorité qui le vit. J'entends des mères qui se sont senties violées dans leur bulle, leur intimité, et qui en souffrent encore des années après. Dans un témoignage, une fois, c'etait même 20 ans. Et ce, même pour une séparation de quelques minutes pour la fameuse aspiration, le bain, la pesée et mesure, l'apgar...

Bien sûr, d'une blessure on peut faire une force. Mais avant, il y a tout un travail que beaucoup ne font pas. Alors, connaissant maintenant tout ce qu'on sait sur les liens, odeur, démarrage de l'allaitement, je bouillonne de constater (et d'avoir vécu -- sous le prétexte d'une "responsabilité médicale" --) que l'on n'écoute ni n'entend la demande parentale, que l'on ne respecte pas les premiers moments... Et toutefois, si le médecin exige de faire les soins au bébé, que ça se fasse sur le ventre de la mère! Ce que je soulignais aussi c'est que c'est sous le pretexte que "ça" se "rattrape" que toutes les mères et les bébés doivent y passer (par ce protocole), et ça, c'est inacceptable.

Personnellement, je suis toute retournée chaque fois que je repense à l'arrivée de Félicien pour qui je ne voulais pas que l'on fasse de bain. Il hurlait tout ce qu'il savait et moi je savais qu'il voulait ma peau, mes bras... et il est arrivé tout pomponné! En comparaison, Barthélémy, a été corps à corps pendant des heures avec moi et son père, et il sentait si bon. Pas de trace de sang, rien que sa peau douce. Et ce corps à corps sans aucune intervention est irremplacable, même s'il a lieu après. Pour Félicien, les gestes de câlins peau à peau ont mis très longtemps à bien se vivre. Maintenant, c'est même Barthélemy qui câline ses frères...

A bientôt.

Sophie


From: "Sylvie Francotte" <accouchement@chez.com>
Date: Thu, 3 Aug 2000 16:08:51 +0200

Re-bonjour,

Suite au témoignage de Delphine [...] j'ai eu envie de vous écrire quelques lignes sur les moments qui ont suivi la naissance de Joséphine. A lire comme un témoignage, une goutte de plus à votre grand moulin, pour qu'un jour les choses bougent, que les mamans et les bébés ne vivent plus jamais ça.

Sylvie Francotte

Namur, Belgique

http://www.chez.com/accouchement

Après la césarienne (sans mon mari, sans voir le bébé), je n'ai heureusement pas mis trop de temps pour être transportée auprès de Joséphine (quelques heures à peine). Quand les effets de l'anesthésie sont passés (je tremblais comme une feuille) et que j'ai pu la prendre sur moi, je l'ai immédiatement mise au sein. Malgré son petit poids (1kg200), moi, je sentais bien que c'était ce dont elle avait le plus besoin. Comme elle était dismature (c'est à dire presque à terme), elle était tout à fait capable de téter, ce qu'elle a fait avec avidité.

Mais je n'imaginais pas, loin de là, le tollé que j'allais provoquer au centre néo-natal. Les deux infirmières: "Mais Madame, vous êtes complètement folle", "C'est très dangeureux", "Vous ne pouvez pas faire ça". L'assistante pédiatre appelée en renfort: "Elle va faire une gastro-entérocolite", "Elle va avaler dans les poumons", "Elle va faire une fausse déglutition" , "Elle aura un anus artificiel toute sa vie". Les deux accoucheuses [sages-femmes] appelées en renfort (ça en faisait cinq à s'exciter autour de moi): "Allons Madame, il faut être raisonnable". Re-la pédiatre: "Vous voyez, son rythme cardiaque s'accélère" (pas étonnant avec leur raffut). Finalement, à cinq, elles m'ont arraché le bébé du sein et ont poussé mon lit vers la sortie. Pas un au revoir au bébé, qui hurlait, ainsi que toutes leurs alarmes.

On me pousse dans ma chambre à la maternité (3 étages plus bas) et là, une autre maman, très gentille du reste, et son bébé né il y a quelques heures. Les accoucheuses reviennent et, consciencieusement, lui expliquent comment mettre le bébé au sein. Lààà, c'est bien, ouuiii, ça y est, elle boit! Gloups, gloups. Bravo Madame!

A ce moment, j'ai touché le fond. L'abîme du désespoir. J'étais seule, et je réalisais ce qu'allaient être ces deux mois en couveuse. Je ne pourrai rien dire, rien faire. Mon bébé ne m'appartient plus. Je suis rendue inutile par leurs machines. Mon instinct ne sert à rien, il contredit leurs tables. Ils ont tous les droits et moi, aucun.

Vous voulez la suite? A deux heures, les deux accoucheuses se ramènent près de ma voisine. Je ne dors pas, on ne me jette pas un regard. Je demande à remonter près de mon bébé. Entre elles: "Pfff, elle ne va quand même pas se lever, avec sa césarienne!", "Tu te souviens de cette césar qui s'était levée le lendemain, pour qu'on fasse son lit?", "Ah oui, celle-là, c'était un cas". Je ne les écoute plus, je me suis tirée de toutes mes forces. Je suis assise sur mon lit. Je mets mes jambes sur le sol. Une accoucheuse me voit. "Mais vous êtes complètement folle, recouchez-vous immédiatement!". Pas facile, j'ai trop mal, mais je me recouche, sous les sermons (je reste polie). Je ne suis pas encore capable de me lever seule. J'essaie de les amadouer.

A 5 heures, elles ont compris. Elles reviennent me chercher et je peux enfin aller voir Joséphine, dans le calme, sous l'oeil furibard des infirmières du centre, mais je ne les vois même pas...

Lire la suite: l'histoire de l'allaitement de Joséphine en centre néonatal


From: L.R.
Date: Fri, 4 Aug 2000

[...]

Nous avons deux enfants, Kevin âgé de 4 ans et demi, et Kylian âgé de 3 ans. L'expérience que nous avons vécue, R. et moi, lors de la naissance de ce deuxième enfant, est assez traumatisante et révélatrice d'une certaine pratique hospitalière. C'est ce vécu qui nous poussent tous deux, chacun à sa manière, à nous battre pour une naissance différente.

La grossesse s'est passée relativement bien jusqu'à la 35e semaine où l'on a détecté des traces d'albumine dans mes urines. A peu près à cette époque, nous avions pris contact avec Jean-Claude Verduyckt en vue, peut-être pas d'une naissance à domicile, mais certainement d'un retour rapide à la maison avec surveillance d'une sage-femme libérale. Jean-Claude est donc venu régulièrement chaque semaine voir comment se déroulait la fin de ma grossesse. Lors de l'une de ses visites, il s'est avéré que ma tension augmentait sensiblement et que les taux d'albumine dans mes urines augmentaient aussi. Après plusieurs contrôles quotidiens, les tendances précédentes se confirmant, Jean-Claude nous conseille de nous rendre à l'hôpital. Et c'est là que tout s'est précipité.

A l'hôpital, le monitoring était normal, mais le doppler montrait que le placenta commençait à "s'essoufler". Vus les paramètres mauvais en ce qui concernait ma tension et l'albumine, le gynécologue de garde décide de me garder en observation quelques jours. Le lendemain et les deux jours suivants, les paramètres s'aggravent et les infirmières de maternité commencent à paniquer et à me dire qu'il "serait temps que j'accouche"!!!!! Le lendemain mardi après-midi (37 semaines pile de grossesse), je commence à ressentir quelques contractions et commence également à avoir quelques pertes de sang qui vont en s'aggravant les heures qui suivent. Les infirmières appellent régulièrement mon gynécologue, qui trop occupé, envoie tout aussi systématiquement son assistant me "visiter". Lors de chacune de ces visites, et malgré que je lui faisais part de mes angoisses et de ma sensation que quelque chose n'allait pas, l'assistant m'affirme que le travail n'est pas commencé: "Vous savez madame, si on commençait à croire toutes les mama italiennes qui viennent beugler pour quelques fausses contractions..." (texto), que je ferais bien de me calmer et puis: "Tenez, on va vous donner un buscopan compositum, ca va arrêter vos contractions".

Ce buscopan, je ne l'ai jamais pris, car je savais au fond de moi que quelque chose se passait mal. Et la suite va donner raison à mon intuition.

Quelques heures et quelques hémorragies plus tard, le gynécologue-assistant se décide enfin à m'envoyer en salle de travail, puisque finalement j'avais quatre centimètres d'ouverture. En salle de travail, on m'installe une perf pour accélérer le travail et pendant qu'on y est (sic), une péridurale pour que je supporte les contractions. Après quatre heures dans cet état (avec des nausées en prime puisque j'avais mangé normalement la journée), et après que j'aie appelé l'accoucheuse plusieurs fois en m'inquiétant parce que le monitoring montrait que le coeur de Kylian avoisinait souvent le 0 (celle-ci venait en râlant parce que, disait-elle, je l'appelais pour rien), le gynécologue (le mien) détecte une souffrance foetale et une mauvaise position du bébé. Il décide donc enfin de pratiquer une césarienne en urgence. Là dessus, tout le monde commence à courir dans les couloirs avec moi sur un brancard pour m'emmener le plus vite possible en salle d'opération. Durant le trajet, l'anesthésiste me remet une dose plus forte de péridurale afin que je puisse avoir une césarienne en étant éveillée. Manque de bol, arrivée en salle d'op, le gynéco décide que c'est trop tard et ordonne une anesthésie totale tout en renvoyant R. en dehors de la salle. Juste avant qu'ils me mettent le masque, je dis au gynéco: "Si vous devez choisir entre moi et l'enfant, sauvez l'enfant". Celui-ci me répond: "Il n'est pas question de ça", et puis le trou noir.

A mon réveil en salle de réveil, je demande à l'infirmière ce qu'il est advenu de mon bébé, et où était mon mari. Elle me répond juste que l'enfant est en néonat et que R. se trouve auprès de lui (il est alors près de minuit quand R. vient me retrouver en salle de réveil). Le lendemain matin, et après un harcèlement de ma part , j'apprends enfin pourquoi mon bébé est en néonat: 1) j'avais fait une pré-éclampsie et l'enfant ne respirait pas à la naissance. Ils faisaient des examens pour vérifier que le cerveau n'était pas atteint... joyeux!! 2) mon gynéco vient me trouver en râlant et en me demandant de ne plus "jamais lui faire ça": j'avais fait une sérieuse hémorragie utérine... si on avait attendu ne serait-ce qu'une demi heure de plus pour faire la césarienne, l'enfant était mort et il est probable que je serais morte aussi de l'hémorragie (ce sont ses propres paroles). Je laisse à votre appréciation la distinction entre le savoir médical et l'intuition d'une mère!

Et ce n'est pas tout:

Durant toute la matinée, je réclame une chaise roulante pour pouvoir aller voir mon enfant. R. avait fait la navette toute la nuit et toute la matinée entre moi et Kylian, et avait filmé ce dernier afin que je le voie à la caméra mais ça ne me suffisait pas. Le gynéco refuse, arguant que je suis trop fatiguée (pas étonnant avec les doses d'anesthésiants que j'avais reçues) et que "ce n'est pas raisonnable après une césarienne, après-tout, cet enfant, vous aurez toute la vie pour le voir"!!!! De plus, il n'y a pas de chaise roulante dans le service. Après cette entrevue, nous décidons, R. et moi, de passer outre à l'avis du gynéco. R. part aux urgences "piquer" une chaise roulante, m'aide à monter dedans, et en route pour la néonat. Quel bonheur de pouvoir enfin serrer mon enfant dans mes bras. L'accueil des infirmières dans ce service fut impeccable durant tout le temps que Kylian est resté là-bas (au total, 5 jours). J'ai pu l'allaiter à la demande et m'occuper de lui tout mon saoûl. Dès qu'il est sorti de néonat, nous expliquons au gynéco mon désir de rentrer chez moi, le grand (Kevin) vit mal mon départ, l'arrivée de son frère, et puis je voulais retrouver mon foyer. Malgré l'assurance que j'allais être suivie par Jean-Claude, le gynéco me refuse la sortie arguant que je risquais de faire une embolie pulmonaire!!!!! Je décide alors de téléphoner à Jean-Claude pour confirmation de ce diagnostic. Après concertation avec lui, nous décidons R. et moi de signer une décharge...

Inutile de vous dire que je suis sortie en courant de l'hôpital. Par la suite, je suis retournée voir mon gynéco et je lui ai annoncé que je changeais de gynéco, n'ayant plus aucune confiance en lui. En effet, nous estimons, R. et moi, qu'il y a eu quelques lacunes dans mon suivi médical. De ce vécu, j'en suis sortie traumatisée par cette expérience de mort. R. lui, se sent coupable de ne pas avoir été plus présent et de ne pas avoir imposé (le pouvait-il à l'époque?) ses desiderata à l'équipe médicale. Nous avons traversé une grave crise de couple après cet événement et il m'a fallu six mois de psychanalyse pour que le traumatisme s'atténue. J'en voulais à la terre entière, et plus particulièrement à mon mari et à ma famille, de m'avoir laissée tomber ce jour-là, et par la suite de n'avoir pas compris ma détresse. J'étais censée fonctionner comme si de rien n'était, puisque l'enfant et moi étions vivants.

Voici mon témoignage, je ne souhaite à aucune femme de vivre une expérience si traumatisante, et c'est la raison pour laquelle je souhaite être active dans tout mouvement visant un changement dans la façon de vivre la grossesse et la naissance.

Amicalement

L.


De: Mathieu et Paloma [SMTP:turgeoma@colba.net]
Date: vendredi 28 avril 2000 04:18

Bonjour,

La description de la césarienne "en douce" m'a fait beaucoup réagir. Je suis née par césarienne comme ma soeur. Je suis d'origine brésilienne, et comme vous le savez tous le taux de césariennes, au Brésil, est inacceptable. Il y a aussi des gens comme nous là bas qui se battent pour changer ça, j'en connais quelques unes.

Je ne veux pas parler de statistiques ni de raisons de danger évoquées pour sauver la vie des gens, je laisse ça aux experts. Je veux vous parler du vécu. Du vécu du bébé, parce qu'on entend rarement le côté des bébés. Parce, que paisiblement, au cours d'un exercice guidé, j'ai retrouvé mes mémoires de naissance. Nous les avons tous avec nous, ces mémoires, ce n'est rien d'extraordinaire ni d'extraterrestre que de les rencontrer, pas besoin d'être adepte du New Age: je ne le suis pas. Je pense qu'on appelle ça le rebirth (pas sûre). La personne qui m'a guidée était une amie de ma mère (ironie du destin) et je ne savais pas qu'elle faisait ça. Je me suis laissée entrer dans l'exercice sans savoir ce que ça donnerait et j'ai été tellement surprise de la facilité avec laquelle le tout a remonté.

La personne ne faisait rien, à part me poser des questions du genre: "Où es-tu? Que sens-tu? Quelle couleur vois-tu?" Et je décrivais tout avec une clarté de ressenti incroyable.

Savez-vous quel est la sensation d'un enfant né par césarienne? La terreur, la peur, la rage, l'incompréhension. Ensuite, lors de la rencontre avec la mère vient le calme, le connu, mais le stress continue parce qu'il y a d'autres séparations forcées. La personne qui m'a guidée dans mon "voyage" m'a confié que tous les gens nés par cesarienne qu'elle a guidés éprouvent ces sentiments. Je ne suis pas sûre que le milieu hospitalier, pour le plus doux que soient les soignants, soit un milieu adapté pour accueillir un bébé, encore moins une salle d'opérations. Cela dit, mon but n'est pas de culpabiliser qui que ce soit, je suis sûre que tout le monde essaye de faire son mieux. Je voulais juste vous faire part de ma réaction suite à ma lecture, et aussi parler du côté des bébés (j'aime bien la poésie de Leboyer pour ça).

Amicalement

Paloma


De: Mathieu et Paloma [SMTP:turgeoma@colba.net]
Date: vendredi 28 avril 2000 17:52

Francoise BARDES a écrit :

>L'autre jour j'avais une césarienne itérative, ça veut dire que elle
>est prévue d'avance pour des raisons de bassin siège,...

Paloma écrit:

Merci, Françoise, de vos idées à ce sujet.

Vous voulez dire qu'on a décidé à l'avance si le bébé méritait ou non une chance de venir au monde naturellement? Ca me fait beaucoup réagir ça! Les césariennes itératives sont pour moi le summum du non-sens (-: contraire de bon sens :-)

Françoise écrit:

> Bref, cette césarienne m'a beaucoup impressionnée dans ce
> sens que ce bébé semblait inconsolable. J'avais beau
> essayer que son père lui parle, le tienne, il hurlait
> affreusement. Aujourd'hui je ne me souviens pas de ce qui
> a été le mieux pour le calmer... Après il était entre ses
> parents et ça allait mieux, mais vraiment il hurlait: de
> peur? de rage?

Paloma écrit:

Son attitude découle de la violence qu'on lui a fait. Vous savez, un bébé né par césarienne se sent arraché, seul. D'autant plus quand on décide aléatoirement de le faire sortir à une date X. Il devait se sentir desespéré ce bébé là. Comme j'ai déja dit, pour le plus gentils que soient les gens qui l'accueillent, l'atmosphere d'une salle de chirurgie est tout sauf gentille, et le bébé sent cela. Il sent aussi le stress avant qu'on l'enlève du ventre de sa mère. Il sent qu'on vient le chercher, il ne veut pas et il n'y peut rien, il se sent donc très impuissant. C'est peut-être pour ça que vous avez senti la rage chez ce bébé. Oui, la meilleure chose à faire est de le donner à sa mère le plus vite possible. Mais quand elle est sous anesthésie, ou en train d'en subir les effets secondaires, ou encore qu'on décide qu'il vaut mieux peser le bébé tout de suite...

Françoise écrit:

> Quand je dis que ça va c'est par rapport au témoignage
> affreux, sous entendu derrière le contre-témoignage du
> médecin. Je crois que les femmes ont très peur avant la
> césarienne, même si elle est prévue (quoique parfois elles
> sont assez confiantes si elles ont déja eu une
> césarienne). Mais il me semble que l'horreur décrite
> sûrement se vit (pour les mères) mais pas à toutes les
> césariennes!

Paloma écrit:

Oui, je pense que le médecin et la femme le vivent tout à fait différement. Ce qui m'a dérangée dans le témoignage du médecin, c'est un genre de banalisation de la césarienne. "Mais non, les aiguilles sont faites de matériel souple, mais non on n'attache pas la mère, etc..." Laissant sous-entendre quasiment que l'horreur vécue par les femmes est sans fondement. Il faut être sincère et prendre la césarienne pour ce qu'elle est réellement: une intervention chirurgicale majeure. Il ne faut pas banaliser ça, mais pas le dramatiser non plus. Juste regarder la réalite en face. Il ne faut pas s'attendre à ce que quelqu'un qui a subi une chirurgie majeure de l'abdomen (arrêtons d'appeler ça "césarienne") en garde un excellent souvenir juste parce que son bébé est là. Pourquoi la plupart des hôpitaux ont un taux de césariennes entre 15 et 30% alors que dans beaucoup de cliniques ou des pratiques à domicile avec des s-f ce taux est de 1 a 3%? Je me demande sincèrement si les femmes doivent subir autant de chirurgie et les bébés autant de traumatismes.

Bien amicalement

Paloma


From: Florence Peterschmitt <flojac@club-internet.fr>
Sent: Wednesday, September 13, 2000 9:15 PM

Bonjour à tous,

J'ai été confrontée à la dure réalité de la césarienne pour mon premier enfant. Rien ne m'y préparait, et pour cause ! La grossesse s'était très bien passée, tout se présentait le plus normalement du monde, de quoi rassurer la primipare que j'étais! Je m'intéressais à l'époque à la lecture de livres comme ceux de Leboyer, je sentais bien dans le processus de la naissance quelque chose de fondamental, de profondément naturel, mais je ne trouvais pas le courage ou la volonté nécessaire pour chercher plus loin, pour déterminer comment je voulais vivre cette naissance.

Trois semaines avant le terme, je passe une nuit blanche, avec beaucoup de contractions. Je ne m'affole pas, mais je profite d'une visite à la maternité le lendemain pour un cours de préparation à l'accouchement pour demander conseil à la sage-femme. Celle-ci me propose un monitoring, et après quelques minutes, alors que les contractions se sont raréfiées par rapport à ce qu'elles étaient la nuit pécédentes, m'annonce que l'accouchement est en cours. Vite, vite, en salle de préparation, on appelle mon mari, vite vite en salle d'accouchement, je voulais une péridurale et l'anesthésiste est là, alors pourquoi ne pas en profiter ?

La péridurale est posée, moi je me demande ce qui m'arrive, je n'ai rien préparé, pas de valise, rien, et on me dit que ça doit arriver. Et on attend. Les heures passent, et rien. Le col, peu ouvert, ne bouge pas. Alors on perce la poche des eaux pour accélérer le mouvement. Toujours rien. Alors on met des produits, encore des produits, on change de produit. Et rien. Alors au bout de 8 heures environ, on me dit que vraiment on est désolé, mais il faut faire une césarienne. Etant donné que la poche des eaux a été percée, on ne peut plus attendre... Moi je suis fatiguée, je n'ai qu'une idée c'est qu'on en finisse !

Durant tout ce processus enclenché malgré lui, je suis spectatrice, mon mari aussi. On ne sait pas, c'est la première fois. Est-ce qu'on aurait pu intervenir, s'interposer? Sûrement, mais on ne savait pas. Sur le moment, je préfère me ranger aux dires du gynéco, se félicitant que la mère et l'enfant vont bien, après tout, n'est-ce pas ça le plus important ? Moi il me faut combler cette avance, apprivoiser ce bébé venu alors que je n'étais pas encore prête. Ce n'est pas facile, l'allaitement tant souhaité n'arrive pas à démarrer, alors après des essais infructueux et du désespoir j'abandonne.

Je veux oublier cette naissance, ne pas trop me poser de questions et me concentrer sur la relation avec ma fille. Plus tard, un an après, les questions reviennent, les contradictions se font jour dans mon esprit : pourquoi ce bébé qui vient en avance (3 semaines, ce n'est pas rien) doit-on aller le chercher parce qu'il ne vient pas ? On me dit que j'accouche et on me remplit de produits comme si on voulait provoquer l'accouchement ? Et les contractions ? Je ne pense pas avoir ressenti ces contractions qu'on dit si douloureuses.

Lorsqu'il est question pour mon mari et moi d'avoir un autre enfant, je sais que les choses seront différentes. Les événements vécus précédemment auront au moins eu ça de bon qu'ils vont me déterminer à choisir la manière dont je voudrais accoucher.

La lecture d'un livre fera le reste. Il s'agit de témoignages de personnes ayant accouché à la maternité de Pithiviers avec Michel Odent. Je suis frappée et émue de cette lecture. C'est ça que je veux : accoucher le plus naturellement du monde, laisser parler le corps et faire confiance au bébé dans le rôle qu'il joue dans la naissance. Alors j'écris à droite et à gauche pour savoir où je peux accoucher dans ma région avec un tel projet. Je rencontre un gynécologue réputé pour son approche naturelle de la naissance, et je m'entends dire qu'étant donné l'antécédent de césarienne, je ne pourrai accoucher que sur table gynécologique. La salle de naissance, ça n'est pas pour moi. Cette entrevue m'a fait douter et surtout m'a mise en colère. Non seulement on m'impose une césarienne que j'estime après coup inutile, mais encore cela m'empêcherait de vivre mes accouchements suivants naturellement!

L'accouchement par voie basse, ça oui, on me dit que ça ne devrait pas poser de problèmes, mais sous surveillance médicale. Là j'entre en contact avec des sages-femmes pratiquant les accouchements à domicile. On m'accueille simplement. On écoute mon histoire, mais rien ne paraît poser de problèmes. On m'assure que si problème il y a, de toute façon on ne prend pas de risque, ce sera l'accouchement à l'hôpital. Ce n'était pas mon projet de départ d'accoucher à la maison, mais là je pouvais être assurée d'accoucher de la manière dont je le souhaitais. Alors on a foncé, mon mari et moi.

La préparation à l'accouchement a été fantastique. Je n'avais aucune appréhension, j'avais totalement confiance dans l'expérience et le professionnalisme de ces sages-femmes. Et nous n'avons pas été déçus! Le bébé est arrivé avec une semaine d'avance. Tout était prêt. Nous, les parents, étions prêts, préparés psychologiquement et physiologiquement par les sages-femmes.

L'accouchement a été long, douloureux, ponctué de quelques difficultés dont je n'ai pas eu conscience sur le moment (le col n'arrivait pas à s'effacer totalement, le bébé n'arrivait pas à descendre). J'étais dans ma sphère, toute à mon travail d'accouchement. Et le savoir-faire de la sage-femme a effacé les difficultés. J'ai été déchiré, ça c'est très douloureux et handicapant pendant quelques jours mais quelle joie d'avoir vécu cet accouchement, d'accueillir ce bébé dans le calme, la tranquillité. Je n'ai pas eu peur, c'est arrivé naturellement, sans stress, ça coulait de source! Quelle paix!

Je souhaite à toute femme ayant vécu une césarienne, avec toutes les difficultés que cela entraîne, de mettre au monde elle-même son bébé, de connaître cette sérénité. A la maison ou dans un n'importe quel autre lieu où l'entourage pourra être suffisamment aimant et disponible pour que cela se passe ainsi.

Florence Peterschmitt


Pas de douleur. Pas de souffrance ?
Maria-Luisa Batista <marisabau@skynet.be>


From: Stéphanie et Arnaud Constant <fanny_arnaud@yahoo.fr>
Date: 21 mars 2001

Jules aura 16 mois demain.

Arnaud et moi avions choisi de faire de l'haptonomie avec une sage femme de notre quartier. Elle nous avait conseillé d'essayer de se faire un peu entendre pour pouvoir bouger pendant le travail et garder le bébé le plus longtemps possible sur mon ventre. Ce n'est que vers la fin de ma grossesse que j'ai commencé à entrevoir que mon accouchement risquait d'être un peu trop médicalisé à mon goût dans la « bonne clinique parisienne » où j'étais inscrite sur les conseils de ma gynéco.

J'ai perdu les eaux dans mon lit (une de mes grandes joies rétrospectivement : cette naissance n'a pas été provoquée). Je suis arrivée à la clinique dans un état de joie intense à l'idée d'accoucher, pas seulement d'avoir un bébé, mais aussi de vivre cette expérience très forte.

Mon bébé était en siège, non diagnostiqué. C'était probablement un détail pour ce médecin pressé qui a d'ailleurs menti devant le reste de l'équipe, disant que nous avions rendez-vous le lendemain pour une radio du bassin, ce qui n'avait jamais été prévu.

Tout s'est enchaîné très vite : péridurale, séparation d'avec Arnaud qui ne pouvait pas être dans la salle d'opération, sans même nous laisser le temps d'échanger un regard, césarienne.

On en m'a pas laissé toucher mon bébé. Je l'ai vu une fraction de seconde la tête en bas avant qu'on remette le champ. Le temps d'un flash, je l'ai trouvé magnifique.

Le pédiatre me l'a amené plus tard, il est resté environ 30 secondes, et je n'ai rien pu faire puisque j'avais les mains attachées. Nos joues se sont frôlées.

Puis j'ai été très seule et ça a duré une heure pendant laquelle deux chirurgiens me recousaient derrière le champ en discutant de chose et d'autre, personne d'autre n'étant là pour me parler car il y avait beaucoup d'accouchements en même temps.

Je n'ai jamais eu peur pour mon bébé, ni pour moi, mais j'étais désemparée d'être séparée de lui, je ressentais un manque très fort et j'étais sûre qu'il ressentait le même.

Pendant ce temps, Jules avait été emmené, testé et déclaré conforme, puis nettoyé avant que qui que ce soit ne daigne aller chercher Arnaud qui attendait seul dans le couloir.

Jules a été mis en couveuse. « C'est la procédure. » Pendant les premières minutes dans cette boîte, il a écouté Arnaud lui parler puis il s'est laissé aller à sa peur et son dégoût devant cet accueil, et il a pleuré.

On m'a enfin sortie de la salle d'opération pour la salle réveil. Pendant deux heures nous avons pleuré tous les deux côte à côte, et je suppliais la bonne soeur de me le donner. Mais il risquait de prendre froid. Bien sûr, un bébé de 3,7 kg à terme et en parfaite santé, risque de prendre froid contre la peau de sa maman, c'est si évident... La bonne soeur a profité de l'absence momentanée d'Arnaud pour me menacer « ce n'est pas la peine de pleurer, on ne vous le donnera pas ».

Après deux heures d'attente, elle l'a habillé et nous avons enfin pu nous toucher. Je voulais le mettre au sein tranquillement en lui laissant le temps. Elle lui a collé la tête contre moi violemment. Heureusement, Jules a choisi de laisser de côté sa peur et d'oublier l'environnement hostile dans lequel nous nous trouvions pour téter avec toute sa compétence de nouveau né.

Jules est né à 7 heures du matin, j'ai donc eu la journée pour faire le deuil de mon autonomie et pour comprendre que je n'avais pas le choix : Jules allait devoir affronter sans moi, à la nurserie, sa première nuit. Je ne pouvais pas le changer, ne pouvant pas me lever ,et Arnaud n'avait pas le droit de rester avec nous cette nuit là. Comment une chose pareille peut-elle simplement être possible, pas le droit de rester avec nous. « Mais ma petite dame, il faut vous reposer ». Et quand un bébé est à la nurserie c'est pour toute la nuit. Ça aussi c'est la procédure. On ne vous l'apporte pas pour que vous puissiez allaiter.

Jules a donc pleuré des heures à la nurserie cette nuit là, et moi dès 5 h du matin je l'ai réclamé, dès que le somnifère a cessé de faire effet. On lui a donné un troisième biberon alors que j'étais éveillés et le réclamais depuis plus d'une heure. « Pour vous laisser le temps de vous reposer encore un peu ».

Dès le lendemain, je me suis levée pour prouver que je n'étais pas une malade, que j'étais une personne à part entière qui pouvait décider et s'occuper de son bébé. Mais je n'ai dormi qu'une dizaine d'heures en six jours, totalement choquée par cette naissance et cette contrainte si forte contre mon indépendance et ma liberté de choix dans ce moment essentiel de nos vies.

J'ai allaité 5 mois et j'ai eu beaucoup de mal à arrêter. Je suis toujours très en colère. Je veux me battre contre tout cela. Je ne sais pas encore où est ma place mais j'y pense beaucoup, je vais trouver.

Je n'ai allaité Jules que 5 mois, n'ayant aucun exemple autour de moi d'allaitement plus long. Je ne pensais même pas que cela était possible. Je me suis fait violence pour arrêter, comme si c'était inconvenant de continuer. Cela nous a fait du mal à tous les deux. Je pense vraiment que l'allaitement réparait les blessures de cette naissance qui a rendu très difficile pour nous deux l'établissement de liens. Mais il aurait fallu plus de temps. Après l'arrêt de l'allaitement, je me suis rendue compte progressivement que quelque chose n'allait pas entre nous, que je ne me sentais pas facilement sa maman, que je fuyais les moments de solitude avec lui, m'en remettant beaucoup à Arnaud (ils en ont gagné une relation très forte tous les deux). La prise de conscience de cela et le temps passé avec lui a aidé à apaiser et à créer des relations plus fortes, mais je regretterai toujours cet allaitement écourté par ignorance, par souci du regard des autres et manque d'écoute de mes besoins profonds et des siens.

Stéphanie C.

[Lire aussi: la naissance de Bertille et la naissance de Lucile]


Date: Thu, 13 Jun 2002
Subject: La naissance de Mathieu
From: F.B.

Bonjour,

Après avoir lu quelques uns des nombreux témoignages de césarienne sur ce site, je souhaite vivement vous confier la manière dont s'est déroulée la naissance de Mathieu.

A la seconde échographie (courant été 2001, j'étais alors enceine de 4 mois) on m'a indiqué que j'avais un placenta praevia (inséré bas) ce qui est rare apparemment. Je n'avais jamais entendu parler de cela. C'est ma première grossesse. J'ai 27 ans.

J'ai eu un premier arrêt de travail courant septembre qui s'est finalement prolongé jusqu'à mon congé maternité car le médecin craignait une hémorragie.

Le placenta praevia, comme me l'a indiqué mon médecin a empêché bébé de tourner, et à la toute dernière échographie, en voyant le périmètre crânien de Mathieu, mon médecin m'a dit qu'il ne me laissait pas le choix. Il a, après 30 ans de métier, l'habitude des accouchements par siège mais le problème était vraiment celui du placenta et de la taille du périmètre cranien (39,5).

J'ai donc fait très difficilement "mon deuil" de pouvoir accoucher normalement pour ce bébé. Je "rêvais" pourtant comme toutes les futures mamans de pouvoir accoucher normalement, par voie basse.

A partir de ce moment mes proches m'ont dit "oh! de toute façon maintenant les médecins font cela très bien, on voit son bébé tout de suite, on est pas endormi ... etc".

Ce qui a été très dur est de se dire que je n'étais pas du tout actrice moi-même de la naissance de mon fils. La nature nous a fait pour que nous puissions accoucher par voie naturelle, et voici que pour moi cela était différent!

Le 20 décembre, le grand jour était arrivé.

Moi, je ne pensais qu'à une seule chose, mon bébé allait arriver, peu importe la douleur qui allait suivre, la fatique, ... et surtout ce que je voulais vraiment, ce qui m'importait étaient les premières secondes de sa vie, pouvoir le voir, le sentir, le toucher, encore tout chaud ..

Quand je suis arrivée la clinique on m'a tout de suite mis la perfusion, puis une heure après la péridurale (difficilement j'étais un peu tendue, très émotive). Les infirmiers et l'anesthésiste m'aidaient beaucoup, ils étaient très attentifs, ils ont mis de la musique durant la pose de la péridurale pour me calmer, ils m'ont beaucoup parlé.

Puis je suis allée en salle pour la césarienne. Là, le produit a fait effet et ils m'ont mis un masque à oxygène. Pendant quelques minutes, j'étais bien consciente, je m'en souviens.

Au bout d'un moment, j'ai eu très mal, j'ai lutté quelques instants pour ne pas le dire, j'ai serré les dents, puis ils l'ont senti et en parallèle j'ai dit "j'ai mal".

Puis plus rien d'un coup.

Comme endormie.

Pourtant j'avais les yeux ouverts, je luttais pour les garder ouverts. Mais je ne voyais rien. J'étais "dans les vappes". Un grand trou noir, puis je me suis "réveillée".

Le médecin était en train de me recoudre, j'ai compris quand il m'a dit que j'avais un beau bébé que Mathieu était déjà sorti, qu'il était né sans moi ni son père à ses côtés (mon mari n'a pas pu assister) pendant les premières minutes de sa vie. Je n'ai pas pu le prendre contre mon ventre pour les premiers instants de sa vie, ni le voir.

Et là j'ai pleuré, j'ai réclamé à voir mon bébé. Ils m'y ont amené quelques minutes après.

Mathieu était dans sa couveuse, un beau bébé, tout propre, nettoyé, dans sa petite couche, en train de dormir en suçant son pouce. Je continuais à pleurer, de joie bien sûr, mais aussi de "douleur" car j'ai eu l'impression à cet instant qu'il était comme "tombé du ciel". Etait-ce vraiment le mien ?

Bien sûr, mais je n'ai rien vu. Rien senti, rien entendu.

Le médecin m'a dit qu'il avait pleuré tout de suite. Je n'entends aucun cri de nouveau-né pourtant.

J'ai tout râté de sa naissance.

L'accouchement, ce n'est pas moi. Je n'ai rien vu. Je n'ai pas senti, pas touché mon bébé.

Le cordon était coupé.

Le soir, j'ai eu une visite -par hasard ?- de la sage femme qui avait assisté à la césarienne. J'ai voulu lui confier que je n'avais rien vu. Pour moi, on ne m'avait pas montré mon bébé à sa sortie de mon ventre.

"Mais si, on vous l'a montré. Vous aviez les yeux ouverts, mais vous étiez très indifférente".

Indifférente, moi ??

Moi qui ai rêvé cet instant pendant 8 mois et demi ?

Comment a-t-elle pu dire cela ?

Bien sûr depuis, je profite de mon beau bébé qui a maintenant bientôt 6 mois. Il est en bonne santé, adorable, rieur ... Nous formons une famille très unie avec son papa. Nous sommes heureux.

Mais moi, j'ai perdu 20 minutes, LES 20 PREMIERES MINUTES DE SA VIE ...

Répondez-moi s'il vous plaît. Cela me fait beaucoup de bien d'en parler mais j'ai besoin de soutien.

Je n'en ai parlé qu'à ma mère et à mon mari, de cette blessure.

Ils me disent tous les deux que j'ai de la chance d'avoir un beau bébé, en bonne santé.

C'est vrai bien sûr mais moi, il me reste cette cicatrice (physique bien sûr mais surtout INTERIEURE). J'ai râté la naissance de mon fils!

J'ai 27 ans, avec mon mari nous avons toujours rêvé avoir beaucoup d'enfants. Maintenant, j'ai peur de l'accouchement suivant. Que tout recommence (pourtant cela est dû au placenta, pas à un bassin trop étroit ou à un problème de dilatation ...).

Je ne veux plus revivre cela ...

Merci de votre soutien!


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