Santé publique: pour une approche scientifique de la naissance

Ron Law <juderon@ihug.co.nz>

Publié dans Healthy Options Magazine, Nouvelle-Zélande, et sur Internet <http://www.birthlove.com/pages/public_health.html>

Le mois dernier, nous avons parlé d'une vision de la santé publique pour ce nouveau millénaire. Nous définissons la santé publique comme "la science et l'art d'améliorer la santé, d'éviter les maladies et de prolonger la vie grâce à des efforts socialement coordonnés visant à promouvoir la circulation d'informations honnêtes et bien-fondées qui aident les mères à faire des choix de vie dont il résulte un accroissement du bien-être de la société".

Le rapport sur les services de maternité publié récemment a suscité beaucoup d'acrimonie dans certains secteurs. J'ai eu la surprise de lire dans le New Zealand Herald du 1/10/99 que le porte-parole du collège des médecins généralistes (College of General Practioners) n'avait pas eu connaissance d'une étude datant de 1998, montrant qu'on obtient un meilleur résultat pour la mère et son bébé avec une sage-femme qu'avec un médecin généraliste. Le porte-parole a même enfoncé le clou en disant qu'il n'avait connaissance d'aucun travail de recherche fiable à ce sujet, apportant ainsi de l'eau au moulin de [Thomas] Kuhn lorsqu'il dit que les 'scientifiques' ont bien du mal à accepter les données qui ne cadrent pas avec leur point de vue.

Alors, que dit la littérature scientifique? PUBMED, un moteur de recherche spécialisé dans la médecine qui analyse 10 millions d'articles scientifiques de ce domaine, a révélé en quelques secondes les carences d'information de la plupart de nos conseillers en matière de santé. Essayez-le vous-même à <http://www.ncbi.nlm.nih.gov/entrez/query.fcgi>. Entrez les numéros PMID donnés ci-dessous entre parenthèses et cliquez 'go'. [Sélectionnez "PubMed" dans la boîte de recherche au sommet de la page.]

En 1998, le CDC [Center for Disease Control] (une importante agence gouvernementale des USA) a publié une enquête sur toutes les naissances non gémellaires aux USA en 1991 (No 9764282). L'étude excluait les naissances à haut risque et comparait ce qui était comparable. Leurs principaux résultats étaient terrifiants [pour les médecins]. Les risques pour un bébé de mourir dans les premiers jours de sa vie étaient de 23% supérieurs pour les [naissances accompagnées par des] médecins généralistes que pour [celles accompagnées par] les sages-femmes. Les risques de décès pendant le premier mois de la vie étaient de 50% supérieurs avec les médecins. Les risques de donner naissance à un enfant de poids insuffisant était supérieurs de 50% avec les médecins. Imaginez la une de la presse si le résultat avait été l'inverse [au détriment des sages-femmes]!

De quelque manière qu'on analyse ces statistiques, il est clair qu'une bonne politique de santé publique se devrait d'appuyer le choix préférentiel de sages-femmes non-interventionnistes pour l'accompagnement de la naissance. Ces dix dernières années, près de 75% des femmes de Nouvelle-Zélande ont choisi cette stratégie; c'est une bonne nouvelle pour les bébés, leurs mères, et la société en général.

Il y a des centaines d'articles confirmant ces résultats importants. Je vais en résumer quelques uns. Une étude de 12077 naissances (No 8027851) a révélé un taux de césariennes 50% supérieur avec les médecins, et 300% pour les épisiotomies, comparés à ceux des sages-femmes. Thacker et Banta ont mené une étude détaillée du fondement scientifique de l'épisiotomie, couvrant plus de 350 ouvrages et articles publiés entre 1869 et 1980 (No 6346168). Ils n'ont trouvé aucune justification scientifique de cette pratique. Ils ont révélé que, malgré l'absence de preuves de son utilité, l'épisiotomie était pratiquée comme une routine dans plus de 60% des accouchements en milieu médical, et dans un pourcentage encore plus grand de naissances multiples. De plus, ils ont trouvé la confirmation que la douleur post-partum et la sensation de gêne étaient plus graves après une épisiotomie. Des complications sérieuses, incluant le décès de la mère, ont été attribuées à cette procédure.

Une étude de toutes les naissances à bas risque dans l'Etat du Washington (USA) sur une période de dix ans révèle que les accouchements à domicile accompagnés par des sages-femmes étaient aussi sûrs que ceux de l'hôpital avec des sages-femmes, mais plus sûrs qu'avec des médecins (No 7857456). Le poids à la naissance était de manière significative plus faible dans le cas de naissances avec des médecins qu'avec les sages-femmes. Le taux de césariennes était approximativement la moitié, pour les sages-femmes, que pour les médecins (No 9096532). Les naissances à la maison n'avaient pas plus de risques que celles à l'hôpital, mais pour les naissances à bas risques assistées par des obstétriciens on avait plus de complications et un taux plus élevé d'interventions (No 8582490). Les raisons invoquées sont que les sages-femmes utilisent moins le monitoring foetal continu et qu'elles interviennent moins pour provoquer les contractions; les médecins prétendent à tort que ces deux interventions sont bénéfiques pour l'enfant et sa mère.

Les naissances assistées par des obstétriciens du privé avaient des taux de césariennes doubles de celles des praticiens publics (No 7778645). L'étude a montré que, parmi les patientes qui avaient eu une première césarienne avec un obstétricien du privé, 82% subissaient des césariennes à répétition. Applegate a montré que, dans le cas des naissances à bas risque, les obstétriciens font trois fois plus de césariennes que les généralistes (No 1414429). Une étude portant sur 91557 naissances a montré une corélation entre la pratique de la césarienne, les soins payants en clinique, et un niveau inadéquat de suivi obstétrical (No 8860283). Le mythe médical consiste à dire qu'une fois que vous avez eu une césarienne, vous ne pouvez vous en passer pour les naissances suivantes. Heureusement, ce n'est pas vrai. Deux études ont montré que, lorsqu'on leur en laissait le choix, 85% et 98,3% de femmes avaient des accouchements par voie naturelle [après césarienne] (No 8603247 et 9277061).

Une étude portant sur 25000 naissances pendant dix ans a montré que, dans le cas de grossesses à haut risque aussi bien que de celles à bas risque, on pouvait améliorer le soutien maternel en minimisant autant que possible les interventions obstétricales (No 2006959). Une étude comparative a révélé que 84% des mères étaient satisfaites de leur naissance lorsqu'elles étaient accompagnées par des sages-femmes, alors que 60% de celles assistées par des médecins estimaient que le service était inadéquat (No 3214491).

Les risques de décès de la mère pendant l'accouchement sont de 200 à 400% plus élevés si elles ont subi une césarienne, et les complications postnatales augmentent de 500 à 1000% dans ce cas (No 8272901). Il n'y a aucune preuve que les hôpitaux soient un meilleur endroit pour les naissances à bas risque. Par contre, il y a des preuves du contraire (No 7857456).

En d'autres termes, les bénéfices escomptés de l'intervention dans l'accouchement font partie des mythes véhiculés par la médecine moderne, s'appuyant sur le paradigme qu'en l'absence d'intervention médicale les mères et les enfants sont en danger. Or c'est le contraire qui est vrai... Plus on médicalise le processus de la naissance, avec la technique, les interventions et les soins médicaux spécialisés, plus on fait courir de risques à la mère et à son bébé.

Voulons-nous une société qui mette sciemment en danger les enfants et les mères? Dans l'intérêt d'une bonne politique de santé publique, les familles qui ont choisi des sages-femmes pour accompagner la naissance de leur enfant devraient être félicitées. La littérature scientifique établit clairement que la naissance est un processus naturel qui devrait être encouragé, et qu'on devrait presque toujours laisser se dérouler naturellement. Les sages-femmes expérimentées savent à quel moment il faut demander de l'aide ou faire appel à des soins experts adaptés à la situation.

Traduit par Bernard Bel


Ron Law enseigne la gestion à la Faculty of Business, Auckland University of Technology, Nouvelle-Zélande. Il est aussi directeur général de la National Nutritional Foods Association. Auparavant, il a enseigné la biochimie clinique pendant 10 ans à l'Auckland Health [Institute?]. Il lit avec grande attention la littérature médicale depuis 30 ans.


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