Récits

 

Naissance médicalisée : "Le viol du vingtième siècle"
écrit par Leilah McCracken.

Titre original : Rape of the 20th Century © Leilah McCracken 1998-00.

Source issue du site The Revolutionary Passion of Mothering.

Leilah McCracken est mère de sept enfants. Elle vit près de Vancouver, au Canada, et met son talent d'écrivain au service de la cause de la démédicalisation de l'accouchement.

Sept enfants sont passés par mon corps, et j'ai beaucoup à vous raconter.

Les mères ayant donné naissance à de nombreux enfants sont devenues une rareté; nous ne sommes plus celles par qui les mystères de l'enfantement étaient enseignés; nous ne sommes plus les voix de la sagesse et de la raison qui disaient aux assistants quels soins et quelle aide donner aux parturientes. Le savoir obstétrique moderne est basé sur des données hospitalières fausses; les docteurs savent comment les patientes accouchent, mais ils ne savent pas comment les femmes accouchent. Nous autres, en tant que société, avons largement oublié que l'accouchement est digne de confiance; sans grand besoin d'ingérence. La naissance est belle, passionnée, sauvage et hormonale. Mais elle est blessée. Des procédures hospitalières incompréhensiblement inopportunes, douloureuses et humiliantes ont molesté la naissance; elle saigne, et pleure. Le vingtième siècle aura été celui du viol institutionnalisé de l'enfantement.

J'ai eu le privilège -- et la malchance -- d'avoir mon premier bébé à dix-neuf ans. Privilège car mon corps était jeune et résistant; malchance parce que j'étais déplorablement ignorante par rapport à la naissance. J'ai suivi le chemin tracé; j'ai trouvé un docteur, lu beaucoup de livres sur la grossesse écrits par des docteurs, et participé à des séances de préparation où l'on me disait de toujours obéir à mon docteur.

Lors des dernières semaines de ma grossesse, j'eus des contractions de plus en plus fortes -- je pensais toujours que c'était le début du travail, mais non. Ceci devait se révéler être la racine de mon doute important face à ma capacité d'enfanter: mon corps n'était pas capable, ne savait pas quoi faire, quand il le fallait. J'ai appris des années plus tard qu'il s'agissait de travail préalable (je voudrais trouver quelque chose d'autre que ce mot "travail" [labour]). Une façon pour la nature de préparer en douceur le corps de la femme à l'accouchement.

Je perdis les eaux à quarante-deux semaines, et je me ruai à l'hôpital. Je fis connaissance de l'accouchement en milieu hospitalier avec un prodigieux jeune docteur qui me fit dévêtir, allonger sur le dos et mettre mes deux pieds sur un bassin. Il me fut demandé d'ouvrir les genoux. Il introduisit un spéculum dans mon vagin, entra à l'intérieur, vraiment au fond, et jeta un bon coup d'oeil. Il y avait deux infirmières dans la salle, regardant bizarrement. Je déclarai: "C'est la chose la plus humiliante qui ne me soit jamais arrivée." Personne ne dit rien.

Je fus ligotée pendant un temps infini au monitoring foetal. Mes contractions étaient rapprochées, irrégulières et spasmodiques, ce qui arrive très souvent chez les femmes cherchant à accoucher à l'hôpital, endroit stressant par nature (les hormones de stress ralentissent le travail, quand elles ne l'arrêtent pas).

Les vingt-quatre heures suivantes furent une suite d'interventions déconcertantes: de nombreux examens pelviens par des gens différents; le transport de pièce en pièce; l'étude du sang; une purge; un monitoring foetal obsessif; des tubes; des aiguilles; signer d'étranges formulaires. Mon docteur (par téléphone) me mit sous perfusion d'ocytocine. Mes contractions devinrent rapidement insoutenables. J'eus une péridurale, mais elle ne marcha pas (la plupart des anesthésiques locaux n'ont pas d'effet sur moi); mon enfant naquit quatre heures plus tard. J'étais affamée, épuisée, traumatisée, et enchantée de la naissance de ma fille. Mon mari pleurait de joie.

C'est la coutume en Amérique du Nord de provoquer les contractions vingt quatre heures après la perte des eaux; dans beaucoup d'autres pays, on prolonge jusqu'à une semaine. Le facteur clé de ces deux philosophies est que l'induction doit avoir lieu seulement si la naissance n'est pas imminente d'ici les vingt-quatre heures qui suivent le premier examen pelvien. Mais si aucun doigt n'introduit de possibles germes, le risque d'infection est minime. Ainsi, contrairement à la croyance la plus populaire, le pire endroit où une femme puisse aller après la rupture du sac amniotique, c'est l'hôpital: là, elle est sûre d'avoir un examen pelvien contaminant dès l'admission. Elle devrait rester à la maison jusqu'à ce que le travail actif commence, et consulter une sage-femme sur les précautions à prendre si elle choisit de ne pas accoucher chez elle.

Mon second enfant vint seize mois plus tard. Les eaux se répandirent: de nouveau, je me précipitai à l'hôpital. J'eus des contractions irrégulières et de nombreux examens pelviens. Mon enfant resté à la maison me manquait terriblement; je m'aperçus dans le miroir. "J'ai l'air tellement tragique!" me dis-je à travers mes larmes.

Rien ne se passait; mon mari sortit pour un hamburger. Un obstétricien avec un groupe d'étudiants entra; il releva ma chemise d'hôpital et planta ses deux doigts dans mon vagin. "Hummm." Il demanda à une étudiante de faire de même; "vertex (tête en bas) et dilatée à deux centimètres." L'obstétricien n'était pas d'accord. Il me fit un bon VRAI toucher vaginal, et tortilla brutalement mon utérus. "Vous avez ici un siège." Je pleurais! Des étrangers avaient nonchalamment touché mes organes les plus secrets; mon mari était parti, j'étais affamée. L'étudiante demanda si elle pouvait m'ausculter de nouveau, "dans l'intérêt de la science". J'ennuyai tout le monde dans la pièce à pleurer encore. Le docteur me dit que le bébé était en présentation transverse (qu'il se tenait latéralement).

Mon mari était de retour à présent: je me sentais meurtrie, épuisée, sans espoir; mais avec une césarienne, mon bébé serait dans mes bras en quarante minutes. Qu'auriez-vous dit?

On me fit rouler jusqu'à la salle d'opération. En tremblant, je me hissais sur la table. Mes bras furent attachés au loin; mes pieds immobilisés; mon corps rasé. Aiguilles et tubes furent introduits. Je me dis que l'on me crucifiait. Une infirmière essaya de me rassurer -- "mais avec ce genre d'incision, vous pourrez encore porter un bikini!"

A travers une forêt d'étrangers noctambules je vis mon docteur -- sous son masque, je remarquais pour la première fois ses yeux tellement maquillés. J'entendis bipper une table entière de pagers. Après quatre essais de péridurale, et beaucoup de morphine, on me donna une anesthésie spinale. L'enfant fut extrait -- je sentis dans mon abdomen une secousse d'extraction extraordinairement bizarre; je dis 'Oomph!" L'équipe soignante leva le regard, alarmée. L'anesthésiste sourit et dit: "J'aime toujours laisser une petite sensation à la mère à la naissance." C'est un garçon! Soulagement et extase m'envahirent.

Il fut emmené pour être examiné; j'entendis ses cris; je harcelais le personnel de se dépêcher pour que je puisse le tenir. L'obstétricien m'expliqua platement que j'avais ma vessie sur mon ventre, et qu'il fallait la remettre. Les couches de muscles et de graisse devaient être cousus ensemble; et ensuite mon ventre devrait être fermé et agrafé. Oh! je devais être une bonne fille!

Finalement, ce fut fait. Dans la chambre de convalescence, je nourris mon bébé au sein, à l'étonnement du personnel de l'hôpital... Au moins j'eus cela pour moi... J'appris bien plus tard que mon enfant n'était pas du tout transverse, mais en siège de Frank, les fesses venant en premier -- ce qui est le plus facile à accoucher vaginalement. On ne m'a pas dit pas la vérité. J'ai eu une césarienne pour rien.

D'après une étude publiée par le British Medical Journal, le mieux pour les enfants qui se présentent par le siège est de naître par les voies naturelles (je découvris aussi que les femmes fortes ont plus de chance d'être coupées: quand je regardais plus tard mon dossier médical, l'obstétricienne mentionna de façon répétée mon "obésité": les femmes rondes ne sont pas sujettes à des accouchements difficiles, mais elles ont plus de chance d'être discriminées). Au moins les chirurgiens ne me mirent pas sous anesthésie générale -- qui peut être fatal au lien maternel et à l'allaitement, et rend la mère encore plus impuissante.

Après une triste fausse-couche huit mois plus tard, je fus de nouveau enceinte. Lors du sixième mois, je me blessai à la main en cuisinant. Je fus emmenée d'urgence à l'hôpital, et attendis deux jours pour une microchirurgie, à jeûn et sous perfusion. Pendant que j'étais en OR mon médecin de famille téléphona pour dire que mon test de tolérance au glucose était un peu haut (j'étais éveillée car j'avais refusé l'anesthésie générale -- et oui, cela prit plusieurs essais avant de trouver le bon anesthésiant local). Je dis que je voulais un test de diabète gravidique immédiatement.

J'étais affamée lorsque je retournai à la maison le lendemain: je mangeai un gâteau d'anniversaire et plusieurs paquets de frites avec du Coca-Cola. Tôt le matin suivant, j'eus un test de tolérance au sucre de trois heures. Deux des trois niveaux les plus importants étaient élevés -- ils confirmaient le diabète gravidique. Quelle semaine! J'appris rétrospectivement que le diagnostic était une imposture: je dois m'étonner de ce personne ne m'ait demandé ce que j'avais mangé le jour précédent, et pourquoi le fait de jeûner, l'opération et le stress subits n'auraient pas eu d'incidence? Un test d'une heure pour les femmes enceintes n'est de toute façon pas concluant.

Ainsi, les mois suivants furent passés la plupart du temps en compagnie des docteurs -- en clinique orthopédique pour le suivi des soins, dans le service des diabétiques à l'hôpital, je voyais mon propre médecin de famille, ce damné obstétricien qui me fit une césarienne et me donna le feu vert pour une naissance vaginale après césarienne.

Quand vinrent les dernières semaines de grossesse, j'eus les fortes contractions habituelles, et comme j'étais anxieuse de la nocivité du diabète sur mon bébé, je partis pour l'hôpital -- je pensais qu'il fallait provoquer l'accouchement; mon corps ne remplissait pas son rôle de toutes façons. Je fus renvoyée à la maison.

A quarante-deux semaines, les contractions reprirent et le bouchon muqueux apparut (du mucus rose ou un peu de sang venant du vagin). J'allai à l'hôpital -- le col était dilaté à deux centimètres et demi, et légèrement effacé. J'étais bouleversée à l'idée d'être renvoyée à la maison; j'implorais les infirmières de faire quelque chose pour m'aider à accoucher. J'étais sûre d'être déficiente, certaine que si je n'avais pas été à l'hôpital pour les naissances précédentes, je n'aurais pas survécu. Aussi la poche des eaux fut-elle rompue. Cette naissance, comparée aux autres, se passa rapidement et facilement. Mon mari n'en revenait pas -- "C'est tout?"

Mon quatrième enfant arriva vingt-six mois plus tard (pas de diabète gravidique cette fois). Je m'étais fanatiquement préparée et j'étais extrêmement inconfortable durant cette grossesse -- préparée et inconfortable parce que je faisais de l'exercice comme une folle, même vers la fin, de peur de développer un diabète.

A quarante semaines, j'eus de légères contractions et un début de travail; je téléphonai à l'hôpital. Sur le conseil de l'infirmière, nous accourûmes, et le travail s'arrêta. Je haïssais mon corps, le jugeais stupide et inutile. Ils percèrent la poche des eaux, à un centimètre et demi de dilatation (n'est-ce pas drôle que les femmes qui accouchent à l'hôpital disent "ils" en parlant de ceux qui les assistent et les harcèlent pendant le travail et l'accouchement? Les femmes qui accouchent à la maison disent "moi", "je").

Pourtant rien ne se passa vraiment; juste de nombreuses contractions spasmodiques, insidieuses et irritantes. Je me rappelle avoir cherché un endroit tranquille pour "nider". J'avais deux infirmières obstétriciennes et un docteur (un remplaçant pour mon docteur parti au ski) assis auprès de moi à attendre littéralement chacune de mes contractions.

Une étudiante aussi: elle avait des doigts courts et trouvait difficile de d'atteindre mon cervix pendant les examens pelviens. Je plaçais mes poings sous mes hanches pour que ses doigts aient accès plus efficacement dans mon vagin. Quelle bonne aide! Rien d'étonnant à ce que je veuille rentrer, m'en aller! A chaque occasion, je voulais pleurer. Le personnel était inquiet; je leur dis de ne pas s'en faire parce que cela semblait être hormonal -- et arrivait à chaque naissance.

Mon utérus fut palpé et il fut supposé que mon bébé était en présentation postérieure -- "faisant face au pubis" (les bébés normalement naissent face à la colonne vertébrale de la mère). La douleur devint férocement intense: contractions hystériques et agonisantes, agenouillée sur le parterre de la douche avec un accoucheur homme (infirmier obstétricien) inondant le bas de mon dos au jet tiède de la douche. Mon mari me tenait la main. Je criai que le bébé arrivait. J'atteignis le lit, me laissai tomber sur le dos. Je l'expulsai en hurlant. Je jurai ne plus jamais avoir d'autre enfant.

J'appris récemment que mon bébé avaient probablement pris cette position parce que la poche des eaux avait été prématurément rompue. La plus agonisante de toutes mes naissances n'aurait pas dû se passer de cette façon.

Je déménageai pendant la grossesse de mon cinquième enfant, une année plus tard. J'eus un autre docteur. De nouveau, pas de diabète gravidique. Je dépassai la quarantième semaine (la dernière avant le terme), et l'on me conseilla une nouvelle manière de procéder qui consiste à provoquer l'accouchement au delà de dix jours d'attente après la date prévue. J'en questionnai la validité. Mon docteur me parla de risques d'insuffisance et de calcification placentaire, ainsi que ses craintes que mon bébé ne soit privé d'oxygène et d'aliments. Cela semblait raisonnable.

Neuf jours passèrent sans activité utérine excessive. J'allai à l'hôpital et fus surveillée par monitoring pendant une heure, puis du gel de prostaglandine synthétique fut appliqué sur mon cervix. Je fus libérée, mais on me dit de revenir, ou dans six heures, ou en travail.

Aussi mon mari et moi marchions, essayant de faire démarrer le travail. Je commençais à me sentir étrange, avec des élancements cervicaux et derrière le bas des jambes. Je suggérai que nous trouvions un endroit pour avoir des rapports en cachette, car il me semblait que les sensations que me donnaient le gel étaient identiques à celles ressenties en fin de grossesse lors de l'acte sexuel.

J'appris plus tard que l'idée même du gel provient en fait du sperme humain, riche en hormone de dilatation du cervix, la prostaglandine. Le sperme humain (la contrefaçon est du sperme de cochon), pourtant, est meilleur pour induire le travail, parce qu'il comporte de l'ocytocine naturelle: les sensations d'amour et l'orgasme -- que l'on peut espérer faire partie intrinsèque de l'acte amoureux -- sont connues pour stimuler la sécrétion d'ocytocine dans le cerveau de la femme (et, de manière intéressante, dans celui de l'homme). L'ocytocine est l'hormone de la naissance; la stimulation du mammelon la libère aussi en abondance.

Mon mari fit cela en vitesse; pour lui, mon vagin était devenu d'une certaine façon la propriété de l'hôpital, maintenant qu'ils y avaient touché. Nous sommes retournés à l'hôpital. En repensant à la naissance de mon quatrième enfant, j'étais terrifiée à l'idée de ce qui allait se passer.

Je fus reléguée au moniteur foetal. Un homme étrange, à l'apparence hagarde (l'obstétricien de l'hôpital) m'examina, et estima la progression de cet après-midi à deux centimètres de dilatation. Oh, je fis un commentaire disant combien il paraissait fatigué -- il me dit qu'il avait travaillé ces trois derniers jours. Avait-il dormi? demandai-je. Oui, parfois, dit-il, il y a une couchette dans le salon des docteurs. Nous devons accélérer les choses, dit-il, pour "en finir avec ce sale boulot".

Il déchira les membranes, et me recommanda de m'asseoir à moitié, pour que le cordon ombilical ne se situe pas en avant de la présentation. La procidence du cordon, souvent fatale au bébé, arrive lorsque le cordon se glisse sous la tête du bébé et sort en premier. La rupture artificielle des membranes est connue pour en être la cause! Mes bébés ont chaque fois été en danger, et personne ne m'a jamais dit comment! Où se trouvait le consentement en connaissance de cause?

Je jouai un peu aux cartes avec mon mari. Je me sentis emportée dans un endroit étrange où je n'avais jamais été; ma terreur se mua en un calme merveilleux. J'étais paisible et intériorisée, ensommeillée et reposée après chaque nouvelle contraction. L'infirmière-sage-femme qui m'accompagnait était stupéfaite. La progression était lente pour un cinquième enfant -- cela prit douze heures depuis l'application de prostaglandine jusqu'à ce que je sois transportée à la salle d'accouchement, avec six centimètres de dilatation.

La table -- même plus un lit -- était mon ennemi d'accouchement. Mes belles contractions devinrent des crampes douloureuses. Instinctivement j'amenais les mains de l'infirmière-sage-femme vers mes seins, pour stimuler l'épanchement d'ocytocine. Avec rigidité, elle enleva ses mains. Peu après, mon enfant était né. Le docteur tira sur le cordon ombilical, inexplicablement, douloureusement.

Une nouvelle infirmière arriva quelques minutes après la naissance. C'était son dernier jour de travail, à jamais, comme infirmière obstétricienne: trente-huit années d'innombrables épisiotomies et rasages, d'amour, mort, naissance et tout le saint frusquin. Elle voulait me parler d'elle et de son mari, comme les temps ont changé, pendant que j'essayais d'allaiter mon tout juste nouveau-né. J'écoutais poliment. Mon mari sortit pour fumer et donner quelques coups de téléphone. L'infirmière partit à contre-coeur après que je l'eus expédiée dehors, et je fus enfin seule avec mon enfant. Nous étions là, seuls et ravis, marqués du sceau de l'hôpital et nus, quand j'entendis les cris d'une femme accouchant dans la chambre, à mon côté. Je portai la voix: "Sortez-moi de cette chambre d'horreur!"

Nous gravîmes les escaliers et furent installés dans une chambre semi-privée. J'essayais d'allaiter et dormir, mais la femme à côté de moi avait des difficultés pour s'occuper de son bébé -- ils pleuraient tous les deux. J'entendis sonner des téléphones. J'avais faim; je devais me procurer mes propres toasts d'une kitchenette de l'autre côté du service.

J'emmenais mon bébé partout, je ne voulais pas qu'"ils" le touchent, le baignent, le pèsent ou l'embêtent. J'insistais pour tout faire moi-même. Il y avait des gens partout, dans ma chambre, dans les couloirs, à la nurserie; tout le monde vit mes seins pendants perdre du lait, mes cheveux emmêlés, mes larmes. Je me glissais dans le salon de jour avec mon bébé emmailloté dans des serviettes d'hôpital. Je m'asseyais avec lui et me lamentais, en faisant le deuil de tout ce qui était perdu! Je pleurais et m'agitais. Une infirmière entra. "Vous devriez être dans votre chambre!" Je dis: "j'ai besoin d'intimité! il me faut venir ici pour pleurer!" Je ramenais mon bébé sous mon menton.

Un an et demi plus tard, quand j'exigeai mon dossier grâce à l'Action pour la Liberté d'Information (s'il vous plaît, faites tous la même chose!), je vis que cette infirmière avait écrit que je tenais mon bébé brutalement (je le tenais serré contre moi alors que je pleurais et m'agitais). Je n'aurais jamais molesté mes bébés! On m'observait, me scrutait. Une autre infirmière m'accusa d'avoir meurtri mon enfant lorsqu'elle vit une marque de naissance sur sa jambe. Ces étrangers froids, à demi stériles, croyaient que j'exerçais des sévices sur les enfants! Même l'infirmière au visage le plus doux surveillait chacun de mes gestes, chaque gémissement, comme un faucon malveillant. Je partis peu après.

Quelques jours plus tard, à la maison, cette pensée me vint à l'esprit -- un tremblement noir et tournoyant, une condamnation -- la naissance à l'hôpital est le viol du vingtième siècle.

Les femmes sont sytématiquement, de façon routinière, et de leur plein gré agressées chaque jour par des individus et des institutions qui prétendent avoir à coeur leurs meilleurs intérêts, et la plupart d'entre elles n'ont pas la notion de ce qui est perdu. Oui, c'est un viol: de même qu'un homme force une femme à l'acte sexuel en la dépouillant de ses pouvoirs et en la blessant dans ce qu'elle a de sacré, le viol de la naissance agit pareillement. Les deux viols laissent les femmes tremblantes, furieuses et emplies de tristesse, parce qu'il s'agit du même viol. Et de la même manière que ce serait grave que nos enfants soient conçus d'un viol, c'est grave s'ils soint nés par un viol: notre sensualité la plus privée et originelle est rendue douloureusement et brutalement publique. Dans les deux cas nous saignons.

On fait saigner les femmes, de façon souvent incontrôlable, dans les hôpitaux. Elles saignent à cause de l'injection standardisée d'ocytocine dans la jambe après l'accouchement: les mécanismes naturels d'induction d'ocytocine (qui contractent l'utérus jusqu'à son retour aux dimensions premières) s'interrompent lorsque une dose massive d'hormones artificielles circule dans le sang. Et quand les hormones synthétiques se dissipent, la femme soudain s'évanouit dans une marre de sang (son utérus s'est arrêté de se contracter, et les cotylédons du placenta sont presque aussi larges et à vif qu'après l'accouchement). Un saignement excessif arrive lorsqu'il y a eu tripotage de l'utérus: les assistants impatients essaient de pousser de l'extérieur le fond de l'utérus pour expulser de force le placenta -- c'est atroce et sanguinaire. Une autre cause principale d'hémorrhagie est l'épisiotomie: la plupart du sang perdu dans un accouchement typique vient de l'ouverture artificielle du vagin.

L'épisiotomie est une invention folle, malveillante. Quand le vagin est coupé, la femme souffre: c'est un mal intense -- les femmes souvent se plaignent plus de la souffrance après une épisiotomie que de celle de l'accouchement lui-même. Les femmes pleurent pendant un mois lorsqu'elles urinent. La cicatrice peut rendre les relations intimes difficiles, souvent à vie. La sensibilité sexuelle peut être diminuée: les nerfs vont loin autour du clitoris et une épisiotomie peut les sectionner pour toujours. La blessure devient souvent douloureuse et infectée. Des femmes peuvent même devenir anémiques après la perte de sang provoquée par l'épisiotomie.

Dans certains cas, une fistule recto-vaginale se développe (un trou dans la cloison qui sépare le rectum du vagin) -- les matières fécales passent par le vagin. Ces femmes se sentent abusées, mutilées, sales -- et on leur dit souvent de consulter un psychiatre. Une opération est même nécessaire pour réparer la blessure initiale.

Les vagins sont coupés chaque jour, alors que le déchirement naturel est plus facile à supporter: moins douloureux, il guérit beaucoup plus vite qu'une coupure au rasoir ou aux ciseaux aiguisés. Les épisiotomies ne fonctionnent même pas -- elles causent des déchirements dangereux du troisième degré et sont cause pour 6% des femmes d'incontinence anale après l'accouchement: en effet, l'épisiotomie dévaste parfois jusqu'à l'anus de la femme, la rendant incapable de contrôler le transit intestinal (comment ces femmes font-elles pour vesser?).

L'épisiotomie est encore chose commune -- beaucoup de docteurs (et mêmes des infirmières sages-femmes) préfèrent ne pas mettre fin à ces vieilles habitudes et résistent à l'irradication de la plus injuste des entailles -- surtout à cause de la facilité avec laqu'elle la tête du bébé va pouvoir sortir du vagin maternel une fois que celui-ci a été tailladé. Et quelquefois, le docteur ne va même pas attendre que l'anesthésie agisse pour couper.

L'extraction artificielle, souvent utilisée conjointement à l'épisiotomie, entraîne des problèmes anaux -- tels que des hémorroïdes chroniques et douloureuses: les veines rectales de la femme enceinte sont naturellement très fines. Et lorsque la ventouse ou les forceps sont utilisés -- spéciallement lors des poussées en force, ces veines délicates deviennent engorgées, distendues et abîmées. Les hémoroïdes deviennent extrêmement douloureuses et souvent représentent une vie passée à prendre des analgésiques de commerce et à s'asseoir sur des anneaux de caoutchouc pour voir un film au cinéma.

L'utilisation des forceps affecte aussi la continence urinaire -- et parfois la vessie de la femme est tellement meurtrie qu'il en résulte des problèmes d'incontinence à vie. Et la plupart des femmes vont se fustiger pour ces difficultés affligeantes, mais jamais ceux qui les leur ont infligées.

Les ventres aussi sont ouverts. Les césariennes sont assignées pour un grand nombre de raisons, la plupart résident dans l'impatience du personel de l'hôpital. "L'échec de progression" en est la plus commune et la plus exaspérante: c'est quand le cervix d'une femme ne se dilate pas en accord avec l'idée préconçue par l'hôpital du déroulement du travail, et l'on fait littéralement pression sur elle en lui demandant de dilater. Elle est menacée d'opération si elle ne dilate pas. Naturellement son corps ne va pas s'ouvrir à la naissance dans un scénario si dangereux et stressant; si le bébé ne peut pas être expulsé par de l'ocytocine artificielle, cela sera fait par excision obstétricienne.

Une césarienne peut aussi advenir en fonction de l'observation des variations du rythme cardiaque du bébé (qui apparaît sur un moniteur foetal); ces variations peuvent induirent en erreur le personnel médical. Celui-ci croit à la "détresse foetale" qui occasionne une intervention immédiate pour extraire le bébé (des activités comme de sucer son pouce ou dormir sont la cause de sérieuses différences dans la vitesse des battements du coeur).

Ou parfois, le bébé sera vraiment en détresse à cause des remèdes ou hormones donnés à la mère (il est fréquent que l'oxygène manque au bébé lors des contractions convulsives causées par l'induction du travail, ou bien par le Démérol et les drogues péridurales). Et naturellement, les faux diagnostics sont causes de l'accouchement chirurgical.

La disproportion céphalo-pelvienne est une autre excuse communément invoquée pour une césarienne: on prétend souvent que l'ouverture inférieure du bassin de beaucoup de femmes est trop étroite pour que le bébé puisse passer. C'est un non-sens! Si tant de femmes avaient de tels pelvis inaptes à donner naissance, leurs ancêtres n'auraient pas survécus -- et les seules femmes vivantes aujourd'hui auraient des bassins extraordinairement larges! Le corps des femmes modernes n'est pas amenuisé -- elles savent donner la vie, si seulement on les laisse faire; les femmes que l'on dit incapables d'accoucher sans l'obstétrique moderne en sont probablement tout à fait capables sans intervention -- aussi longtemps qu'elles sont éloignées de toute institution, si prompte à intervenir.

Dans la plupart des hôpitaux, une femme sur cinq subit une césarienne; le chiffre peut atteindre une sur trois dans certains centres. Il ne faudrait pas dépasser 3-4%! Et la cruauté de la césarienne ne peut être minimisée par sa fréquence: les femmes devraient pouvoir se concentrer sur leur bébé, l'amour et l'allaitement dans les premières semaines qui suivent l'accouchement; pas sur les agraphes, les cathéters et les incisions douloureuses.

Après cette section (comme dans section transversale; vivisection), je connus le calvaire: essayer de prendre soin de mon nouveau-né tout en me relevant d'une opération chirurgicale majeure dans un lit dur d'hôpital fut la plus navrante expérience de ma vie: chaque mouvement était une agonie, des douleurs de gaz envahissaient mon abdomen ravagé; le cathéter dans l'urètre me faisait mal et me causait des douleurs aigües après avoir été enlevé. Je pouvais à peine bouger pour changer les langes de mon bébé, et le personnel de l'hôpital était trop occupé pour m'aider. L'adhésif qui tenait en place le tuyau pour l'intraveineuse arrachait mes poils de bras et demandait constamment à être repositionné.

Je n'avais pas le droit de manger: après l'opération, liquides pour le Jour Un, grueau pour le Jour Deux, et purée pour le Jour trois, n'étaient pas la nourriture dont j'avais besoin pour permettre à mes seins d'avoir du lait, ni pour guérir les cicatrices de mon corps ravagé. J'étais une patiente, une malade invalide, une femme de vingt et un ans qui devait faire pipi dans un sac, et qui devait maintenir son ventre avant de rouler sur le côté. J'étais impuissante à m'occuper de mon nouveau-né et je me souviendrai toujours de ses premiers jours de vie comme étant grotesquement inconfortables et pleins de tristesse. Je ne pouvais même pas me lever et me brosser les dents.

Pourquoi les risques considérables de la césarienne ne sont-ils pas discutés? Je ne connaissais même pas le danger dans lequel je me trouvais: les femmes ont jusqu'à seize fois plus de chance de mourir après un accouchement par césarienne que par les voies naturelles; la césarienne est la cause d'iléus (associé à la lésion intestinale -- c'est la perte ou le manque de coordination du péristalisme intestinal), de l'ambolie pulmonaire, du syndrome de Mendelson (aspiration pulmonaire acide); elle est à l'origine aussi des adhésions et obstructions intestinales. Le risque d'infection est grandement augmenté -- un problème important de par la prolifération à l'hôpital des microbes résistant aux antibiotiques.

Après une césarienne une femme souffre plus de dépression puerpérale. Et le traumatisme de la naissance -- si incompris que la plupart des docteurs n'en ont jamais entendu parlé -- provient des sentiments d'impuissance et de dépréciation à la suite de naissance violente à l'hôpital. Les chances d'hystérectomie dues à l'hémorragie post-opératoire sont dix fois plus élevées qu'avec un accouchement par la voie vaginale. Les femmes peuvent avoir des troubles urinaires à vie quand la vessie a été décollée de l'utérus, et les traumatismes à la vessie sont aussi communs. Des études ont montré que la fertilité féminine est affectée par la césarienne; les femmes ont de plus un risque accru de grossesse extra-utérine, de placenta praevia, de rupture utérine, et les résultats sont moins favorables pour les enfants lors de grossesses ultérieures. Après l'opération, l'allaitement et l'attachement crucial mère-enfant sont mis en péril -- non seulement à cause du traumatisme et des drogues chirurgicales, mais aussi à cause de la lenteur du rétablissement.

Un événement privé, secret et sensuel devient une crucifixion stérile dans une pièce pleine d'étrangers découpeurs et scrutateurs. Et le viol ultime est que l'on nous dit que nous couper est nécessaire. Le sacré et le pouvoir de la naissance deviennent un simple "oui, docteur" et nous devenons spectateurs de notre propre viol; nous remercions même les docteurs pendant qu'ils se précipitent à la salle d'opération.

Dans un hôpital, nous sommes sous l'emprise d'une suffisance toute-puissante et vénéneuse tandis que nous sommes dépouillées de notre intimité, de notre dignité, et même de nos vêtements. Pourtant, nous avons une confiance absolue dans nos docteurs; nous croyons en leurs bonnes intentions et dans leur respect du serment d'Hippocrate ("ne pas faire de mal"). Mais ils font vraiment du mal -- ils font du mal chaque jour. Et ils ont l'autorisation de la société de faire de nous ce qu'ils veulent.

Ceci me rappelle les enfants violés par des gens respectés en position de pouvoir: le viol, commis égoïstement par une autre génération, sans considération pour le futur des enfants, est insidieux, et les enfants croient toujours qu'ils méritent ce qui leur arrive. Le viol du corps des femmes pendant la naissance est commis pour la convenance égoïste de la médecine, avec bien peu de considération pour la santé immédiate et future des femmes. On a dit à des générations de femmes que l'abus qu'elles subissaient était nécessaire, que la naissance qui saigne est universelle, et inévitable -- à cause de la faible capacité de nos corps à fonctionner. Femmes et enfants doivent surmonter, et se taire. Cela n'est plus tolérable. De la même façon que l'autorité de celui qui fait violence est de plus en plus tenue pour responsable de la souffrance des enfants, les praticiens médicaux exploiteurs doivent avoir des comptes à rendre pour chaque point de suture, chaque coup de couteau, chaque coupure au scalpel infligée au corps d'une femme -- même des décennies plus tard.

Le motif sous-jacent pour chaque naissance à l'hôpital est la sécurité du bébé (comme si l'environement hospitalier était sain pour une vie nouvelle). On dit à la femme qu'un bébé en bonne santé est tout ce qui compte, que la fin justifie les moyens -- si elle est coupée et découpée à la naissance, alors que cela soit; que le bébé soit dans ses bras à la fin est tout ce qui importe.

Mais une femme importe: son vagin importe, son ventre importe, ses veines intactes et son périnée importent, les excréments qui sortent de son vagin importent, sa propre estime importe, son amour de la naissance importe! Ne pas permettre un accouchement intense à une femme est comme ne jamais lui permettre d'atteindre l'orgasme; c'est comme si on lui disait: "L'orgasme n'a pas d'importance, ma chère, tant que vous concevez!"

J'appelle cette sorte de rituel sacrificiel de l'intégrité, du pouvoir et de la sexualité de la naissance: "infibulation puerpérale". De la même façon que les femmes dans certaines cultures ont leur clitoris coupé et leur vulve découpée dans sa chair et cousue (infibulation), les femmes dans notre culture ont très souvent leur vagin, leur périnée, et leur ventre ouverts par les docteurs, puis sont suturées et agraphées. Dans les deux cas, les femmes sont ou bien maintenues ou attachées pour les immobiliser quand les couteaux et les ciseaux sortent -- et n'ont rien à dire quant aux conséquences.

Il est intéressant de noter que les buts sous-jacents sont les mêmes: contrôler de façon rigoureuse la sexualité de la femme (oui, l'accouchement est un événement inhérent à sa sexualité), et de protéger les enfants à leur naissance. Beaucoup de cultures pratiquant la mutilation génitale féminine insistent sur leur croyance que si l'enfant à la naissance touche les parties génitales de sa mère, il peut en mourir (d'où l'ablation des parties extérieures du sexe). En moyenne, une femme sur quatre nord-américaine est amenée à croire que si elle n'accouche pas par césarienne, son bébé peut mourir (et bien sûr le bébé ne touche ainsi pas son vagin). Ou bien que si son vagin n'est pas coupé, l'enfant peut être blessé le long du canal étroit de la naissance. Les vagins voudraient apparaître bien effrayants à beaucoup!

Les occidentaux entendant parler de mutilation génitale féminine sont catégoriques à trouver ces pratiques culturelles sinistrement arriérées. Mais comment pouvons-nous appeler la culture ancienne barbare quand nos propres actes sont si monstrueux? Qu'une femme ait son vagin coupé dans une hutte isolée ou dans un hôpital mondialement renommé est hors propos: elle a quand-même son vagin coupé, sa souffrance est sévère et elle la subira inévitablement.

Une autre raison invoquée pour la mutilation vaginale est d'assurer une ouverture étroite pour le partenaire masculin. Dans certaines sociétés, un modèle est fait à partir du pénis du fiancé. Ce modèle est introduit dans le vagin de la fiancée; puis les lèvres sont coupées et recousues aux dimensions du modèle. Chez nous, j'ai entendu des médecins dire aux femmes avant une césarienne: "Votre mari me remerciera"; ou demander aux pères avant de recoudre une épisiotomie: "Voulez-vous que je fasse un ou deux points supplémentaires pour vous?" Oui, de nos jours, pas il y a vingt ans.

L'infibulation puerpérale est aussi enracinée dans notre culture que la mutilation génitale féminine l'est dans les cultures qui la pratiquent. Ici les femmes sont forcées à donner aveuglément leurs corps de parturientes à des praticiens interventionnistes; là, elles sont avec véhémence encouragées à devenir chirurgicalement chastes. Et on nous a fait croire à toutes au bien-fondé d'une telle mutilation, obligées que nous sommes de succomber à la sublime vision de ceux qui professent être plus savants, plus sages, plus vertueux en esprit et en action que nous, simples femmes -- on nous apprend à faire confiance dans la rectitude de l'autorité, et à dédaigner notre besoin le plus fondamental de fuir.

La résistance est éminemment futile parce-que, hélas, dans les deux cultures, nos propres mères et grand-mères -- celles qui disent nous aimer le plus -- nous poussent avec le plus d'impatience dans les mains des praticiens faisant les coupures les plus cruelles; la mère castratrice l'est de par sa génération et de façon insidieuse. La vieille génération peut rarement voir l'inutilité de ce cercle douloureux -- apparemment sa propre souffrance doit être éprouvée par les jeunes générations.

Le versement du sang à l'accouchement n'est pas prêt de prendre fin -- les femmes modernes sont sérieusement réticentes à l'idée de délaisser leurs docteurs bien-aimés et l'adoration qu'elles leur portent sur l'autel de la médecine moderne. Avec une stupidité exaspérante, la plupart des femmes n'arrivent même pas à essayer de me croire quand je leur dis qu'elles n'ont pas besoin d'aller à l'hôpital pour donner naissance; elles refusent surtout de croire que l'accouchement est digne de confiance, ne nécessite ni gants, ni monitoring frénétique, ni ciseaux chirurgicaux pour accomplir sa tâche inévitable.

Les femmes infibulées puerpérales s'efforcent de trouver une raison à leur souffrance, une fin utile à chaque coup, chaque coupure, chaque découpure au scalpel. Nous avons besoin de croire dans la justesse de ce qui nous est fait. Peut-être une certaine adoration pour son docteur prend sa source dans l'histoire d'une relation de "passation de pouvoir" dysfonctionnelle -- il semble que les femmes les plus maltraitées aux mains des docteurs sont celles qui sont les plus méfiantes à renoncer à leur contrôle. (Je sais, j'étais toujours la première à me montrer bonne fille, à faire plaisir à mes docteurs; j'étais toujours pleine de zèle à pardonner leurs erreurs). Ces réactions invalidantes sont basées sur notre hystérie collective et culturelle de la naissance; la peur des femmes et leur défiance de l'accouchement sont tellement ancrées que quelqu'un parlant de la naissance comme d'un événement intime et sensuel à toutes les chances d'être craint et vilipendé.

Dire à une femme infibulée puerpérale que la naissance est belle revient à dire à une femme dont le clitoris a été tranché que la sexualité peut être érotique et orgasmique. Toutes deux penseront que vous ne savez pas de quoi vous parlez. Mais j'ai eu mon clitoris resoudé, si l'on veut, et je dois dire au monde ce qui est perdu.

Il est simplement logique de penser qu'un enfant devrait naître là où il n'y a ni hystérie ni acier inoxydable -- la maison même de la femme.

L'accouchement à la maison est sans danger: les pays avec le plus haut pourcentage d'accouchements à domicile suivi par des sage-femmes sont ceux qui ont la plus basse mortalité infantile, et où les femmes ont le meilleur résultat. Lorsqu'elles ont lieu à la maison, les interventions sont prises très au sérieux, considérées et reconsidéres avant qu'on y ait recours (à l'hôpital, la facilité avec laquelle les interventions se produisent conduit à leur phénoménale banalisation). Oui, les accouchements à domicile ne seraient dangereux que si les interventions obstétricales communes y étaient introduites.

A la maison, la femme est moins effrayée, et la peur empoisonne la naissance. La perception de la peur amène des réponses automatiques d'incapacité à accoucher: nous libérons des hormones de stress qui peuvent être toxiques au bébé et rendent l'utérus impotent; nous devenons tout à fait dépendantes, et beaucoup plus enclines à accepter des interventions que d'habitude nous abhorrons; les sensations de l'accouchement sont cruellement distordues et deviennent des contractures insupportables: à l'hôpital, l'écrasante majorité des femmes demandent des anesthésiants -- en soi ces drogues sont suffisamment nuisibles -- mais quand une femme est ou bien ahurie, incohérente, ou paralysée à partir de la poitrine, elle ne contrôle plus son propre accouchement -- et une femme droguée ne peut plus pousser efficacement. Ceci entraîne la plupart du temps l'utilisation de forceps et ventouses -- ce qui peut endommager le plancher pelvien, causer des blessures rectales et de la vessie, ainsi que des souffrances ou lésions neurologiques chez l'enfant.

Pourtant, ce qui empoisonne la naissance en premier lieu, c'est la peur. Et puisque la peur et ses associés en sabotage de l'accouchement sont si communs dans l'environnement hospitalier, ses manifestations sont considérées normales et traitables à l'infini.

En particulier, l'accouchement à la maison dans l'eau a d'excellent résultats: l'immersion dans une piscine de naissance enlève la peur et l'inconfort; les mères n'ont pas besoin d'anesthésiants artificiels; le travail est plus rapide et plus facile; les gros bébés (comme sont beaucoup de nouveaux-nés de nos jours) sortent plus facilement, et grâce au fait que les tissus du périnée restent détendus et souples, les femmes ont rarement des déchirures. Elles peuvent facilement onduler leur corps pour favoriser le passage du bébé et trouver la position optimum sans les effets encombrants de la pesanteur "sur terre". Les femmes ayant des problèmes de genoux et de dos trouvent facilement une position d'accouchement confortable.

Après avoir donné naissance chez elles, les femmes ont des souvenirs heureux de leur accouchement, et s'en remettent plus vite. Aussi, pourquoi n'y a-t-il pas plus de femmes qui accouchent à la maison, alors que le coût et le risque sont tellement minimes? Quels intérêts servent l'ignorance forcée des femmes et l'invasion rituelle de la naissance? Pas ceux des femmes, ni des bébés.

Oui -- qu'en est-il du bébé? Si le but final dans un accouchement est de donner naissance a un enfant en bonne santé -- ce qui bien sûr est le cas -- il est bien plus sage de l'avoir à la maison de toutes façons. A l'hôpital, les bébés encourent de très grands risques.

Les nouveaux-nés sont souvent blessés lors de l'utilisation des forceps ou autres lourdes techniques d'extraction; il a été démontré qu'une naissance violente rend les gens cinq fois plus enclins à commettre des sucides violents plus tard dans leur vie.

La position d'accouchement affecte le résultat: si une femme est sur le dos pour accoucher (lithotomie: la position la plus commune en hôpital), on estime que la région pelvienne se rétrécit de jusqu'à 30%: ce qui peut comprimer dangereusement la tête du bébé, et faire diagnostiquer faussement une dystocie des épaules (épaules trop larges) ou une disproportion céphalo-pelvienne (tête trop grosse), conduisant à des extractions brutales ou des césariennes.

Alors que si les femmes sont libres d'accoucher dans la position qu'elles adoptent instinctivement -- accroupie, à genoux, à quatre pattes, à moitié assise, à moitié de côté, les bébés ont tout l'espace pour sortir; et si les femmes bougent comme elles le sentent intrinsèquement en accouchant -- en ondulant, roulant des hanches, se retournant, se pliant -- les bébés sortent de la façon la plus douce qui soit. La mère et l'enfant sont une même entité, et ce que la mère préfère est ce qu'il y a de mieux pour l'enfant.

A l'hôpital, les femmes restent à plat sur le dos pour éviter de tomber des "lits" pourvus; et les médecins préfèrent la lithotomie car cela facilite l'observation et l'accès -- même s'il est reconnu que cela freine ou arrête le travail, et donc souvent conduira à des inductions artificielles.

Les contractions paralysantes produites lors d'induction par drogues (ocytocines chimiques ou prostaglandines) peuvent entraîner un manque sérieux d'oxygène dans l'environnement utérin, comme également une irrégularité du rythme cardiaque foetal (qui conduira à la césarienne pour "détresse foetale"). La douleur pousse bien souvent les femmes à utiliser des drogues, comme le Démérol avec les péridurales. Mais les bébés nés drogués souvent ne peuvent pas respirer -- et doivent être réanimés (la réanimation agressive des bébés peut percer ou faire éclater les tissus délicats des poumons, en laissant des trous).

Les bébés doivent fréquemment venir trop tôt à la rencontre du monde à cause des règles strictes de l'induction et celles électives de la césarienne (par rapport à la date butoir). Ils souffrent souvent de détresse respiratoire aigüe pour la raison suivante: les poumons d'un enfant né trop tôt sont remplis de liquide, et doivent alors être vidés douloureusement par aspiration. Un enfant peut aussi nécessiter cette intervention à cause de l'épisiotomie: quand le vagin d'une femme à été ouvert par chirurgie, il ne peut plus serrer fortement les épaules et la poitrine du bébé lors du passage dans le canal et faire sortir facilement et naturellement les fluides de sa bouche et de son nez). Pourtant, enfoncer des cathéters d'aspiration dans la gorge menue du bébé peut comprimer le nerf Vague (pneumogastrique), ce qui va ralentir le rythme cardiaque, et rendre la respiration encore plus irrégulière.

Les difficultés d'oxygénation ("détresse respiratoire", "hypoxie intra-utérine" et "asphyxie de naissance") -- bien souvent causées par les interventions obstétriciennes pendant la naissance et juste après -- sont les complications les plus communes chez le nouveau-né, et sont la cause principale de mortalité néonatale.

Pour qu'un bébé se développe, il doit être laissé tranquille lors du passage confiant et naturel de la naissance. De sorte que choisir de rester à la maison est le moyen de préserver sa santé, loin des équipements et des praticiens qui entravent si aisément et si routinièrement la naissance.

Pourquoi nous dit-on la plupart du temps d'accoucher à l'hôpital? Je crois qu'il y a une peur culturelle profonde des phénomènes naturels, spécialement du pouvoir inné des femmes; et que notre institution médicale est le reflet de notre société. Il est plus "sûr" de médicaliser la naissance que de comprendre le vrai pouvoir des femmes, le fonctionnement digne de confiance du corps des femmes.

Aussi longtemps nous considèrerons que le viol n'inclut que l'acte sexuel, que sensuel ne peut vouloir dire qu'érotique, et que le biberon est une alternative saine à l'allaitement maternel, nous ne réaliserons pas la magnificience de notre propre existence: l'orgasme amoureux, la grossesse, donner naissance, nourrir au sein, être dingue d'amour pour son bébé, tout vient des mêmes hormones; une même pâmoison des sens. Et tous ces actes nécessitent la solitude: nous avons besoin d'intimité et de dignité pour explorer nos jardins d'amour les plus secrets.

Il y a pourtant, comme toujours des exceptions à l'accouchement à la maison et à l'allaitement: une grossesse multiple, un accouchement par le siège compliqué, et certaines conditions de santé peuvent nécessiter des soins obstétricaux; certaines femmes ont des problèmes qui rendent l'allaitement impossible. Ces femmes ne devraient jamais être blâmées pour n'avoir pas été capables de donner naissance sans intervention, ni pour nourrir leur bébé au biberon.

Treize mois après la naissance de mon cinquième enfant, j'étais de nouveau enceinte. Je ne voulais plus d'une naissance à l'hôpital.

Je me mis à chercher un meilleur moyen pour accoucher. Je lus l'ouvrage extrêmement utile de Sheila Kitzinger: "Accouchement à la maison". Je contactai les différentes sages-femmes conventionnées, mais je compris qu'elles allaient trop médicaliser ma gossesse, qu'elles me donneraient trop de tests à faire et interfèreraient sans nécessité avec la naissance.

J'entendis parler de Gloria Lemay par des amis. Je lui parlai de mes expériences au téléphone; je lui demandai combien de bébés elle avait mis au monde. "Oh, je ne mets pas les enfants au monde, ce sont les mères qui font cela! Pourtant j'ai assisté plus de six cent naissances." Je lui demandai si elle toucherait ma poitrine pour moi si j'en avais besoin au moment de l'accouchement. "Je me mettrai nue sur la tête au Mondy Park si cela peut vous aider à faire sortir le bébé!" Nous avons parlé pendant des heures. Avec mon mari, nous sommes allés la voir; elle accepta d'assister ma naissance.

Je rencontrais une hostilité et une inquiétude démesurées de la part de ma famille lointaine face à mon choix, mais après avoir entendu leurs expériences de forceps, d'examen rectal et d'étriers, je compris leur peur panique. Je rassemblai tous mes dossiers médicaux, et y trouvai de nombreuses contradictions, demi-vérités et vrais mensonges qui avaient pris place dans mon histoire obstétricienne haute en couleurs.

Quarante semaines passèrent rapidement. La date limite! Quatre litres d'Aide au Travail m'attendaient dans le réfrigérateur; mon matelas était recouvert d'un tissus pour tâches de peinture -- j'étais prête. Mais rien ne se passait! Je ne peux donner naissance sans intervention!

Alors que les jours s'écoulaient sans incident, j'appelai ma sage-femme, en pleurant; "Je ne suis pas comme les autres femmes! Je ne peux accoucher!" Et elle répondait: "Bien sûr tu peux, et bien sûr tu le feras. Ton corps accouchera, que tu le croies ou non. Ton corps a su concevoir tes enfants, il a su les allaiter, et il sait comment donner naissance." "Tu as confiance en mon corps?" "Oui, j'ai confiance en ton corps." "Ta naissance sera une belle naissance." Pendant quelques temps, je la croyais. Elle me donnait ces encouragements chaque fois que j'en avais besoin.

A quarante deux semaines ma mère devint très inquiète; j'étais née moi-même presque un mois en retard: ma mère attribuait mes problèmes de vue lorsque j'étais enfant à sa grossesse trop longue. J'appelai Gloria: "Mon bébé va naître à demi-sourd et aveugle!" "Non! Ton bébé sera bien!"

Il était très actif, et avait un battement de coeur fort et régulier. J'étais en bonne santé -- ma tension était excellente, et mon régime très bon (plus de Coca-Cola et de gâteaux d'anniversaire!). Elle dit: "Je ne peux imaginer meilleur environement pour la santé de ton enfant qu'à l'intérieur de ton utérus." Pourtant, je savais que j'aurais eu un accouchement provoqué par la plupart des autres sages-femmes, et de façon certaine par n'importe quel docteur; et parfois je doutais profondément de ce que j'étais en train de faire. Je savais que presque personne ne pouvait être d'accord avec le fait que nous attendions.

Mais j'appris que quarante semaines de gestation ne sont en fait qu'une moyenne -- des femmes différentes donnent naissance selon des durées de grossesse différentes, de la même façon chaque personne et chaque naissance sont uniques. Nous naissons, apprenons à ramper, marchons et parlons à notre propre rythme; nous ne pouvons qu'apprendre et grandir selon le schéma unique de notre développement. Nul n'a le droit d'imposer des notions préconçues dans le déroulement de la naissance et de la vie.

Je devins effrayée par l'imminence de mon accouchement. J'avais peur de la douleur. Je lus un livre écrit par une autre femme pour qui la grossesse de son sixième enfant prit plus de quarante semaines ("L'Océan Né - La Naissance comme une Initiation", de Chris Griscom). Elle disait: "N'ayez pas peur! La naissance vous appartient! Réclamez-la pour vous-même!" Je me répétais cela dans les moments de peur.

Quarante trois semaines de grossesse passèrent; je commençai un débat sur les sages-femmes dans un journal local. Je gardais mon esprit occupé. J'appris à vérifier moi-même mon cervix; il était déjà dilaté à plus de trois centimètres, réellement souple et joliment ouvert, grâce au remarquable et continu travail préparatoire. Je fis le bouchon muqueux: Gloria dit qu'elle n'avait jamais vu une femme le perdre et rester plus de quatre jours sans donner naissance.

Une semaine plus tard: trébuchant, triste dans la neige, je ressentais ma grossesse comme une camisole de force dont je ne pouvais sortir. Pourquoi n'avais-je pas encore accouché? Il n'y avait pas de confusion sur la date; j'avais fait un test deux jours après celui où je m'attendais à avoir mes règles.

Ce fut une époque de peur intense pour moi. J'étais terrifiée par toute la documentation médicale, qui disait que mon bébé ne serait pas en bonne santé, que mon placenta dépérirait. Comment pouvais-je faire confiance en cette seule femme alors que tellement d'autres auraient déclenché l'accouchement il y a presque trois semaines?

Enfin, une nuit, enceinte de quarante quatre semaines, je me levai pour uriner. En m'asseyant, je sentis un petit éclatement! -- je faisais mes eaux! J'appelai Gloria. Nous avons parlé tranquillement, et elle se mit en route. Mes enfants étaient là; je touchais leurs cheveux alors qu'ils dormaient. Je me préparai un bon bain chaud. Je m'aperçus dans le miroir -- j'étais radieuse, heureuse, belle.

Mes contractions ressemblaient à des étreintes en travers du ventre. Bill m'aida à sortir de la baignoire, et mit de la musique africaine. Nous nous embrassions et dansions. Pour la première fois, j'étais joyeuse en accouchant, et laissée tranquille -- pas d'aiguilles, couteaux, doigts, crochets, ciseaux, courroies, drogues, tuyaux, hormones synthétiques, étudiants en médecine, non-sens.

Et pas de pleurs! Les larmes que j'avais toujours eues en travail auparavant n'étaient pas dues aux hormones, mais à l'environnement.

Mon corps travaillait merveilleusement: chaque contraction était élégante, et pleine de force. Après trois heures, le temps était venu. Je m'agenouillai sur notre couche, et haletai, soupirai et criai pendant que mon bébé sortait. Il pesait dix livres et demie et il était adorable! Mon mari le prit dans ses grandes mains chaudes, je m'allongeai sur le dos pour le recevoir sur mon corps. Je n'ai jamais ressenti une telle bénédiction.

Chaque femme mérite cela! Interférer avec cette bénédiction doit être reconnu comme l'acte criminel qu'il est! Une naissance bénie est le droit de naissance de chaque femme; une offrande de son corps à son âme!

Mon placenta était parfait. Une induction aurait été brutale et inutile. J'enterrai le placenta le quatrième jour. Je ne savais pas combien il comptait pour moi; certaines cultures disent qu'ils sont les corps des anges gardiens des enfants. Je pleure encore pour tout ce qui a été perdu.

Nous vivons des temps étranges et sauvages -- on se rappellera de ce siècle comme d'un siècle de guerre et de génocide; et d'enfantement violent et coercitif. La naissance pleure, et saigne. Nos vagins peuvent être scrutés, touchés, et coupés par des étrangers. On nous fait croire que nous devons accoucher dans des hôpitaux parfois hostiles et la plupart indifférents, où la norme consiste à interférer avec les rythmes naturels de la femme en train d'accoucher. Des comportements émotionnels et physiques anormaux -- comme une peur excessive, les pleurs et le stress -- qui provoquent l'arrêt du travail, sont devenus normaux et attendus. Les bébés sont régulièrement blessés; et les auteurs sont exhaltés comme des sauveteurs, au lieu d'être vilipendés pour avoir violenté des enfants. Une naissance sans intervention inutile est maintenant inhabituelle, bien que nous ayons toutes le potentiel d'accoucher magnifiquement -- si seulement on nous laisse tranquilles.

Il y a un siècle, l'hôpital était considéré comme une alternative radicale et dangereuse à l'accouchement à domicile avec une sage-femme. Les femmes évitaient les docteurs et les hôpitaux pour différentes raisons: elles ne voulaient pas servir d'objet d'expérimentation (et beaucoup le sont encore -- spécialement les femmes pauvres, en minorité, très jeunes, et/ou ne parlant pas anglais); la fièvre puerpérale hautement contagieuse était une réalité meurtrière; la maladie était rampante (et l'est encore); l'idée d'avoir des hommes (presque tous les docteurs étaient masculins) dans la chambre d'accouchement paraissait dangereusement contraire à la pudeur; les hôpitaux et les docteurs étaient chers. Mais assez rapidement, les docteurs devinrent les pourvoyeurs des soins de maternité; et après un siècle de campagne diffamatoire par l'institution médicale, les sages-femmes et leur savoir ont presque disparu.

Mais les femmes ne sont plus disposées à être des pions transportés, positionnés et sacrifiés par la "profession" médicale. Nous sommes de plus en plus nombreuses, passionnées, à guérir la naissance pour nous-mêmes; et les grandes multipares (les femmes qui ont porté six enfants ou plus) peuvent aider les femmes et celles qui ont pour métier de servir les femmes enceintes, à comprendre les mystères et la myriade des variantes de la grossesse et de la naissance.

La naissance à l'hôpital doit être considérée de nouveau comme une alternative radicale à une naissance planifiée à la maison. Mais si les femmes insistent pour avoir une naissance à l'hôpital, elles doivent envisager d'avoir auprès d'elles constamment des personnes expérimentées pour aider le travail, telles que les doulas, pour "préserver la normale" passionnément et en donnant de la voix.

Une naissance à la maison est le moyen évident pour éviter toute intervention inutile. Les sages-femmes sont pour cela potentiellement nos plus grandes alliées; mais elles aussi doivent résister à la tentation d'essayer de "précipiter les choses", ou d'interférer quand ce n'est pas nécessaire.

Le plus important est que les femmes doivent se rappeler que la naissance d'un enfant est sacrée -- elle est, après la mort, l'événement le plus primal et le plus hormonal de nos vies. C'est aussi le plus beau -- lorsque nous rencontrons nos amours de bébés pour la première fois.

Mais nous ne pouvons pas attendre des autres qu'ils respectent et aiment nos naissances et nos corps si nous ne croyons pas nous-mêmes qu'ils sont sacrés. Cela me brise le coeur que les femmes aient encore besoin d'être convaincues qu'être coupées et poignardées à la naissance est une mauvaise chose en soi.

S'il vous plaît, femmes, réclamez la naissance pour vous-mêmes. Elle vous appartient. 

Leilah McCracken.
Rape of the 20th Century © Leilah McCracken 1998.
Version actualisée sur le site The Revolutionary Passion of Mothering.

Fermer

Fermer la page
Tous droits réservés Sophie Gamelin © 2000-2005