Les « risques » de l'accouchement à domicile

From: "Jean-Claude Verduyckt" <jeanclaude.verduyckt@swing.be>
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Date: Sat, 24 Feb 2001 00:07:29 +0100

Madame Dorothée Klein, journaliste, avait entièrement raison en écrivant dans son article « Accoucher sans douleur, vraiment ? » dans « Le Vif, l'Express » du 23-02-01 : « (Ou) que certaines décident de mettre leur enfant au monde à la maison, avec tous les risques que cela peut comporter (?) »

En effet, ces femmes-là prennent le risque de ne pas être déclenchées artificiellement (chimiquement ou mécaniquement), celui de ne pas être anesthésiées, de ne pas être conforme à la norme, et de ne pas connaître l'iatrogénie de tout acte technique.

Elles prennent le risque de ne pas être « visitées » dans leur intimité par les doigts d'un(e) inconnu(e). Elles prennent le risque de ne pas être perfusées, et donc de ne pas être reliées par leur veine à la matrice hospitalière. De ne pas être interdites d'alimentation et de boissons énergétiques. Elles prennent le risque de ne pas avoir l'entre-jambes rasé, ni le rectum vidé par un produit irritant, et de ne pas être stériles comme l'exige toute opération chirurgicale. Elles prennent le risque de n'être infectées que par les germes que son organisme connaît, et, honte sur elles, car elles ne contribueront pas à la dissémination des germes résistants aux antibiotiques.

Elles prennent le risque de pouvoir bouger comme elles le souhaitent et de prendre la position que leur corps et leur psychisme leur proposent ou leur imposent. Elles ne seront impudiquement ouvertes qu'aux seuls regards de leur compagnon et de leurs éventuels enfants. Elles obligeront ainsi leur sage-femme à s'agenouiller par terre ; cet inconfort et le sentiment d'infériorité qu'il ou elle ressentira risque de la rendre moins compétent(e). Elles prennent le risque de ne pas bénéficier de la porte qui s'ouvre subitement pour aérer la pièce. Elles prennent le risque de ne pas être assistées par tout le village, et de devoir se passer des conseils et des encouragements de personnes qu'elles n'ont jamais vues auparavent. Elles prennent aussi le risque de devoir, bestialement, uriner comme elles le font habituellement, et donc de ne pas être sondées par une main experte. Elles prennent le risque de pouvoir toucher elle-même leur sexe avec leur mains sales, et de devoir masser elles-mêmes leurs chairs à la place de mains gantées.

Elles prennent le risque de pouvoir prendre leur temps, de ne pas entendre quelqu'un leur intimer l'ordre de pousser comme cela est décrit dans tous les bons manuels. Elles prennent le risque de ne sentir que par elles-mêmes le moment opportun et l'unique manière de se joindre aux efforts réflexes de leur corps et de celui de leur bébé pour naître. Elles prennent le risque de ne pas se conformer à l'ordre établi, et de n'être en phase qu'avec la singularité de leur histoire et de leur être.

Elles prennent le risque de ne pas bénéficier d'une épisiotomie, de ne pas porter la marque indélébile d'un professionnel, d'avoir un périnée intact et de ne pas pouvoir utiliser les glaçons et autres bouées, de ne pas se plaindre d'avoir encore mal plusieurs semaines après l'accouchement, et de ne pas souffir de dyspareunie durant l'année qui suit.

Et comble de l'horreur, elles prennent le risque de porter à vie la responsabilité d'un bébé qui n'aura pas bénéficié de piqûre dans la fesse, de liquide brûlant dans les yeux, de prise de sang dans le talon ou dans la main, d'un tuyau dans les bronches, d'un thermomètre dans l'anus... Elles prennent le risque de devoir rester avec leur bébé continuellement contre elles, de ne pas être réveillées si elles devaient s'endormir dans les heures qui suivent l'accouchement.

Elles prennent le risque de voir devant elles le sourire leur compagnon, d'être intimement touchées par cet homme qu'elles connaissent trop bien. Et eux, ces hommes, prennent le risque de servir à quelque chose, de ne pas pouvoir démissionner, de ne pas pouvoir se soumettre à une autorité, de pouvoir quitter la pièce sans devoir s'excuser, de pouvoir se coucher près de leur femme, de devoir s'endormir dans son lit près d'elle et de son bébé comme ils doivent le faire depuis tant de temps.

Ces femmes-là, en effet, prennent le risque de s'estimer et de ne pas pouvoir aduler et remercier le ou la spécialiste qui aurait accouché à sa place. Mais heureusement, cette barbarie n'arrive qu'à une demi femme sur cent !

Ou, autrement dit, pourquoi faut-il toujours lier la notion de risque à l'accouchement à domicile ? Sans jamais préciser combien de risques sont évités par rapport à ceux créés par l'environnement hospitalier !

Jean-Claude


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