Le clampage du cordon ombilical

Clamping the umbilical chord (Prof. Peter Dunn)

AIMS Journal 16, 4, 2005

Traduit par Paula Meyer pour l'AFAR

Le professeur Peter Dunn de l'école de médecine de l'Université de Bristol souligne que lors de la collecte de sang ombilical pour une banque de stockage il est important de prendre en compte les intérêts de l'enfant. Après tout, prélever 100 ml de sang à un nouveau-né est équivalent à prendre 1.4 litres à un adulte.

La découverte, dans les années 1980, que le sang du cordon ombilical constituait une source riche en cellules souches hématopoïétiques (donnant naissance aux cellules du sang) qui pouvaient aider des enfants atteints de maladies telles que la leucémie, a donné lieu, dans les années 1990, à la collecte organisée de sang. Le sang est généralement conservé dans des banques de sang ombilical jusqu'à ce qu'on en ait besoin et, dans certains pays, l'achat et la vente de sang ombilical sont commercialisés.

Dans la recherche du consentement à la collecte de sang ombilical, les mères étaient généralement informées du fait que, une fois le cordon clampé, le sang contenu dans le placenta n'était plus d'aucune utilité à leur bébé mais pouvait aider à sauver un autre enfant. Cependant, cette information négligeait la discussion du moment de la ligature du cordon (clampage), et l'incidence que cela peut avoir sur la circulation ombilicale transitionnelle à la naissance, sur le volume sanguin du nouveau-né, sur l'adaptation du foetus à la vie dans le monde extérieur et sur l'expulsion du placenta.(1-3).

Les collecteurs de sang ombilical destiné à la conservation préfèrent prélever un volume de 100 à 200 ml. A cette fin, la ligature précoce du cordon est recommandée, tel que l'illustre la déclaration suivante du Sunday Times (mars 1996) : Il est préférable que la sage-femme coupe le cordon dès que possible afin de nous permettre de prélever autant de sang que nous pouvons (autrement il s'écoule vers le bébé).

L'objectif du collecteur est trop souvent fortuitement aidé par le fait que beaucoup d'obstétriciens et de sages-femmes pratiquent déjà le clampage précoce du cordon, soit pour "se débarrasser" du bébé et expédier la délivrance du placenta, pour obtenir des échantillons de sang ombilical artériel et veineux pour une évaluation acide base et sang gazeux, ou pour transférer l'enfant en salle de réanimation.

Ainsi, une directive obstétricale typique en la matière déclare : "Un segment du cordon doit être isolé avant la première respiration, car en moins de 10 secondes de respiration néonatale les gaz du sang ombilical peuvent radicalement être modifiés."

Maintenant examinons comment cette intervention potentiellement iatrogène peut affecter le bébé à cet instant critique de sa vie.

L'adaptation cardiorespiratoire de la naissance dépend principalement d'une ventilation adéquate des alvéoles (minuscules sacs d'air) qui conduit à une diminution de la résistance vasculaire pulmonaire (la résistance sur les artères pulmonaires vers la circulation sanguine des poumons). Il en résulte une grande augmentation de circulation de sang vers les poumons et de sang oxygéné du côté gauche du coeur et de la circulation systémique.

Puis cela conduit à des modifications secondaires dans la circulation, comprenant la fermeture de deux voies le foramen ovale (communication OG-OD) et le canal artériel (communication entre artère pulmonaire et aorte) qui permettent au sang de court-circuiter les poumons pendant la vie foetale et comprenant aussi l'arrêt de la circulation ombilicale.

L'élément clef de cette adaptation semble être le remplacement du liquide intrapulmonaire qui remplit les alvéoles avant le travail par de l'air. L'évacuation de liquide intrapulmonaire se fait en partie grâce à un flot de catécholamines (substances semblables à l'adrénaline) qui accompagne le travail. Cela supprime la sécrétion de liquide intrapulmonaire et favorise son absorption. La compression thoracique qui se produit lors du passage de la poitrine de l'enfant durant la deuxième étape du travail (80 mm Hg ou plus), aide aussi à presser le liquide hors des poumons vers la bouche ou le nez, ou lui permet d'être avalé.

Après l'accouchement, le liquide intrapulmonaire restant s'écoule principalement à travers les canaux lymphatiques vers la veine centrale au niveau des clavicules, propulsé par l'effet de «traite » de la respiration. Si le liquide intrapulmonaire n'est pas suffisamment dégagé pendant et assez tôt après la naissance, cela peut conduire à une variété de syndromes de maladaptation, dont les plus connus sont les syndromes de détresse respiratoire principalement associés aux prématurés, et la tachypnée transitoire du nouveau-né qui est plus communément vue chez les enfants à terme (5-7).

Un facteur majeur qui contribue à la maladaptation foetale à la naissance est la ligature prématurée d'un cordon ombilical battant vigoureusement avant l'établissement de la respiration. Cette intervention diminue la basse résistance de la circulation placentaire et conduit à une forte augmentation de la pression sanguine systémique de l'enfant. En présence d'une haute résistance vasculaire pulmonaire persistante, le coeur peut, dans ces circonstances, montrer une défaillance transitoire avec une augmentation de la pression veineuse pulmonaire et centrale.

Une pression veineuse pulmonaire élevée peut alors mener à un oedème pulmonaire, avec diffusion (sortie) des protéines plasmatiques. Cela, à son tour, provoque l'inactivation et le délogement du surfactant (une substance recouvrant les alvéoles et essentielle à la prévention de l'écrasement des alvéoles), et augmente la tension de la surface qui, surtout avec les prématurés, peut mener à des complications médicales telles que le syndrome de détresse foetale avec la formation de membrane hyaline (fuite des protéines plasmatiques vers les alvéoles) ou une atélectasie secondaire (écrasement des alvéoles).

Cependant, une pression veineuse centrale élevée fait obstacle à l'écoulement lymphatique du fluide pulmonaire, cette situation sera exacerbée si l'enfant est réanimé ou nourri en position tête en bas (1-3). Même un enfant à terme habituellement résistant peut être sérieusement exposé. Lors du passage par le canal de la naissance, un transfert du sang a lieu du bébé vers le placenta. Cette transfusion fétoplacentaire, avec une partie du volume sanguin placentaire normal, retourne ensuite au bébé après la délivrance et a un rôle important à jouer pour une adaptation normale. Mais la ligature précoce du cordon interrompt ce processus, piégeant environ 100 ml de sang en plus de ce qui serait le cas si le clampage du cordon était retardé jusqu'à ce que la pulsation du cordon cesse. Comme 100 ml de sang dans le foetus à terme sont équivalents à 1,4 litres de sang pour un adulte, il n'est pas surprenant d'observer que, après la ligature précoce du cordon, le nouveau-né présente des signes typiques d'hypovolémie (volume trop faible de sang dû à une perte excessive) et d'hypotension (tension excessivement basse) (2-8).

La Fédération Internationale de Gynécologie et d'Obstétrique (FIGO), dans le cadre du Comité pour les aspects éthiques de la reproduction humaine et de la santé de femmes, a étudié les aspects éthiques de la collecte de sang ombilical lors de sa réunion au Caire en 1998. Leur conclusion a été la suivante : (9)

Les renseignements que les mères reçoivent actuellement lors de la demande de consentement (pour la collecte de sang ombilical) est que le sang dans le placenta n'est plus utile au bébé et ce « sang gaspillé » peut aider à sauver la vie d'une autre personne. Ces renseignements sont incomplets et ne permettent pas un consentement éclairé. Le clampage précoce du cordon après la délivrance vaginale a des chances de priver le nouveau-né d'au moins un tiers de son volume sanguin normal, et causera ainsi un trouble hémodynamique.

Ces facteurs peuvent conduire à une morbidité sérieuse (maladie).

Pour un consentement éclairé, les effets préjudiciables du clampage précoce du cordon devraient être expliqués et la mère devrait être assurée qu'il n'y aura pas de clampage précoce du cordon.

Donc, en conclusion, lorsque les mères sont sollicitées pour autoriser la collecte de sang pour une banque, elles devraient être averties de ce conseil de la FIGO et avoir l'assurance que le cordon ombilical ne sera pas clampé au moins avant 20 à 30 secondes après la délivrance afin de donner une chance au bébé de respirer et de recevoir une transfusion placentaire partielle, et ainsi d'avoir une volumétrie normale (volume sanguin normal) en retrouvant le sang qui avait été temporairement « perdu » par le transfert de sang au placenta pendant la seconde étape de l'accouchement.

Le clampage tardif du cordon

Quelques mères peuvent indiquer qu'elles ne souhaitent pas que le cordon ombilical soit ligaturé avant qu'il ait cessé de battre. Une telle situation peut impliquer un délai de 10 minutes ou plus. Alors que cette pratique a l'avantage d'éviter l'interruption de la circulation placentaire transitoire après la naissance, elle peut se heurter à la gestion active de la troisième étape du travail et compliquer la réanimation, si le bébé n'arrivait pas à respirer spontanément.

De plus, le clampage tardif du cordon avec le placenta toujours dans l'utérus conduira à une transfusion placentaire totale.

En conséquence, le bébé peut devenir polycythémique (lorsque le sang devient collant et ne circule pas bien en raison d'un nombre excessif de globules rouges) une complication associée à l'hyperviscosité du sang ainsi qu'une hyperbilirubinémie (jaunisse).

Dans des circonstances idéales, la mère accouche dans la position verticale. Avec la mère se mettant à genoux, le placenta - plus petit par la transfusion de sang vers le bébé - sera habituellement délivré en quelques minutes pour être déposé à côté du bébé. ä ce moment-là, la respiration aura été établie. Si, à la suite d'une grande transfusion placentaire, la circulation du bébé est hypervolémique, alors le sang en excès peut retourner du bébé vers le placenta.

Lorsque la pulsation du cordon ombilical a cessé, la ligature et le coupage du cordon ombilical peuvent avoir lieu sans risque (10). Alors que les collecteurs de sang ombilical pour une banque préfèrent des prélèvements de 100 ml ou plus, il est peu probable qu'avec le clampage tardif du cordon le placenta conserve un volume adéquat pour leurs besoins.

Références

  1. Dunn PM. Perinatal factors influencing adaptation to extrauterine life. In Belfort P, Pinotti JA, Eskes TKAB (eds). Advances in Gynecology and Obstetrics, Vol 5, Pregnancy and Labor. Proc 12th World Congr Obstet Gynec, Rio de Janeiro, Oct 1988. Carnforth: Parthenon Publishing, 1989; 15: 119-23
  2. Dunn PM. The third stage and fetal adaptation. In Clinch J, Matthews T (eds). Perinatal Medicine. Proc IX Europ Congr Perinat Med, Dublin, Ireland, September 3-5, 1984. Lancaster: MTP Press, 1985: 47-54
  3. Dunn PM. Stress failure of pulmonary capillaries at birth. Lancet, 1993; 341: 120
  4. Botha MC. The management of the umbilical cord in labour. South Afr J Obstet Gynaecol, 1968; 6: 30-3
  5. Dunn PM. Caesarean section and the prevention of respiratory distress syndrome of the newborn. In Bossart H et al. (eds) Perinatal Medicine. 3rd Europ Congr Perinat Med, Lausanne, 1972. Bern: Hans Huber, 1973; 138-45
  6. Hofmeyr GJ et al.Periventricular/intraventricular haemorrhage and umbilical cord clamping. South Afr Med J, 1988; 73: 104-6
  7. Kinmond S et al. Umbilical cord clamping and preterm infants: a randomised trial. BMJ, 1993; 306: 172-5
  8. Dunn PM. Tight nuchal cord and hypovolaemic shock. Arch Dis Child, 1988; 63: 570-1
  9. FIGO Committee for the Ethical Aspects of Human Reproduction. Ethical guidelines regarding the procedure of collection of cord blood (1998). In Recommendations on Ethical Issues in Obstetrics and Gynecology. London: FIGO, 2000: 42-3
  10. Dunn PM. Early versus late clamping of the cord. In Gellis SS (ed). Year Book of Pediatrics 1967-1968. Chicago: Year Book Series: 16-7

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