Naissance
médicalisée : "Le viol du
vingtième siècle"
écrit par Leilah McCracken.
Titre original : Rape of
the 20th Century © Leilah McCracken
1998-00.
Source
issue du site The Revolutionary Passion of
Mothering.
Leilah McCracken est mère de sept enfants.
Elle vit près de Vancouver, au Canada, et
met son talent d'écrivain au service de la
cause de la démédicalisation de
l'accouchement.
Sept enfants sont
passés par mon corps, et j'ai beaucoup
à vous raconter.
Les mères ayant
donné naissance à de nombreux enfants
sont devenues une rareté; nous ne sommes
plus celles par qui les mystères de
l'enfantement étaient enseignés; nous
ne sommes plus les voix de la sagesse et de la
raison qui disaient aux assistants quels soins et
quelle aide donner aux parturientes. Le savoir
obstétrique moderne est basé sur des
données hospitalières fausses; les
docteurs savent comment les patientes accouchent,
mais ils ne savent pas comment les femmes
accouchent. Nous autres, en tant que
société, avons largement
oublié que l'accouchement est digne de
confiance; sans grand besoin d'ingérence. La
naissance est belle, passionnée, sauvage et
hormonale. Mais elle est blessée. Des
procédures hospitalières
incompréhensiblement inopportunes,
douloureuses et humiliantes ont molesté la
naissance; elle saigne, et pleure. Le
vingtième siècle aura
été celui du viol
institutionnalisé de l'enfantement.
J'ai eu le
privilège -- et la malchance -- d'avoir mon
premier bébé à dix-neuf ans.
Privilège car mon corps était jeune
et résistant; malchance parce que
j'étais déplorablement ignorante par
rapport à la naissance. J'ai suivi le chemin
tracé; j'ai trouvé un docteur, lu
beaucoup de livres sur la grossesse écrits
par des docteurs, et participé à des
séances de préparation où l'on
me disait de toujours obéir à mon
docteur.
Lors des dernières
semaines de ma grossesse, j'eus des contractions de
plus en plus fortes -- je pensais toujours que
c'était le début du travail, mais
non. Ceci devait se révéler
être la racine de mon doute important face
à ma capacité d'enfanter: mon corps
n'était pas capable, ne savait pas quoi
faire, quand il le fallait. J'ai appris des
années plus tard qu'il s'agissait de travail
préalable (je voudrais trouver quelque chose
d'autre que ce mot "travail" [labour]). Une façon pour la nature
de préparer en douceur le corps de la femme
à l'accouchement.
Je perdis les eaux
à quarante-deux semaines, et je me ruai
à l'hôpital. Je fis connaissance de
l'accouchement en milieu hospitalier avec un
prodigieux jeune docteur qui me fit
dévêtir, allonger sur le dos et mettre
mes deux pieds sur un bassin. Il me fut
demandé d'ouvrir les genoux. Il introduisit
un spéculum dans mon vagin, entra à
l'intérieur, vraiment au fond, et jeta un
bon coup d'oeil. Il y avait deux infirmières
dans la salle, regardant bizarrement. Je
déclarai: "C'est la chose la plus humiliante
qui ne me soit jamais arrivée." Personne ne
dit rien.
Je fus ligotée
pendant un temps infini au monitoring foetal. Mes
contractions étaient rapprochées,
irrégulières et spasmodiques, ce qui
arrive très souvent chez les femmes
cherchant à accoucher à
l'hôpital, endroit stressant par nature (les
hormones de stress ralentissent le travail, quand
elles ne l'arrêtent pas).
Les vingt-quatre heures
suivantes furent une suite d'interventions
déconcertantes: de nombreux examens pelviens
par des gens différents; le transport de
pièce en pièce; l'étude du
sang; une purge; un monitoring foetal obsessif; des
tubes; des aiguilles; signer d'étranges
formulaires. Mon docteur (par
téléphone) me mit sous perfusion
d'ocytocine. Mes contractions devinrent rapidement
insoutenables. J'eus une péridurale, mais
elle ne marcha pas (la plupart des
anesthésiques locaux n'ont pas d'effet sur
moi); mon enfant naquit quatre heures plus tard.
J'étais affamée,
épuisée, traumatisée, et
enchantée de la naissance de ma fille. Mon
mari pleurait de joie.
C'est la coutume en
Amérique du Nord de provoquer les
contractions vingt quatre heures après la
perte des eaux; dans beaucoup d'autres pays, on
prolonge jusqu'à une semaine. Le facteur
clé de ces deux philosophies est que
l'induction doit avoir lieu seulement si la
naissance n'est pas imminente d'ici les
vingt-quatre heures qui suivent le premier examen
pelvien. Mais si aucun doigt n'introduit de
possibles germes, le risque d'infection est minime.
Ainsi, contrairement à la croyance la plus
populaire, le pire endroit où une femme
puisse aller après la rupture du sac
amniotique, c'est l'hôpital: là, elle
est sûre d'avoir un examen pelvien
contaminant dès l'admission. Elle devrait
rester à la maison jusqu'à ce que le
travail actif commence, et consulter une sage-femme
sur les précautions à prendre si elle
choisit de ne pas accoucher chez elle.
Mon second enfant vint
seize mois plus tard. Les eaux se
répandirent: de nouveau, je me
précipitai à l'hôpital. J'eus
des contractions irrégulières et de
nombreux examens pelviens. Mon enfant resté
à la maison me manquait terriblement; je
m'aperçus dans le miroir. "J'ai l'air
tellement tragique!" me dis-je à travers mes
larmes.
Rien ne se passait; mon
mari sortit pour un hamburger. Un
obstétricien avec un groupe
d'étudiants entra; il releva ma chemise
d'hôpital et planta ses deux doigts dans mon
vagin. "Hummm." Il demanda à une
étudiante de faire de même; "vertex
(tête en bas) et dilatée à deux
centimètres." L'obstétricien
n'était pas d'accord. Il me fit un bon VRAI
toucher vaginal, et tortilla brutalement mon
utérus. "Vous avez ici un siège." Je
pleurais! Des étrangers avaient
nonchalamment touché mes organes les plus
secrets; mon mari était parti,
j'étais affamée. L'étudiante
demanda si elle pouvait m'ausculter de nouveau,
"dans l'intérêt de la science".
J'ennuyai tout le monde dans la pièce
à pleurer encore. Le docteur me dit que le
bébé était en
présentation transverse (qu'il se tenait
latéralement).
Mon mari était de
retour à présent: je me sentais
meurtrie, épuisée, sans espoir; mais
avec une césarienne, mon bébé
serait dans mes bras en quarante minutes.
Qu'auriez-vous dit?
On me fit rouler
jusqu'à la salle d'opération. En
tremblant, je me hissais sur la table. Mes bras
furent attachés au loin; mes pieds
immobilisés; mon corps rasé.
Aiguilles et tubes furent introduits. Je me dis que
l'on me crucifiait. Une infirmière essaya de
me rassurer -- "mais avec ce genre d'incision, vous
pourrez encore porter un bikini!"
A travers une forêt
d'étrangers noctambules je vis mon docteur
-- sous son masque, je remarquais pour la
première fois ses yeux tellement
maquillés. J'entendis bipper une table
entière de pagers. Après quatre
essais de péridurale, et beaucoup de
morphine, on me donna une anesthésie
spinale. L'enfant fut extrait -- je sentis dans mon
abdomen une secousse d'extraction
extraordinairement bizarre; je dis 'Oomph!"
L'équipe soignante leva le regard,
alarmée. L'anesthésiste sourit et
dit: "J'aime toujours laisser une petite sensation
à la mère à la naissance."
C'est un garçon! Soulagement et extase
m'envahirent.
Il fut emmené pour
être examiné; j'entendis ses cris; je
harcelais le personnel de se dépêcher
pour que je puisse le tenir. L'obstétricien
m'expliqua platement que j'avais ma vessie sur mon
ventre, et qu'il fallait la remettre. Les couches
de muscles et de graisse devaient être cousus
ensemble; et ensuite mon ventre devrait être
fermé et agrafé. Oh! je devais
être une bonne fille!
Finalement, ce fut fait.
Dans la chambre de convalescence, je nourris mon
bébé au sein, à
l'étonnement du personnel de
l'hôpital... Au moins j'eus cela pour moi...
J'appris bien plus tard que mon enfant
n'était pas du tout transverse, mais en
siège de Frank, les fesses venant en premier
-- ce qui est le plus facile à accoucher
vaginalement. On ne m'a pas dit pas la
vérité. J'ai eu une césarienne
pour rien.
D'après une
étude publiée par le British Medical
Journal, le mieux pour les enfants qui se
présentent par le siège est de
naître par les voies naturelles (je
découvris aussi que les femmes fortes ont
plus de chance d'être coupées: quand
je regardais plus tard mon dossier médical,
l'obstétricienne mentionna de façon
répétée mon
"obésité": les femmes rondes ne sont
pas sujettes à des accouchements difficiles,
mais elles ont plus de chance d'être
discriminées). Au moins les chirurgiens ne
me mirent pas sous anesthésie
générale -- qui peut être fatal
au lien maternel et à l'allaitement, et rend
la mère encore plus impuissante.
Après une triste
fausse-couche huit mois plus tard, je fus de
nouveau enceinte. Lors du sixième mois, je
me blessai à la main en cuisinant. Je fus
emmenée d'urgence à l'hôpital,
et attendis deux jours pour une microchirurgie,
à jeûn et sous perfusion. Pendant que
j'étais en OR mon médecin de famille
téléphona pour dire que mon test de
tolérance au glucose était un peu
haut (j'étais éveillée car
j'avais refusé l'anesthésie
générale -- et oui, cela prit
plusieurs essais avant de trouver le bon
anesthésiant local). Je dis que je voulais
un test de diabète gravidique
immédiatement.
J'étais
affamée lorsque je retournai à la
maison le lendemain: je mangeai un gâteau
d'anniversaire et plusieurs paquets de frites avec
du Coca-Cola. Tôt le matin suivant, j'eus un
test de tolérance au sucre de trois heures.
Deux des trois niveaux les plus importants
étaient élevés -- ils
confirmaient le diabète gravidique. Quelle
semaine! J'appris rétrospectivement que le
diagnostic était une imposture: je dois
m'étonner de ce personne ne m'ait
demandé ce que j'avais mangé le jour
précédent, et pourquoi le fait de
jeûner, l'opération et le stress
subits n'auraient pas eu d'incidence? Un test d'une
heure pour les femmes enceintes n'est de toute
façon pas concluant.
Ainsi, les mois suivants
furent passés la plupart du temps en
compagnie des docteurs -- en clinique
orthopédique pour le suivi des soins, dans
le service des diabétiques à
l'hôpital, je voyais mon propre
médecin de famille, ce damné
obstétricien qui me fit une
césarienne et me donna le feu vert pour une
naissance vaginale après
césarienne.
Quand vinrent les
dernières semaines de grossesse, j'eus les
fortes contractions habituelles, et comme
j'étais anxieuse de la nocivité du
diabète sur mon bébé, je
partis pour l'hôpital -- je pensais qu'il
fallait provoquer l'accouchement; mon corps ne
remplissait pas son rôle de toutes
façons. Je fus renvoyée à la
maison.
A quarante-deux semaines,
les contractions reprirent et le bouchon muqueux
apparut (du mucus rose ou un peu de sang venant du
vagin). J'allai à l'hôpital -- le col
était dilaté à deux
centimètres et demi, et
légèrement effacé.
J'étais bouleversée à
l'idée d'être renvoyée à
la maison; j'implorais les infirmières de
faire quelque chose pour m'aider à
accoucher. J'étais sûre d'être
déficiente, certaine que si je n'avais pas
été à l'hôpital pour les
naissances précédentes, je n'aurais
pas survécu. Aussi la poche des eaux
fut-elle rompue. Cette naissance, comparée
aux autres, se passa rapidement et facilement. Mon
mari n'en revenait pas -- "C'est tout?"
Mon quatrième
enfant arriva vingt-six mois plus tard (pas de
diabète gravidique cette fois). Je
m'étais fanatiquement préparée
et j'étais extrêmement inconfortable
durant cette grossesse -- préparée et
inconfortable parce que je faisais de l'exercice
comme une folle, même vers la fin, de peur de
développer un diabète.
A quarante semaines, j'eus
de légères contractions et un
début de travail; je
téléphonai à l'hôpital.
Sur le conseil de l'infirmière, nous
accourûmes, et le travail s'arrêta. Je
haïssais mon corps, le jugeais stupide et
inutile. Ils percèrent la poche des eaux,
à un centimètre et demi de dilatation
(n'est-ce pas drôle que les femmes qui
accouchent à l'hôpital disent "ils" en
parlant de ceux qui les assistent et les
harcèlent pendant le travail et
l'accouchement? Les femmes qui accouchent à
la maison disent "moi", "je").
Pourtant rien ne se passa
vraiment; juste de nombreuses contractions
spasmodiques, insidieuses et irritantes. Je me
rappelle avoir cherché un endroit tranquille
pour "nider". J'avais deux infirmières
obstétriciennes et un docteur (un
remplaçant pour mon docteur parti au ski)
assis auprès de moi à attendre
littéralement chacune de mes
contractions.
Une étudiante
aussi: elle avait des doigts courts et trouvait
difficile de d'atteindre mon cervix pendant les
examens pelviens. Je plaçais mes poings sous
mes hanches pour que ses doigts aient accès
plus efficacement dans mon vagin. Quelle bonne
aide! Rien d'étonnant à ce que je
veuille rentrer, m'en aller! A chaque occasion, je
voulais pleurer. Le personnel était inquiet;
je leur dis de ne pas s'en faire parce que cela
semblait être hormonal -- et arrivait
à chaque naissance.
Mon utérus fut
palpé et il fut supposé que mon
bébé était en
présentation postérieure -- "faisant
face au pubis" (les bébés normalement
naissent face à la colonne vertébrale
de la mère). La douleur devint
férocement intense: contractions
hystériques et agonisantes,
agenouillée sur le parterre de la douche
avec un accoucheur homme (infirmier
obstétricien) inondant le bas de mon dos au
jet tiède de la douche. Mon mari me tenait
la main. Je criai que le bébé
arrivait. J'atteignis le lit, me laissai tomber sur
le dos. Je l'expulsai en hurlant. Je jurai ne plus
jamais avoir d'autre enfant.
J'appris récemment
que mon bébé avaient probablement
pris cette position parce que la poche des eaux
avait été prématurément
rompue. La plus agonisante de toutes mes naissances
n'aurait pas dû se passer de cette
façon.
Je
déménageai pendant la grossesse de
mon cinquième enfant, une année plus
tard. J'eus un autre docteur. De nouveau, pas de
diabète gravidique. Je dépassai la
quarantième semaine (la dernière
avant le terme), et l'on me conseilla une nouvelle
manière de procéder qui consiste
à provoquer l'accouchement au delà de
dix jours d'attente après la date
prévue. J'en questionnai la validité.
Mon docteur me parla de risques d'insuffisance et
de calcification placentaire, ainsi que ses
craintes que mon bébé ne soit
privé d'oxygène et d'aliments. Cela
semblait raisonnable.
Neuf jours
passèrent sans activité
utérine excessive. J'allai à
l'hôpital et fus surveillée par
monitoring pendant une heure, puis du gel de
prostaglandine synthétique fut
appliqué sur mon cervix. Je fus
libérée, mais on me dit de revenir,
ou dans six heures, ou en travail.
Aussi mon mari et moi
marchions, essayant de faire démarrer le
travail. Je commençais à me sentir
étrange, avec des élancements
cervicaux et derrière le bas des jambes. Je
suggérai que nous trouvions un endroit pour
avoir des rapports en cachette, car il me semblait
que les sensations que me donnaient le gel
étaient identiques à celles
ressenties en fin de grossesse lors de l'acte
sexuel.
J'appris plus tard que
l'idée même du gel provient en fait du
sperme humain, riche en hormone de dilatation du
cervix, la prostaglandine. Le sperme humain (la
contrefaçon est du sperme de cochon),
pourtant, est meilleur pour induire le travail,
parce qu'il comporte de l'ocytocine naturelle: les
sensations d'amour et l'orgasme -- que l'on peut
espérer faire partie intrinsèque de
l'acte amoureux -- sont connues pour stimuler la
sécrétion d'ocytocine dans le cerveau
de la femme (et, de manière
intéressante, dans celui de l'homme).
L'ocytocine est l'hormone de la naissance; la
stimulation du mammelon la libère aussi en
abondance.
Mon mari fit cela en
vitesse; pour lui, mon vagin était devenu
d'une certaine façon la
propriété de l'hôpital,
maintenant qu'ils y avaient touché. Nous
sommes retournés à l'hôpital.
En repensant à la naissance de mon
quatrième enfant, j'étais
terrifiée à l'idée de ce qui
allait se passer.
Je fus
reléguée au moniteur foetal. Un homme
étrange, à l'apparence hagarde
(l'obstétricien de l'hôpital)
m'examina, et estima la progression de cet
après-midi à deux centimètres
de dilatation. Oh, je fis un commentaire disant
combien il paraissait fatigué -- il me dit
qu'il avait travaillé ces trois derniers
jours. Avait-il dormi? demandai-je. Oui, parfois,
dit-il, il y a une couchette dans le salon des
docteurs. Nous devons accélérer les
choses, dit-il, pour "en finir avec ce sale
boulot".
Il déchira les
membranes, et me recommanda de m'asseoir à
moitié, pour que le cordon ombilical ne se
situe pas en avant de la présentation. La
procidence du cordon, souvent fatale au
bébé, arrive lorsque le cordon se
glisse sous la tête du bébé et
sort en premier. La rupture artificielle des
membranes est connue pour en être la cause!
Mes bébés ont chaque fois
été en danger, et personne ne m'a
jamais dit comment! Où se trouvait le
consentement en connaissance de cause?
Je jouai un peu aux cartes
avec mon mari. Je me sentis emportée dans un
endroit étrange où je n'avais jamais
été; ma terreur se mua en un calme
merveilleux. J'étais paisible et
intériorisée, ensommeillée et
reposée après chaque nouvelle
contraction. L'infirmière-sage-femme qui
m'accompagnait était stupéfaite. La
progression était lente pour un
cinquième enfant -- cela prit douze heures
depuis l'application de prostaglandine
jusqu'à ce que je sois transportée
à la salle d'accouchement, avec six
centimètres de dilatation.
La table -- même
plus un lit -- était mon ennemi
d'accouchement. Mes belles contractions devinrent
des crampes douloureuses. Instinctivement j'amenais
les mains de l'infirmière-sage-femme vers
mes seins, pour stimuler l'épanchement
d'ocytocine. Avec rigidité, elle enleva ses
mains. Peu après, mon enfant était
né. Le docteur tira sur le cordon ombilical,
inexplicablement, douloureusement.
Une nouvelle
infirmière arriva quelques minutes
après la naissance. C'était son
dernier jour de travail, à jamais, comme
infirmière obstétricienne:
trente-huit années d'innombrables
épisiotomies et rasages, d'amour, mort,
naissance et tout le saint frusquin. Elle voulait
me parler d'elle et de son mari, comme les temps
ont changé, pendant que j'essayais
d'allaiter mon tout juste nouveau-né.
J'écoutais poliment. Mon mari sortit pour
fumer et donner quelques coups de
téléphone. L'infirmière partit
à contre-coeur après que je l'eus
expédiée dehors, et je fus enfin
seule avec mon enfant. Nous étions
là, seuls et ravis, marqués du sceau
de l'hôpital et nus, quand j'entendis les
cris d'une femme accouchant dans la chambre,
à mon côté. Je portai la voix:
"Sortez-moi de cette chambre d'horreur!"
Nous gravîmes les
escaliers et furent installés dans une
chambre semi-privée. J'essayais d'allaiter
et dormir, mais la femme à côté
de moi avait des difficultés pour s'occuper
de son bébé -- ils pleuraient tous
les deux. J'entendis sonner des
téléphones. J'avais faim; je devais
me procurer mes propres toasts d'une kitchenette de
l'autre côté du service.
J'emmenais mon
bébé partout, je ne voulais pas
qu'"ils" le touchent, le baignent, le pèsent
ou l'embêtent. J'insistais pour tout faire
moi-même. Il y avait des gens partout, dans
ma chambre, dans les couloirs, à la
nurserie; tout le monde vit mes seins pendants
perdre du lait, mes cheveux emmêlés,
mes larmes. Je me glissais dans le salon de jour
avec mon bébé emmailloté dans
des serviettes d'hôpital. Je m'asseyais avec
lui et me lamentais, en faisant le deuil de tout ce
qui était perdu! Je pleurais et m'agitais.
Une infirmière entra. "Vous devriez
être dans votre chambre!" Je dis: "j'ai
besoin d'intimité! il me faut venir ici pour
pleurer!" Je ramenais mon bébé sous
mon menton.
Un an et demi plus tard,
quand j'exigeai mon dossier grâce à
l'Action pour la Liberté d'Information (s'il
vous plaît, faites tous la même
chose!), je vis que cette infirmière avait
écrit que je tenais mon bébé
brutalement (je le tenais serré contre moi
alors que je pleurais et m'agitais). Je n'aurais
jamais molesté mes bébés! On
m'observait, me scrutait. Une autre
infirmière m'accusa d'avoir meurtri mon
enfant lorsqu'elle vit une marque de naissance sur
sa jambe. Ces étrangers froids, à
demi stériles, croyaient que
j'exerçais des sévices sur les
enfants! Même l'infirmière au visage
le plus doux surveillait chacun de mes gestes,
chaque gémissement, comme un faucon
malveillant. Je partis peu après.
Quelques jours plus tard,
à la maison, cette pensée me vint
à l'esprit -- un tremblement noir et
tournoyant, une condamnation -- la naissance
à l'hôpital est le viol du
vingtième siècle.
Les femmes sont
sytématiquement, de façon
routinière, et de leur plein gré
agressées chaque jour par des individus et
des institutions qui prétendent avoir
à coeur leurs meilleurs
intérêts, et la plupart d'entre elles
n'ont pas la notion de ce qui est perdu. Oui, c'est
un viol: de même qu'un homme force une femme
à l'acte sexuel en la dépouillant de
ses pouvoirs et en la blessant dans ce qu'elle a de
sacré, le viol de la naissance agit
pareillement. Les deux viols laissent les femmes
tremblantes, furieuses et emplies de tristesse,
parce qu'il s'agit du même viol. Et de la
même manière que ce serait grave que
nos enfants soient conçus d'un viol, c'est
grave s'ils soint nés par un viol: notre
sensualité la plus privée et
originelle est rendue douloureusement et
brutalement publique. Dans les deux cas nous
saignons.
On fait saigner les
femmes, de façon souvent
incontrôlable, dans les hôpitaux. Elles
saignent à cause de l'injection
standardisée d'ocytocine dans la jambe
après l'accouchement: les mécanismes
naturels d'induction d'ocytocine (qui contractent
l'utérus jusqu'à son retour aux
dimensions premières) s'interrompent lorsque
une dose massive d'hormones artificielles circule
dans le sang. Et quand les hormones
synthétiques se dissipent, la femme soudain
s'évanouit dans une marre de sang (son
utérus s'est arrêté de se
contracter, et les cotylédons du placenta
sont presque aussi larges et à vif
qu'après l'accouchement). Un saignement
excessif arrive lorsqu'il y a eu tripotage de
l'utérus: les assistants impatients essaient
de pousser de l'extérieur le fond de
l'utérus pour expulser de force le placenta
-- c'est atroce et sanguinaire. Une autre cause
principale d'hémorrhagie est
l'épisiotomie: la plupart du sang perdu dans
un accouchement typique vient de l'ouverture
artificielle du vagin.
L'épisiotomie est
une invention folle, malveillante. Quand le vagin
est coupé, la femme souffre: c'est un mal
intense -- les femmes souvent se plaignent plus de
la souffrance après une épisiotomie
que de celle de l'accouchement lui-même. Les
femmes pleurent pendant un mois lorsqu'elles
urinent. La cicatrice peut rendre les relations
intimes difficiles, souvent à vie. La
sensibilité sexuelle peut être
diminuée: les nerfs vont loin autour du
clitoris et une épisiotomie peut les
sectionner pour toujours. La blessure devient
souvent douloureuse et infectée. Des femmes
peuvent même devenir anémiques
après la perte de sang provoquée par
l'épisiotomie.
Dans certains cas, une
fistule recto-vaginale se développe (un trou
dans la cloison qui sépare le rectum du
vagin) -- les matières fécales
passent par le vagin. Ces femmes se sentent
abusées, mutilées, sales -- et on
leur dit souvent de consulter un psychiatre. Une
opération est même nécessaire
pour réparer la blessure initiale.
Les vagins sont
coupés chaque jour, alors que le
déchirement naturel est plus facile à
supporter: moins douloureux, il guérit
beaucoup plus vite qu'une coupure au rasoir ou aux
ciseaux aiguisés. Les épisiotomies ne
fonctionnent même pas -- elles causent des
déchirements dangereux du troisième
degré et sont cause pour 6% des femmes
d'incontinence anale après l'accouchement:
en effet, l'épisiotomie dévaste
parfois jusqu'à l'anus de la femme, la
rendant incapable de contrôler le transit
intestinal (comment ces femmes font-elles pour
vesser?).
L'épisiotomie est
encore chose commune -- beaucoup de docteurs (et
mêmes des infirmières sages-femmes)
préfèrent ne pas mettre fin à
ces vieilles habitudes et résistent à
l'irradication de la plus injuste des entailles --
surtout à cause de la facilité avec
laqu'elle la tête du bébé va
pouvoir sortir du vagin maternel une fois que
celui-ci a été tailladé. Et
quelquefois, le docteur ne va même pas
attendre que l'anesthésie agisse pour
couper.
L'extraction artificielle,
souvent utilisée conjointement à
l'épisiotomie, entraîne des
problèmes anaux -- tels que des
hémorroïdes chroniques et douloureuses:
les veines rectales de la femme enceinte sont
naturellement très fines. Et lorsque la
ventouse ou les forceps sont utilisés --
spéciallement lors des poussées en
force, ces veines délicates deviennent
engorgées, distendues et
abîmées. Les hémoroïdes
deviennent extrêmement douloureuses et
souvent représentent une vie passée
à prendre des analgésiques de
commerce et à s'asseoir sur des anneaux de
caoutchouc pour voir un film au
cinéma.
L'utilisation des forceps
affecte aussi la continence urinaire -- et parfois
la vessie de la femme est tellement meurtrie qu'il
en résulte des problèmes
d'incontinence à vie. Et la plupart des
femmes vont se fustiger pour ces difficultés
affligeantes, mais jamais ceux qui les leur ont
infligées.
Les ventres aussi sont
ouverts. Les césariennes sont
assignées pour un grand nombre de raisons,
la plupart résident dans l'impatience du
personel de l'hôpital. "L'échec de
progression" en est la plus commune et la plus
exaspérante: c'est quand le cervix d'une
femme ne se dilate pas en accord avec l'idée
préconçue par l'hôpital du
déroulement du travail, et l'on fait
littéralement pression sur elle en lui
demandant de dilater. Elle est menacée
d'opération si elle ne dilate pas.
Naturellement son corps ne va pas s'ouvrir à
la naissance dans un scénario si dangereux
et stressant; si le bébé ne peut pas
être expulsé par de l'ocytocine
artificielle, cela sera fait par excision
obstétricienne.
Une césarienne peut
aussi advenir en fonction de l'observation des
variations du rythme cardiaque du
bébé (qui apparaît sur un
moniteur foetal); ces variations peuvent induirent
en erreur le personnel médical. Celui-ci
croit à la "détresse foetale" qui
occasionne une intervention immédiate pour
extraire le bébé (des
activités comme de sucer son pouce ou dormir
sont la cause de sérieuses
différences dans la vitesse des battements
du coeur).
Ou parfois, le
bébé sera vraiment en détresse
à cause des remèdes ou hormones
donnés à la mère (il est
fréquent que l'oxygène manque au
bébé lors des contractions
convulsives causées par l'induction du
travail, ou bien par le Démérol et
les drogues péridurales). Et naturellement,
les faux diagnostics sont causes de l'accouchement
chirurgical.
La disproportion
céphalo-pelvienne est une autre excuse
communément invoquée pour une
césarienne: on prétend souvent que
l'ouverture inférieure du bassin de beaucoup
de femmes est trop étroite pour que le
bébé puisse passer. C'est un
non-sens! Si tant de femmes avaient de tels pelvis
inaptes à donner naissance, leurs
ancêtres n'auraient pas survécus -- et
les seules femmes vivantes aujourd'hui auraient des
bassins extraordinairement larges! Le corps des
femmes modernes n'est pas amenuisé -- elles
savent donner la vie, si seulement on les laisse
faire; les femmes que l'on dit incapables
d'accoucher sans l'obstétrique moderne en
sont probablement tout à fait capables sans
intervention -- aussi longtemps qu'elles sont
éloignées de toute institution, si
prompte à intervenir.
Dans la plupart des
hôpitaux, une femme sur cinq subit une
césarienne; le chiffre peut atteindre une
sur trois dans certains centres. Il ne faudrait pas
dépasser 3-4%! Et la cruauté de la
césarienne ne peut être
minimisée par sa fréquence: les
femmes devraient pouvoir se concentrer sur leur
bébé, l'amour et l'allaitement dans
les premières semaines qui suivent
l'accouchement; pas sur les agraphes, les
cathéters et les incisions
douloureuses.
Après cette
section
(comme dans
section transversale; vivisection), je connus le
calvaire: essayer de prendre soin de mon
nouveau-né tout en me relevant d'une
opération chirurgicale majeure dans un lit
dur d'hôpital fut la plus navrante
expérience de ma vie: chaque mouvement
était une agonie, des douleurs de gaz
envahissaient mon abdomen ravagé; le
cathéter dans l'urètre me faisait mal
et me causait des douleurs aigües après
avoir été enlevé. Je pouvais
à peine bouger pour changer les langes de
mon bébé, et le personnel de
l'hôpital était trop occupé
pour m'aider. L'adhésif qui tenait en place
le tuyau pour l'intraveineuse arrachait mes poils
de bras et demandait constamment à
être repositionné.
Je n'avais pas le droit de
manger: après l'opération, liquides
pour le Jour Un, grueau pour le Jour Deux, et
purée pour le Jour trois, n'étaient
pas la nourriture dont j'avais besoin pour
permettre à mes seins d'avoir du lait, ni
pour guérir les cicatrices de mon corps
ravagé. J'étais une patiente, une
malade invalide, une femme de vingt et un ans qui
devait faire pipi dans un sac, et qui devait
maintenir son ventre avant de rouler sur le
côté. J'étais impuissante
à m'occuper de mon nouveau-né et je
me souviendrai toujours de ses premiers jours de
vie comme étant grotesquement inconfortables
et pleins de tristesse. Je ne pouvais même
pas me lever et me brosser les dents.
Pourquoi les risques
considérables de la césarienne ne
sont-ils pas discutés? Je ne connaissais
même pas le danger dans lequel je me
trouvais: les femmes ont jusqu'à seize fois
plus de chance de mourir après un
accouchement par césarienne que par les
voies naturelles; la césarienne est la cause
d'iléus (associé à la
lésion intestinale -- c'est la perte ou le
manque de coordination du péristalisme
intestinal), de l'ambolie pulmonaire, du syndrome
de Mendelson (aspiration pulmonaire acide); elle
est à l'origine aussi des adhésions
et obstructions intestinales. Le risque d'infection
est grandement augmenté -- un
problème important de par la
prolifération à l'hôpital des
microbes résistant aux antibiotiques.
Après une
césarienne une femme souffre plus de
dépression puerpérale. Et le
traumatisme de la naissance -- si incompris que la
plupart des docteurs n'en ont jamais entendu
parlé -- provient des sentiments
d'impuissance et de dépréciation
à la suite de naissance violente à
l'hôpital. Les chances d'hystérectomie
dues à l'hémorragie
post-opératoire sont dix fois plus
élevées qu'avec un accouchement par
la voie vaginale. Les femmes peuvent avoir des
troubles urinaires à vie quand la vessie a
été décollée de
l'utérus, et les traumatismes à la
vessie sont aussi communs. Des études ont
montré que la fertilité
féminine est affectée par la
césarienne; les femmes ont de plus un risque
accru de grossesse extra-utérine, de
placenta praevia, de rupture utérine, et les
résultats sont moins favorables pour les
enfants lors de grossesses ultérieures.
Après l'opération, l'allaitement et
l'attachement crucial mère-enfant sont mis
en péril -- non seulement à cause du
traumatisme et des drogues chirurgicales, mais
aussi à cause de la lenteur du
rétablissement.
Un événement
privé, secret et sensuel devient une
crucifixion stérile dans une pièce
pleine d'étrangers découpeurs et
scrutateurs. Et le viol ultime est que l'on nous
dit que nous couper est nécessaire. Le
sacré et le pouvoir de la naissance
deviennent un simple "oui, docteur" et nous
devenons spectateurs de notre propre viol; nous
remercions même les docteurs pendant qu'ils
se précipitent à la salle
d'opération.
Dans un hôpital,
nous sommes sous l'emprise d'une suffisance
toute-puissante et vénéneuse tandis
que nous sommes dépouillées de notre
intimité, de notre dignité, et
même de nos vêtements. Pourtant, nous
avons une confiance absolue dans nos docteurs; nous
croyons en leurs bonnes intentions et dans leur
respect du serment d'Hippocrate ("ne pas faire de
mal"). Mais ils font vraiment du mal -- ils font du
mal chaque jour. Et ils ont l'autorisation de la
société de faire de nous ce qu'ils
veulent.
Ceci me rappelle les
enfants violés par des gens respectés
en position de pouvoir: le viol, commis
égoïstement par une autre
génération, sans considération
pour le futur des enfants, est insidieux, et les
enfants croient toujours qu'ils méritent ce
qui leur arrive. Le viol du corps des femmes
pendant la naissance est commis pour la convenance
égoïste de la médecine, avec
bien peu de considération pour la
santé immédiate et future des femmes.
On a dit à des générations de
femmes que l'abus qu'elles subissaient était
nécessaire, que la naissance qui saigne est
universelle, et inévitable -- à cause
de la faible capacité de nos corps à
fonctionner. Femmes et enfants doivent surmonter,
et se taire. Cela n'est plus tolérable. De
la même façon que l'autorité de
celui qui fait violence est de plus en plus tenue
pour responsable de la souffrance des enfants, les
praticiens médicaux exploiteurs doivent
avoir des comptes à rendre pour chaque point
de suture, chaque coup de couteau, chaque coupure
au scalpel infligée au corps d'une femme --
même des décennies plus tard.
Le motif sous-jacent pour
chaque naissance à l'hôpital est la
sécurité du bébé (comme
si l'environement hospitalier était sain
pour une vie nouvelle). On dit à la femme
qu'un bébé en bonne santé est
tout ce qui compte, que la fin justifie les moyens
-- si elle est coupée et
découpée à la naissance, alors
que cela soit; que le bébé soit dans
ses bras à la fin est tout ce qui
importe.
Mais une femme importe:
son vagin importe, son ventre importe, ses veines
intactes et son périnée importent,
les excréments qui sortent de son vagin
importent, sa propre estime importe, son amour de
la naissance importe! Ne pas permettre un
accouchement intense à une femme est comme
ne jamais lui permettre d'atteindre l'orgasme;
c'est comme si on lui disait: "L'orgasme n'a pas
d'importance, ma chère, tant que vous
concevez!"
J'appelle cette sorte de
rituel sacrificiel de l'intégrité, du
pouvoir et de la sexualité de la naissance:
"infibulation puerpérale". De la même
façon que les femmes dans certaines cultures
ont leur clitoris coupé et leur vulve
découpée dans sa chair et cousue
(infibulation), les femmes dans notre culture ont
très souvent leur vagin, leur
périnée, et leur ventre ouverts par
les docteurs, puis sont suturées et
agraphées. Dans les deux cas, les femmes
sont ou bien maintenues ou attachées pour
les immobiliser quand les couteaux et les ciseaux
sortent -- et n'ont rien à dire quant aux
conséquences.
Il est intéressant
de noter que les buts sous-jacents sont les
mêmes: contrôler de façon
rigoureuse la sexualité de la femme (oui,
l'accouchement est un événement
inhérent à sa sexualité), et
de protéger les enfants à leur
naissance. Beaucoup de cultures pratiquant la
mutilation génitale féminine
insistent sur leur croyance que si l'enfant
à la naissance touche les parties
génitales de sa mère, il peut en
mourir (d'où l'ablation des parties
extérieures du sexe). En moyenne, une femme
sur quatre nord-américaine est amenée
à croire que si elle n'accouche pas par
césarienne, son bébé peut
mourir (et bien sûr le bébé ne
touche ainsi pas son vagin). Ou bien que si son
vagin n'est pas coupé, l'enfant peut
être blessé le long du canal
étroit de la naissance. Les vagins
voudraient apparaître bien effrayants
à beaucoup!
Les occidentaux entendant
parler de mutilation génitale
féminine sont catégoriques à
trouver ces pratiques culturelles sinistrement
arriérées. Mais comment pouvons-nous
appeler la culture ancienne barbare quand nos
propres actes sont si monstrueux? Qu'une femme ait
son vagin coupé dans une hutte isolée
ou dans un hôpital mondialement
renommé est hors propos: elle a
quand-même son vagin coupé, sa
souffrance est sévère et elle la
subira inévitablement.
Une autre raison
invoquée pour la mutilation vaginale est
d'assurer une ouverture étroite pour le
partenaire masculin. Dans certaines
sociétés, un modèle est fait
à partir du pénis du fiancé.
Ce modèle est introduit dans le vagin de la
fiancée; puis les lèvres sont
coupées et recousues aux dimensions du
modèle. Chez nous, j'ai entendu des
médecins dire aux femmes avant une
césarienne: "Votre mari me remerciera"; ou
demander aux pères avant de recoudre une
épisiotomie: "Voulez-vous que je fasse un ou
deux points supplémentaires pour vous?" Oui,
de nos jours, pas il y a vingt ans.
L'infibulation
puerpérale est aussi enracinée dans
notre culture que la mutilation génitale
féminine l'est dans les cultures qui la
pratiquent. Ici les femmes sont forcées
à donner aveuglément leurs corps de
parturientes à des praticiens
interventionnistes; là, elles sont avec
véhémence encouragées à
devenir chirurgicalement chastes. Et on nous a fait
croire à toutes au bien-fondé d'une
telle mutilation, obligées que nous sommes
de succomber à la sublime vision de ceux qui
professent être plus savants, plus sages,
plus vertueux en esprit et en action que nous,
simples femmes -- on nous apprend à faire
confiance dans la rectitude de l'autorité,
et à dédaigner notre besoin le plus
fondamental de fuir.
La résistance est
éminemment futile parce-que, hélas,
dans les deux cultures, nos propres mères et
grand-mères -- celles qui disent nous aimer
le plus -- nous poussent avec le plus d'impatience
dans les mains des praticiens faisant les coupures
les plus cruelles; la mère castratrice l'est
de par sa génération et de
façon insidieuse. La vieille
génération peut rarement voir
l'inutilité de ce cercle douloureux --
apparemment sa propre souffrance doit être
éprouvée par les jeunes
générations.
Le versement du sang
à l'accouchement n'est pas prêt de
prendre fin -- les femmes modernes sont
sérieusement réticentes à
l'idée de délaisser leurs docteurs
bien-aimés et l'adoration qu'elles leur
portent sur l'autel de la médecine moderne.
Avec une stupidité exaspérante, la
plupart des femmes n'arrivent même pas
à essayer de me croire quand je leur dis
qu'elles n'ont pas besoin d'aller à
l'hôpital pour donner naissance; elles
refusent surtout de croire que l'accouchement est
digne de confiance, ne nécessite ni gants,
ni monitoring frénétique, ni ciseaux
chirurgicaux pour accomplir sa tâche
inévitable.
Les femmes
infibulées puerpérales s'efforcent de
trouver une raison à leur souffrance, une
fin utile à chaque coup, chaque coupure,
chaque découpure au scalpel. Nous avons
besoin de croire dans la justesse de ce qui nous
est fait. Peut-être une certaine adoration
pour son docteur prend sa source dans l'histoire
d'une relation de "passation de pouvoir"
dysfonctionnelle -- il semble que les femmes les
plus maltraitées aux mains des docteurs sont
celles qui sont les plus méfiantes à
renoncer à leur contrôle. (Je sais,
j'étais toujours la première à
me montrer bonne fille, à faire plaisir
à mes docteurs; j'étais toujours
pleine de zèle à pardonner leurs
erreurs). Ces réactions invalidantes sont
basées sur notre hystérie collective
et culturelle de la naissance; la peur des femmes
et leur défiance de l'accouchement sont
tellement ancrées que quelqu'un parlant de
la naissance comme d'un événement
intime et sensuel à toutes les chances
d'être craint et vilipendé.
Dire à une femme
infibulée puerpérale que la naissance
est belle revient à dire à une femme
dont le clitoris a été tranché
que la sexualité peut être
érotique et orgasmique. Toutes deux
penseront que vous ne savez pas de quoi vous
parlez. Mais j'ai eu mon clitoris resoudé,
si l'on veut, et je dois dire au monde ce qui est
perdu.
Il est simplement logique
de penser qu'un enfant devrait naître
là où il n'y a ni hystérie ni
acier inoxydable -- la maison même de la
femme.
L'accouchement à la
maison est sans danger: les pays avec le plus haut
pourcentage d'accouchements à domicile suivi
par des sage-femmes sont ceux qui ont la plus basse
mortalité infantile, et où les femmes
ont le meilleur résultat. Lorsqu'elles ont
lieu à la maison, les interventions sont
prises très au sérieux,
considérées et reconsidéres
avant qu'on y ait recours (à
l'hôpital, la facilité avec laquelle
les interventions se produisent conduit à
leur phénoménale banalisation). Oui,
les accouchements à domicile ne seraient
dangereux que si les interventions
obstétricales communes y étaient
introduites.
A la maison, la femme est
moins effrayée, et la peur empoisonne la
naissance. La perception de la peur amène
des réponses automatiques
d'incapacité à accoucher: nous
libérons des hormones de stress qui peuvent
être toxiques au bébé et
rendent l'utérus impotent; nous devenons
tout à fait dépendantes, et beaucoup
plus enclines à accepter des interventions
que d'habitude nous abhorrons; les sensations de
l'accouchement sont cruellement distordues et
deviennent des contractures insupportables:
à l'hôpital, l'écrasante
majorité des femmes demandent des
anesthésiants -- en soi ces drogues sont
suffisamment nuisibles -- mais quand une femme est
ou bien ahurie, incohérente, ou
paralysée à partir de la poitrine,
elle ne contrôle plus son propre accouchement
-- et une femme droguée ne peut plus pousser
efficacement. Ceci entraîne la plupart du
temps l'utilisation de forceps et ventouses -- ce
qui peut endommager le plancher pelvien, causer des
blessures rectales et de la vessie, ainsi que des
souffrances ou lésions neurologiques chez
l'enfant.
Pourtant, ce qui
empoisonne la naissance en premier lieu, c'est la
peur. Et puisque la peur et ses associés en
sabotage de l'accouchement sont si communs dans
l'environnement hospitalier, ses manifestations
sont considérées normales et
traitables à l'infini.
En particulier,
l'accouchement à la maison dans l'eau a
d'excellent résultats: l'immersion dans une
piscine de naissance enlève la peur et
l'inconfort; les mères n'ont pas besoin
d'anesthésiants artificiels; le travail est
plus rapide et plus facile; les gros
bébés (comme sont beaucoup de
nouveaux-nés de nos jours) sortent plus
facilement, et grâce au fait que les tissus
du périnée restent détendus et
souples, les femmes ont rarement des
déchirures. Elles peuvent facilement onduler
leur corps pour favoriser le passage du
bébé et trouver la position optimum
sans les effets encombrants de la pesanteur "sur
terre". Les femmes ayant des problèmes de
genoux et de dos trouvent facilement une position
d'accouchement confortable.
Après avoir
donné naissance chez elles, les femmes ont
des souvenirs heureux de leur accouchement, et s'en
remettent plus vite. Aussi, pourquoi n'y a-t-il pas
plus de femmes qui accouchent à la maison,
alors que le coût et le risque sont tellement
minimes? Quels intérêts servent
l'ignorance forcée des femmes et l'invasion
rituelle de la naissance? Pas ceux des femmes, ni
des bébés.
Oui -- qu'en est-il du
bébé? Si le but final dans un
accouchement est de donner naissance a un enfant en
bonne santé -- ce qui bien sûr est le
cas -- il est bien plus sage de l'avoir à la
maison de toutes façons. A l'hôpital,
les bébés encourent de très
grands risques.
Les nouveaux-nés
sont souvent blessés lors de l'utilisation
des forceps ou autres lourdes techniques
d'extraction; il a été
démontré qu'une naissance violente
rend les gens cinq fois plus enclins à
commettre des sucides violents plus tard dans leur
vie.
La position d'accouchement
affecte le résultat: si une femme est sur le
dos pour accoucher (lithotomie: la position la plus
commune en hôpital), on estime que la
région pelvienne se rétrécit
de jusqu'à 30%: ce qui peut comprimer
dangereusement la tête du bébé,
et faire diagnostiquer faussement une dystocie des
épaules (épaules trop larges) ou une
disproportion céphalo-pelvienne (tête
trop grosse), conduisant à des extractions
brutales ou des césariennes.
Alors que si les femmes
sont libres d'accoucher dans la position qu'elles
adoptent instinctivement -- accroupie, à
genoux, à quatre pattes, à
moitié assise, à moitié de
côté, les bébés ont tout
l'espace pour sortir; et si les femmes bougent
comme elles le sentent intrinsèquement en
accouchant -- en ondulant, roulant des hanches, se
retournant, se pliant -- les bébés
sortent de la façon la plus douce qui soit.
La mère et l'enfant sont une même
entité, et ce que la mère
préfère est ce qu'il y a de mieux
pour l'enfant.
A l'hôpital, les
femmes restent à plat sur le dos pour
éviter de tomber des "lits" pourvus; et les
médecins préfèrent la
lithotomie car cela facilite l'observation et
l'accès -- même s'il est reconnu que
cela freine ou arrête le travail, et donc
souvent conduira à des inductions
artificielles.
Les contractions
paralysantes produites lors d'induction par drogues
(ocytocines chimiques ou prostaglandines) peuvent
entraîner un manque sérieux
d'oxygène dans l'environnement
utérin, comme également une
irrégularité du rythme cardiaque
foetal (qui conduira à la césarienne
pour "détresse foetale"). La douleur pousse
bien souvent les femmes à utiliser des
drogues, comme le Démérol avec les
péridurales. Mais les bébés
nés drogués souvent ne peuvent pas
respirer -- et doivent être
réanimés (la réanimation
agressive des bébés peut percer ou
faire éclater les tissus délicats des
poumons, en laissant des trous).
Les bébés
doivent fréquemment venir trop tôt
à la rencontre du monde à cause des
règles strictes de l'induction et celles
électives de la césarienne (par
rapport à la date butoir). Ils souffrent
souvent de détresse respiratoire aigüe
pour la raison suivante: les poumons d'un enfant
né trop tôt sont remplis de liquide,
et doivent alors être vidés
douloureusement par aspiration. Un enfant peut
aussi nécessiter cette intervention à
cause de l'épisiotomie: quand le vagin d'une
femme à été ouvert par
chirurgie, il ne peut plus serrer fortement les
épaules et la poitrine du bébé
lors du passage dans le canal et faire sortir
facilement et naturellement les fluides de sa
bouche et de son nez). Pourtant, enfoncer des
cathéters d'aspiration dans la gorge menue
du bébé peut comprimer le nerf Vague
(pneumogastrique), ce qui va ralentir le rythme
cardiaque, et rendre la respiration encore plus
irrégulière.
Les difficultés
d'oxygénation ("détresse
respiratoire", "hypoxie intra-utérine" et
"asphyxie de naissance") -- bien souvent
causées par les interventions
obstétriciennes pendant la naissance et
juste après -- sont les complications les
plus communes chez le nouveau-né, et sont la
cause principale de mortalité
néonatale.
Pour qu'un
bébé se développe, il doit
être laissé tranquille lors du passage
confiant et naturel de la naissance. De sorte que
choisir de rester à la maison est le moyen
de préserver sa santé, loin des
équipements et des praticiens qui entravent
si aisément et si routinièrement la
naissance.
Pourquoi nous dit-on la
plupart du temps d'accoucher à
l'hôpital? Je crois qu'il y a une peur
culturelle profonde des phénomènes
naturels, spécialement du pouvoir
inné des femmes; et que notre institution
médicale est le reflet de notre
société. Il est plus "sûr" de
médicaliser la naissance que de comprendre
le vrai pouvoir des femmes, le fonctionnement digne
de confiance du corps des femmes.
Aussi longtemps nous
considèrerons que le viol n'inclut que
l'acte sexuel, que sensuel ne peut vouloir dire
qu'érotique, et que le biberon est une
alternative saine à l'allaitement maternel,
nous ne réaliserons pas la magnificience de
notre propre existence: l'orgasme amoureux, la
grossesse, donner naissance, nourrir au sein,
être dingue d'amour pour son
bébé, tout vient des mêmes
hormones; une même pâmoison des sens.
Et tous ces actes nécessitent la solitude:
nous avons besoin d'intimité et de
dignité pour explorer nos jardins d'amour
les plus secrets.
Il y a pourtant, comme
toujours des exceptions à l'accouchement
à la maison et à l'allaitement: une
grossesse multiple, un accouchement par le
siège compliqué, et certaines
conditions de santé peuvent
nécessiter des soins obstétricaux;
certaines femmes ont des problèmes qui
rendent l'allaitement impossible. Ces femmes ne
devraient jamais être blâmées
pour n'avoir pas été capables de
donner naissance sans intervention, ni pour nourrir
leur bébé au biberon.
Treize mois après
la naissance de mon cinquième enfant,
j'étais de nouveau enceinte. Je ne voulais
plus d'une naissance à
l'hôpital.
Je me mis à
chercher un meilleur moyen pour accoucher. Je lus
l'ouvrage extrêmement utile de Sheila
Kitzinger: "Accouchement à la maison". Je
contactai les différentes sages-femmes
conventionnées, mais je compris qu'elles
allaient trop médicaliser ma gossesse,
qu'elles me donneraient trop de tests à
faire et interfèreraient sans
nécessité avec la naissance.
J'entendis parler de
Gloria Lemay par des amis. Je lui parlai de mes
expériences au téléphone; je
lui demandai combien de bébés elle
avait mis au monde. "Oh, je ne mets pas les enfants
au monde, ce sont les mères qui font cela!
Pourtant j'ai assisté plus de six cent
naissances." Je lui demandai si elle toucherait ma
poitrine pour moi si j'en avais besoin au moment de
l'accouchement. "Je me mettrai nue sur la
tête au Mondy Park si cela peut vous aider
à faire sortir le bébé!" Nous
avons parlé pendant des heures. Avec mon
mari, nous sommes allés la voir; elle
accepta d'assister ma naissance.
Je rencontrais une
hostilité et une inquiétude
démesurées de la part de ma famille
lointaine face à mon choix, mais
après avoir entendu leurs expériences
de forceps, d'examen rectal et d'étriers, je
compris leur peur panique. Je rassemblai tous mes
dossiers médicaux, et y trouvai de
nombreuses contradictions,
demi-vérités et vrais mensonges qui
avaient pris place dans mon histoire
obstétricienne haute en couleurs.
Quarante semaines
passèrent rapidement. La date limite! Quatre
litres d'Aide au Travail m'attendaient dans le
réfrigérateur; mon matelas
était recouvert d'un tissus pour
tâches de peinture -- j'étais
prête. Mais rien ne se passait! Je ne peux
donner naissance sans intervention!
Alors que les jours
s'écoulaient sans incident, j'appelai ma
sage-femme, en pleurant; "Je ne suis pas comme les
autres femmes! Je ne peux accoucher!" Et elle
répondait: "Bien sûr tu peux, et bien
sûr tu le feras. Ton corps accouchera, que tu
le croies ou non. Ton corps a su concevoir tes
enfants, il a su les allaiter, et il sait comment
donner naissance." "Tu as confiance en mon corps?"
"Oui, j'ai confiance en ton corps." "Ta naissance
sera une belle naissance." Pendant quelques temps,
je la croyais. Elle me donnait ces encouragements
chaque fois que j'en avais besoin.
A quarante deux semaines
ma mère devint très inquiète;
j'étais née moi-même presque un
mois en retard: ma mère attribuait mes
problèmes de vue lorsque j'étais
enfant à sa grossesse trop longue. J'appelai
Gloria: "Mon bébé va naître
à demi-sourd et aveugle!" "Non! Ton
bébé sera bien!"
Il était
très actif, et avait un battement de coeur
fort et régulier. J'étais en bonne
santé -- ma tension était excellente,
et mon régime très bon (plus de
Coca-Cola et de gâteaux d'anniversaire!).
Elle dit: "Je ne peux imaginer meilleur
environement pour la santé de ton enfant
qu'à l'intérieur de ton
utérus." Pourtant, je savais que j'aurais eu
un accouchement provoqué par la plupart des
autres sages-femmes, et de façon certaine
par n'importe quel docteur; et parfois je doutais
profondément de ce que j'étais en
train de faire. Je savais que presque personne ne
pouvait être d'accord avec le fait que nous
attendions.
Mais j'appris que quarante
semaines de gestation ne sont en fait qu'une
moyenne -- des femmes différentes donnent
naissance selon des durées de grossesse
différentes, de la même façon
chaque personne et chaque naissance sont uniques.
Nous naissons, apprenons à ramper, marchons
et parlons à notre propre rythme; nous ne
pouvons qu'apprendre et grandir selon le
schéma unique de notre développement.
Nul n'a le droit d'imposer des notions
préconçues dans le déroulement
de la naissance et de la vie.
Je devins effrayée
par l'imminence de mon accouchement. J'avais peur
de la douleur. Je lus un livre écrit par une
autre femme pour qui la grossesse de son
sixième enfant prit plus de quarante
semaines ("L'Océan Né - La Naissance
comme une Initiation", de Chris Griscom). Elle
disait: "N'ayez pas peur! La naissance vous
appartient! Réclamez-la pour vous-même!"
Je me
répétais cela dans les moments de
peur.
Quarante trois semaines de
grossesse passèrent; je commençai un
débat sur les sages-femmes dans un journal
local. Je gardais mon esprit occupé.
J'appris à vérifier moi-même
mon cervix; il était déjà
dilaté à plus de trois
centimètres, réellement souple et
joliment ouvert, grâce au remarquable et
continu travail préparatoire. Je fis le
bouchon muqueux: Gloria dit qu'elle n'avait jamais
vu une femme le perdre et rester plus de quatre
jours sans donner naissance.
Une semaine plus tard:
trébuchant, triste dans la neige, je
ressentais ma grossesse comme une camisole de force
dont je ne pouvais sortir. Pourquoi n'avais-je pas
encore accouché? Il n'y avait pas de
confusion sur la date; j'avais fait un test deux
jours après celui où je m'attendais
à avoir mes règles.
Ce fut une époque
de peur intense pour moi. J'étais
terrifiée par toute la documentation
médicale, qui disait que mon
bébé ne serait pas en bonne
santé, que mon placenta
dépérirait. Comment pouvais-je faire
confiance en cette seule femme alors que tellement
d'autres auraient déclenché
l'accouchement il y a presque trois
semaines?
Enfin, une nuit, enceinte
de quarante quatre semaines, je me levai pour
uriner. En m'asseyant, je sentis un petit
éclatement! -- je faisais mes eaux!
J'appelai Gloria. Nous avons parlé
tranquillement, et elle se mit en route. Mes
enfants étaient là; je touchais leurs
cheveux alors qu'ils dormaient. Je me
préparai un bon bain chaud. Je
m'aperçus dans le miroir -- j'étais
radieuse, heureuse, belle.
Mes contractions
ressemblaient à des étreintes en
travers du ventre. Bill m'aida à sortir de
la baignoire, et mit de la musique africaine. Nous
nous embrassions et dansions. Pour la
première fois, j'étais joyeuse en
accouchant, et laissée tranquille -- pas
d'aiguilles, couteaux, doigts, crochets, ciseaux,
courroies, drogues, tuyaux, hormones
synthétiques, étudiants en
médecine, non-sens.
Et pas de pleurs! Les
larmes que j'avais toujours eues en travail
auparavant n'étaient pas dues aux hormones,
mais à l'environnement.
Mon corps travaillait
merveilleusement: chaque contraction était
élégante, et pleine de force.
Après trois heures, le temps était
venu. Je m'agenouillai sur notre couche, et
haletai, soupirai et criai pendant que mon
bébé sortait. Il pesait dix livres et
demie et il était adorable! Mon mari le prit
dans ses grandes mains chaudes, je m'allongeai sur
le dos pour le recevoir sur mon corps. Je n'ai
jamais ressenti une telle
bénédiction.
Chaque femme mérite
cela! Interférer avec cette
bénédiction doit être reconnu
comme l'acte criminel qu'il est! Une naissance
bénie est le droit de naissance de chaque
femme; une offrande de son corps à son
âme!
Mon placenta était
parfait. Une induction aurait été
brutale et inutile. J'enterrai le placenta le
quatrième jour. Je ne savais pas combien il
comptait pour moi; certaines cultures disent qu'ils
sont les corps des anges gardiens des enfants. Je
pleure encore pour tout ce qui a été
perdu.
Nous vivons des temps
étranges et sauvages -- on se rappellera de
ce siècle comme d'un siècle de guerre
et de génocide; et d'enfantement violent et
coercitif. La naissance pleure, et saigne. Nos
vagins peuvent être scrutés,
touchés, et coupés par des
étrangers. On nous fait croire que nous
devons accoucher dans des hôpitaux parfois
hostiles et la plupart indifférents,
où la norme consiste à
interférer avec les rythmes naturels de la
femme en train d'accoucher. Des comportements
émotionnels et physiques anormaux -- comme
une peur excessive, les pleurs et le stress -- qui
provoquent l'arrêt du travail, sont devenus
normaux et attendus. Les bébés sont
régulièrement blessés; et les
auteurs sont exhaltés comme des sauveteurs,
au lieu d'être vilipendés pour avoir
violenté des enfants. Une naissance sans
intervention inutile est maintenant inhabituelle,
bien que nous ayons toutes le potentiel d'accoucher
magnifiquement -- si seulement on nous laisse
tranquilles.
Il y a un siècle,
l'hôpital était
considéré comme une alternative
radicale et dangereuse à l'accouchement
à domicile avec une sage-femme. Les femmes
évitaient les docteurs et les hôpitaux
pour différentes raisons: elles ne voulaient
pas servir d'objet d'expérimentation (et
beaucoup le sont encore -- spécialement les
femmes pauvres, en minorité, très
jeunes, et/ou ne parlant pas anglais); la
fièvre puerpérale hautement
contagieuse était une réalité
meurtrière; la maladie était rampante
(et l'est encore); l'idée d'avoir des hommes
(presque tous les docteurs étaient
masculins) dans la chambre d'accouchement
paraissait dangereusement contraire à la
pudeur; les hôpitaux et les docteurs
étaient chers. Mais assez rapidement, les
docteurs devinrent les pourvoyeurs des soins de
maternité; et après un siècle
de campagne diffamatoire par l'institution
médicale, les sages-femmes et leur savoir
ont presque disparu.
Mais les femmes ne sont
plus disposées à être des pions
transportés, positionnés et
sacrifiés par la "profession"
médicale. Nous sommes de plus en plus
nombreuses, passionnées, à
guérir la naissance pour nous-mêmes;
et les grandes multipares (les femmes qui ont
porté six enfants ou plus) peuvent aider les
femmes et celles qui ont pour métier de
servir les femmes enceintes, à comprendre
les mystères et la myriade des variantes de
la grossesse et de la naissance.
La naissance à
l'hôpital doit être
considérée de nouveau comme une
alternative radicale à une naissance
planifiée à la maison. Mais si les
femmes insistent pour avoir une naissance à
l'hôpital, elles doivent envisager d'avoir
auprès d'elles constamment des personnes
expérimentées pour aider le travail,
telles que les doulas, pour "préserver la
normale" passionnément et en donnant de la
voix.
Une naissance à la
maison est le moyen évident pour
éviter toute intervention inutile. Les
sages-femmes sont pour cela potentiellement nos
plus grandes alliées; mais elles aussi
doivent résister à la tentation
d'essayer de "précipiter les choses", ou
d'interférer quand ce n'est pas
nécessaire.
Le plus important est que
les femmes doivent se rappeler que la naissance
d'un enfant est sacrée -- elle est,
après la mort, l'événement le
plus primal et le plus hormonal de nos vies. C'est
aussi le plus beau -- lorsque nous rencontrons nos
amours de bébés pour la
première fois.
Mais nous ne pouvons pas
attendre des autres qu'ils respectent et aiment nos
naissances et nos corps si nous ne croyons pas
nous-mêmes qu'ils sont sacrés. Cela me
brise le coeur que les femmes aient encore besoin
d'être convaincues qu'être
coupées et poignardées à la
naissance est une mauvaise chose en soi.
S'il vous plaît,
femmes, réclamez la naissance pour
vous-mêmes. Elle vous
appartient.
Leilah McCracken.
Rape of the 20th Century © Leilah McCracken
1998.
Version
actualisée
sur le site The Revolutionary Passion of
Mothering.