Source de cette page: <http://naissance.ws/docs/wiegers/>
(T A Wiegers, M J N C Keirse, J van der Zee, &
G A H Berghs)
British Medical Journal, 1996; 313: 1309-1313.
Version intégrale:
<http://www.bmj.com/cgi/content/full/313/7068/1309>
Objectif: Etudier la relation entre le lieu d'accouchement décidé à l'avance (domicile ou hôpital) et les résultats périnataux pour des grossesses à bas risque, avec vérification de la parité des données et de l'environnement social, médical et obstétrical.
Méthode: Analyse des données statistiques des sages-femmes et de leur clientèle.
Echantillon: 54 cabinets de sages-femmes de la province de Gelderland aux Pays-Bas.
Population: 97 sages-femmes et 1836 femmes avec grossesse à faible risque qui avaient décidé d'accoucher à domicile ou à l'hôpital.
Principaux résultats analysés: Indice des résultats périnataux sur la base d'un "résultat maximal avec intervention minimale" comprenant 22 critères relatifs à l'accouchement, 9 à l'état de santé du nouveau-né et 5 à l'état de santé de la mère après la naissance.
Résultats: Il n'y a pas de relation entre le lieu d'accouchement projeté et le résultat périnatal pour les femmes primipares si l'on tient compte de l'environnement plus ou moins favorable. En ce qui concerne les multipares, les résultats périnataux sont nettement meilleurs pour des naissances planifiées à domicile que pour des naissances planifiées à l'hôpital, que l'on tienne compte ou non des variables d'environnement.
Conclusions: Les résultats des accouchements planifiés à domicile sont au moins aussi bons que ceux des accouchements planifiés à l'hôpital pour les femmes ayant des grossesses à faible risque assistées par des sages-femmes aux Pays-Bas.
In the Dutch maternity care system midwives are qualified to provide independent care for women with uncomplicated pregnancies.12 They also identify and select the women who, because of existing or anticipated problems, require care from an obstetrician.13 Twenty five years ago, women receiving primary care all gave birth at home, but since the 1970s they have been able to choose between home birth and hospital birth under the care of a midwife or general practitioner. This has led to a substantial reduction in home births (from 69% of all births in 1965 to 31% in 1991)4 and an increase in the proportion of births attended by midwives (from 35% in 1965 to 46% in 1992). About half of births attended by midwives now occur in hospital, with women and their babiesgenerally being discharged within a few hours after birth.
There is growing concern among primary care givers that these short-stay hospital births (termed "poliklinische bevallingen") enhance the risk of medicalisation and may ultimately eliminate the home birth option. Indeed, referral to an obstetrician occurs more frequently for women with a planned hospital birth than for those choosing home birth.5 The reasons for this difference are unclear. Self selection may be an important confounder, with the healthiest and most affluent women choosing home birth. Also the choice of home or hospital may influence referral to specialist care, as resources are more likely to be used if they are closer at hand.
We prospectively studied results of planned home births and planned hospital births in women with low risk pregnancies receiving care from midwives. We wished to assess whether the planned place of birth would lead to differences in perinatal outcome after the confounding effects of obstetric, medical, and social background were controlled for.
Dans le système de maternité néerlandais, les sages-femmes sont qualifiées pour s'occuper de manière indépendante des femmes dont la grossesse ne présente pas de complication. Ce sont aussi elles qui identifient et désignent les femmes qui ont besoin de l'aide d'un obstétricien en raison de problèmes existants ou anticipés. Il y a vingt cinq ans, toutes les femmes qui recevaient les premiers soins accouchaient à leur domicile, mais depuis les années 70 elles ont le choix entre un accouchement à domicile et un accouchement à l'hôpital avec l'assistance d'une sage-femme ou d'un médecin généraliste. Il en a résulté une considérable diminution du nombre de naissances à domicile (de 69% de la totalité des naissances en 1965 à 31% en 1991) et une augmentation de la proportion de naissances assistées par des sages-femmes (de 35% en 1965 à 46% en 1992). À peu près la moitié des accouchements accompagnés par des sages-femmes se passent maintenant à l'hôpital, et les femmes et leurs bébés sont généralement renvoyées chez elles dans les heures qui suivent la naissance.
Les personnes ayant la charge des soins primaires sont de plus en plus inquiètes du fait que ces naissances au cours d'un bref séjour à l'hôpital (qu'on appelle "poliklinische bevallingen") augmentent le risque de médicalisation et pourraient à terme éliminer l'option de l'accouchement à domicile. Il est vrai que les femmes qui prévoient un accouchement à l'hôpital font plus souvent appel à un obstétricien que celles qui choisissent d'accoucher à la maison. Les raisons de cette différence ne sont pas claires. Il est probable que la décision personnelle de ces femmes soit un facteur important, dans la mesure où ce sont les femmes des milieux les plus favorisés qui choisissent l'accouchement à domicile. De plus, il se peut que le choix entre le domicile ou l'hôpital influence la décision de faire appel à des soins spécialisés, dans la mesure où l'on a plus facilement tendance à utiliser des ressources qui sont à portée de main.
Nous avons réalisé une étude prospective des résultats de naissances planifiées à domicile et à l'hôpital chez des femmes ayant des grossesses a bas risque et recevant les soins de sages-femmes. Nous souhaitions déterminer si le lieu d'accouchement prévu correspondait à des différences dans le résultat périnatal après avoir contrôlé l'influence de l'environnement obstétrical, médical et social.
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Primiparous women and multiparous women were considered separately because of well known differences in outcome. All analyses were based on the planned rather than the actual place of birth because referral to hospital during labour is usually indicative of anticipated or existing problems. Including these women among hospital births would bias the results of planned hospital births negatively and home births positively.
Les primipares et multipares ont été prises en compte séparément en raison de différences bien connues dans les résultats. Toutes les analyses ont été menées à partir du lieu prévu plutôt que du lieu actuel de l'accouchement parce que le transport à l'hôpital pendant le travail indique en général des problèmes existants ou anticipés. Si l'on avait inclu ces femmes dans les naissances à l'hôpital, on aurait biaisé négativement les résultats des naissances planifiées à l'hôpital, et positivement ceux des naissances à domicile.
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Table 1 shows the various perinatal outcomes in relation to the planned place of birth. Interventions--including referral, medication, and episiotomy--were more common in primiparous than parous women, confirming the need to consider these women separately.
Le tableau 1 donne les résultats périnataux en relation avec le lieu prévu pour la naissance. Les interventions -- notamment le renvoi à un médecin, l'administration de médicaments, et l'épisiotomie -- ont été plus fréquentes chez les femmes primipares que chez les multipares, ce qui confirme qu'il faut les considérer séparément.
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Background characteristics differed little between women choosing home or hospital birth (table 2). Primiparous women from ethnic minorities, those with uncertain dates, and those not attending antenatal classes more often chose hospital. Multiparous women were more likely to choose a hospital birth if they belonged to an ethnic minority; had a non-optimal body mass (Quetelet index outside the range 18.8-24.2; P < 0.05); had a history of obstetric complications, preterm birth, or instrumental delivery; or had received medication (including vitamins and iron) in pregnancy (table 2).
Les caractéristiques d'environnement différaient peu entre les femmes choisissant une naissance à domicile ou à l'hôpital (tableau 2). Les femmes primipares des minorités ethniques, celles qui avaient des dates incertaines, et celles qui ne suivaient pas les séances de préparation à la naissance, choisissaient plus souvent l'hôpital. Les femmes multipares étaient plus nombreuses à opter pour un accouchement à l'hôpital si elles appartenaient à une minorité ethnique; si elles avaient un poids non-optimal (index de Quetelet hors de l'intervalle 18.8-24.2; P < 0.05); si elles avaient déjà eu des complications obstétricales, une naissance prématurée, ou une naissance aux instruments; ou si elles avaient reçu des médicaments (y compris des vitamines et du fer) pendant leur grossesse (tableau 2).
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Table 3 shows the relation between the perinatal outcome index and the planned place of birth, after control for favourable or unfavourable background. After controlling for background, we found no difference in perinatal outcome between planned home birth and planned hospital birth in primiparous women. In multiparous women, the perinatal outcome index controlled for background was significantly better with planned home birth than with planned hospital birth (table 3).
Le tableau 3 donne la relation entre le résultat périnatal et le lieu prévu pour l'accouchement après compensation des facteurs favorables ou défavorables dans l'environnement. Après cette compensation, nous n'avons pas trouvé de différence de résultats périnataux, pour les primipares, entre les naissances planifiées à domicile et les naissances planifiées à l'hôpital. En ce qui concerne les multipares, les résultats périnataux tenant compte de l'environnement sont nettement meilleurs pour des naissances planifiées à domicile que pour des naissances planifiées à l'hôpital (tableau 3)
MEASURING PERINATAL OUTCOME
Measuring the quality of maternity care has never been easy. For many years, perinatal mortality rates were used for this purpose, often with little regard for the value and validity of such data.11 Now, with rates well below 10 per 1000 births, they have lost virtually all of their utility for measuring quality of care in the Western world. Other measures have yet to find acceptance, but it is unlikely that a single measure will ever be satisfactory for a process that involves mother and baby and for which the end result is not the only outcome that matters. We therefore opted for a differentiated approach that considers both the mother and the baby and that takes both the results and the way in which they are achieved into account. To this end and with a view to obtaining a single measure for maximal outcome with minimal intervention8 10 we constructed a composite perinatal outcome index based on an optimality concept developed in the 1970s for identifying a cohort of infants with a flawless start in life.6 7
MESURE DU RESULTAT PERINATAL
La mesure de la qualité des soins de maternité n'a jamais été facile. Pendant de nombreuses années, les taux de mortalité périnatale ont été utilisés à cette fin, souvent avec peu de considération pour l'intérêt et la validité de ces données.11 A présent, avec des taux bien inférieurs à 10 pour 1000 naissances, ils ont virtuellement perdu toute utilité pour mesurer la qualité des soins dans le monde occidental. D'autres méthodes de mesure restent à envisager, mais il y a peu de chances qu'une mesure simple devienne satisfaisante pour un processus qui concerne à la fois la mère et l'enfant, et pour lequel le résultat final n'est pas le seul à être pris en considération. Nous avons donc choisi une approche différenciée prenant en compte aussi bien la mère que son enfant, et qui tient autant compte des résultats que des moyens utilisés pour y arriver. Pour cela, et afin d'obtenir une mesure simple du résultat maximal pour une intervention minimale,810 nous avons construit un indice composite de résultat périnatal basé sur un concept d'optimalité développé dans les années 70 pour identifier un grand nombre d'enfants au début de vie sans difficulté.6 7
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IMPACT OF CHOICE
Ideally--and particularly when offset against virtually 100% hospital births in the rest of Europe--better evidence is needed before generalisations are made on the merits of planned home birth. Such evidence is not easy to gather. It is well known that a variety of psychological factors can influence people's health and interfere with medical treatment. In obstetrics, levels of anxiety have been found to predict obstetric complications.13 Choice itself (allowing women to choose home or hospital birth) may influence levels of anxiety and apprehension and thereby also the outcome of maternity care. Evidently, the elimination of choice--as would be necessary in a randomised trial--could by itself have a major impact on perinatal outcome by inducing insecurity and anxiety in women assigned to give birth in a manner that they do not prefer. In areas where the patient's choice has a profound effect on outcome, random comparisons eliminating choice will give unreliable estimates of true differences.14 Therefore, in the Netherlands, where choosing between home or hospital birth is an integral feature of the system, randomised controlled trials between home birth and hospital birth would not produce generalisable results even if it were possible to mount such trials.
Our research has shown that, for women with low risk pregnancies in the Netherlands, choosing to give birth at home is a safe choice with an outcome that is at least as good as that of planned hospital birth. We also found indications that there is some self selection among women who can decide for themselves where to have their baby, and that this preordains outcome, albeit to a limited extent. It is important, therefore, that the home birth option remains available, but especially that women at low risk are really given a free choice.
IMPACT DU CHOIX
Idéalement -- surtout si l'on tient compte du fait que presque 100% des naissances ont lieu à l'hôpital en Europe -- on a besoin de plus de faits prouvés avant de généraliser sur les avantages de l'accouchement planifié à domicile. Ces faits ne sont pas faciles à collecter. Il est bien connu qu'une variété de facteurs psychologiques peuvent influencer la santé des gens et interférer avec le traitement médical. En obstétrique, on s'est aperçu que les niveaux d'anxiété ont une valeur prédictive pour les complications obstétricales.13 Le choix lui-même (celui des femmes entre l'accouchement à leur domicile ou à l'hôpital) peut influer sur les niveaux d'anxiété et l'appréhension, ainsi que par conséquent sur le résultat du soin de maternité. Evidemment, l'élimination du choix -- qui serait nécessaire dans une étude randomisée -- pourait elle-même avoir un impact majeur sur le résultat périnatal dans la mesure où elle induirait un sentiment d'anxiété et d'insécurité chez les femmes qui devraient donner naissance d'une autre manière que celle qu'elles préfèrent. Dans des domaines où le choix du patient a un effet important sur le résultat, les comparaisons au hasard écartant cette possibilité de choix donnent des estimations non fiables des vraies différences.14 Par conséquent, dans un pays comme les Pays-Bas où le choix entre domicile et hôpital fait partie intégrante du système, des essais randomisés contrôlés entre l'accouchement à domicile et à l'hôpital ne produiraient pas de résultats généralisables, à supposer qu'on parvienne à effectuer de tels essais.
Notre travail de recherche montre que, pour les grossesses à bas risque aux Pays-Bas, le choix d'accoucher à domicile est un choix sûr avec un résultat au moins aussi bon que celui des naissances planifiées à l'hôpital. Nous avons aussi trouvé des indications qu'il y a un certain degré d'autosélection chez les femmes qui peuvent décider elles-mêmes où elles donneront naissance à leur bébé, et que ce choix influe sur le résultat, quoique de manière limitée. Il est donc important que l'option de la naissance à domicile demeure possible, et plus particulièrement que les femmes à faible risque puissent exercer leur libre choix.
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Sites Internet et associations francophones pour une approche « citoyenne » de la naissance