La naissance de Charlie

Kiley Myers

Source: Charlie's Birth, <http://www.birthlove.com/pages/csec_vbac/charlie.html>

Je considère l'enfantement comme une chose normale pour les femmes. Les bébés savent par quel chemin ils doivent passer, et mises à part de rares exceptions ils y arrivent eux-mêmes si nous les laissons faire. Je ne vois pas cela comme une source de tracas pendant 9 mois (comme ça a été le cas de mes trois précédents accouchements). Je conçois que c'est un travail physique difficile, mais pas difficile à comprendre et à mettre en ¦uvre. Ce n'est pas plus difficile à comprendre que comment se rendre à la selle.

Même pour comprendre la plupart des complications on n'a pas besoin d'un entraînement poussé (bien que leur solution puisse requérir un entraînement, etc.). Je veux dire, tard dans la grossesse vous commencez à saigner: est-ce que vous avez besoin d'être sage-femme pour savoir que ce n'est pas une bonne chose et rechercher de l'aide? Bon sang, ça ne tient pas debout! Le cordon est enroulé autour du cou du bébé: est-ce que vous avez besoin de plusieurs années d'études et de pratique pour vous rendre compte que le bébé sera gêné pour respirer, et pour savoir comment vous y prendre pour le dérouler? De toute manière, je conçois l'enfantement comme une chose normale, ça peut mal tourner mais ce n'est pas fréquent. La plupart du temps, pour éviter des problèmes nous finissons par en créer de nouveaux, comme avec les touchers vaginaux et les infections, etc. Simplement, je ne vois pas de raison de se prendre la tête en pensant à la naissance... Ce qui est vraiment formidable c'est le bébé! Les bébés sont merveilleux!

Tant de gens m'avaient prédit que je ne pourrais jamais accoucher par voie naturelle... Après tout, je suis petite, j'ai pas mal d'embonpoint et un bassin minuscule (quand je perds des kilos ça devient très difficile de trouver des vêtements assez petits), les bébés dans ma famille pèsent normalement 8 à 10 livres à terme [3,6 à 4,5 kg], et j'avais déjà subi deux césariennes. Apparemment, n'importe qui pouvait trouver dans cette liste une raison suffisante de me cataloguer "à risque" et décréter que je ne pourrais jamais connaître un accouchement normal.

Mais profondément, avant la naissance de mon troisième enfant, je savais que je pouvais enfanter... Du moins, à condition de ne pas avoir quelqu'un près de moi qui ne serait pas absolument sûr que je puisse le faire, et qui ne soit pas pris de panique si mon accouchement se déroulait autrement que ce qui est décrit dans les manuels. Ce savoir intime a été le point de départ de la recherche de ce qui pour moi pourrait être la naissance idéale.

Mes deux premiers accouchements avaient été de terribles épreuves à l'hôpital. Pour mon premier enfant, j'avais de la tension artérielle et j'ai été déclenchée à 34 semaines. Après cinq jours de pitocine, en l'absence de progrès, on m'a percé la poche des eaux. Alors le compte à rebours a commencé jusqu'à la césarienne.

A ma seconde grossesse j'étais fermement décidée pour un AVAC [accouchement vaginal après césarienne]. J'en ai parlé à mon médecin -- elle y était favorable et m'a dit qu'il n'y avait aucune raison de penser que j'en serais incapable. Ensuite le taux de sucre dans mon sang a augmenté et on a diagnostiqué du diabète gestationnel. A 40 semaines on m'a dit qu'il FALLAIT me déclencher; et comme j'essayais de m'y opposer, ils m'ont dit qu'ils allaient placer mon premier enfant dans un foyer -- car "évidemment" n'importe quel parent digne de ce nom se doit d'obéir aux ordres de son médecin. Je savais que ce n'était pas juste: mon taux de glucémie n'était pas assez élevé pour mettre mon bébé en danger, et j'avais fait très attention à mon alimentation. Mais je n'avais pas d'autre choix que d'accepter le déclenchement.

J'ai négocié pour qu'on me permit d'être active après le déclenchement, apparemment une première dans cet hôpital. Après deux jours très intenses sous la pitocine (eh oui, deux jours sous pitocine avec un utérus cicatriciel, qui grâce à Dieu ne s'est pas rompu) je n'avais toujours pas progressé. J'ai entendu un docteur homme plus âgé et malpoli, que je n'avais même pas rencontré auparavant, me dire que le moment était venu pour la césarienne. Au lieu de cela, j'ai demandé une péridurale, pensant que je me relaxerais et que quelque chose se passerait. Ils ont accepté, disant que de toute manière ils voudraient que j'aie une péridurale pour la césarienne. Ça ne m'a pas vraiment détendue mais ça à permis à un interne très gentil de faire un examen interne très agressif. Elle a trouvé des tissus cicatriciels qui semblaient empêcher la progression. Elle m'a demandé si elle pouvait les enlever, j'ai donné mon accord. J'ai commencé à progresser, mais lentement. Ma pression sanguine a diminué dangereusement à cause de la péridurale, et il m'a fallu de l'épinéphrine pour me revigorer.

Finalement je suis arrivée à la dilatation complète, prête à pousser! Mais à ce moment, une femme médecin -- qui quelques jours plus tôt m'avait fortement poussée à la césarienne, décrétant que tenter un AVAC dans mon cas était une perte de temps pour tout le monde -- est arrivée en décrétant et que c'était elle qui était de service maintenant, et on m'a transportée en chariot vers le bloc opératoire. Ce qui a complètement arrêté mon travail. Me voilà dans une souffrance terrible, attachée à des tubes et des appareils de contrôle, allongée à plat dos à dilatation complète mais sans aucune contraction pour m'aider à aller plus loin. J'ai eu une seconde césarienne.

Cette seconde césarienne a été horrible. Il faisait froid dans la pièce, j'étais gelée, mes bras étaient attachés comme si on m'avait crucifiée à plat dos. Ils m'ont donné cette horrible substance qui me faisait terriblement vomir, et qui faisait TRÈS mal à mon abdomen sensible. La péridurale n'a pas vraiment bien marché et il a fallu bricoler. La traction sur mon bébé et sur mon utérus pour l'extraction a été très troublante et violente. J'ai eu l'impression d'être écartelée, bien que je ne ressente aucune douleur, heureusement. Je sanglotais la plupart du temps.

Ensuite ils n'ont pas voulu me montrer mon bébé, malgré mes supplications de le voir au moins un court instant. Il n'y avait aucune raison médicale de m'en empêcher, car il avait un score Apgar de 9,5 dès le début, et bien que son taux de glycémie soit légèrement faible, il était loin des limites qui auraient pu justifier la séparation du bébé et de la mère.

Alors que j'étais encore allongée attachée, ils l'ont emmené à l'unité de soins néonataux intensifs où on l'a gardé. Ils m'ont dit qu'ils ne me le rendraient pas tant qu'ils ne se seraient pas assurés de ma compétence en tant que parent, à savoir tant que je n'aurais pas décidé de lui donner du LAIT ARTIFICIEL! N'est-ce pas la chose la plus montrueuse qu'on puisse entendre? Ils ont fourré une tétine dans sa bouche et l'ont nourri au biberon contre ma volonté. Depuis le jour où je l'ai tiré de cet horrible endroit, il n'a jamais revu une tétine ni du lait artificiel, et encore moins n'en a bu. Je remercie Dieu qu'il ait pu s'intégrer aussi bien à la famille après tous ces traumatismes.

Ensuite j'ai été enceinte pour la troisième fois. Pendant ma grossesse, mon mari Ed insistait pour que nous ayons de nouveau une naissance à l'hôpital. Nous avons cherché une sage-femme/infirmière (CNM) qui voudrait bien me prendre en charge sans m'imposer des interventions inutiles. Nous pensions en avoir trouvé une. Mais à chaque visite je pleurais. Chaque fois que nous passions près de l'hôpital, à sept blocs de notre domicile, je pleurais. Chaque fois que nous parlions de naissance, je pleurais. Ensuite, vers la 15e semaine la CNM m'a dit que mon accouchement avait besoin d'un monitoring poussé et qu'il faudrait que je passe par un grand nombre d'examens supplémentaires. Nous avions fait appel à elle parce qu'elle avait accepté de ne pas m'imposer tout cela, mais à présent le ton de son discours avait changé. Même en sachant que c'était la meilleure personne que l'hôpital pouvait nous proposer, j'ai compris que je ne pouvais pas continuer à la voir. Nous sommes repartis à la recherche d'une autre solution.

J'ai envisagé d'accoucher à domicile, comme je l'avais toujours souhaité. Ed résistait à cette idée -- il avait toujours considéré la naissance comme quelque chose qui se passe à l'hôpital. Mais il m'a entendu dire à ma soeur que tout ce que je souhaitais vraiment c'était d'accoucher à la maison, dans ma baignoire, sans assistance, et que si je mettais ce projet à exécution Ed n'aurait qu'à s'y plier. Je pense que ça l'a effrayé assez pour qu'il accepte que j'accouche en centre de naissance [birth center], un compromis acceptable pour lui. Et pourtant, avant même que nous n'ayons commencé à en chercher un, il avait déjà décidé que nous pourrions tout aussi bien accueillir le bébé à la maison.

C'est alors que j'ai "rencontré" Leilah McCracken. Des gens m'ont fait connaître son site web et m'ont recommandé de lui envoyer un email au sujet de ma recherche d'une sage-femme, en lui demandant conseil sur la naissance non-assistée. J'ai été profondément émue par ce que j'ai lu sur son site et lui ai envoyé un mot à propos de mes propres accouchements et de ce que j'étais en train de chercher. Elle est devenue un véritable soutien pour moi. Alors que je savais qu'elle est favorable aux naissances à la maison sans sage-femme, jamais elle ne m'a jamais incitée à tenter cette expérience, et elle a tout fait au contraire pour m'aider à trouver une sage-femme. Elle m'a soutenue en respectant ma liberté de choix. Une fois épuisé l'annuaire téléphonique à la rubrique "sages-femmes", elle m'a encore envoyé des noms et adresses d'autres sages-femmes, ainsi que des adresses provenant d'autres répertoires. C'était était très dynamisant pour moi!

Mais même avec son aide nous avons eu toutes les difficultés à trouver une sage-femme. Nous n'avons jamais trouvé quelqu'un qui puisse nous accepter en nous faisant pleinement confiance. Au mieux elles pensaient que nous pourrions "essayer" un AVAC... mais je n'avais aucune intention "d'essayer", j'allais le FAIRE. Je savais qu'aborder l'allaitement maternel avec cette attitude "d'essayer" finissait presque toujours par le biberon, et je me rendais compte qu'en abordant la naissance avec la même attitude je m'orientais une nouvelle fois vers une césarienne, avec le long, difficile rétablissement qui s'ensuivrait.

Mon mari n'est pas stupide, il savait tout cela lui aussi. Il savait instinctivement comme moi que je pouvais accoucher par voie basse après mes césariennes; et il savait aussi qu'aucune de ces personnes ne finirait par me le "laisser" faire -- qu'elles finiraient par trouver "quelque chose" justifiant la césarienne: ou bien le bébé serait trop gros, ou bien la grossesse serait "trop longue", etc. Certes il voulait vraiment que nous ayons une sage-femme avec nous, mais il ne se sentait pas prêt à faire un compromis avec une qui ne soit pas motivée à 100% comme nous l'étions.

En définitive, c'est sa croyance en ma capacité d'enfanter, et ce qu'il avait perçu des gens pensant le contraire, qui m'ont permis d'accoucher comme j'en avais toujours rêvé. Ed avait créé un espace où je me sentais en sécurité pour faire ce dont j'avais besoin... Finalement, son soutien et celui (par téléphone) de mon amie bien renseignée sur la naissance, Maka Laughingwolf, ont été les seuls appuis lors de mon accouchement, et c'est tout ce dont j'avais besoin.

A 43 semaines et 4 jours, je me suis réveillée à 6 heures du matin alors qu'Ed partait au travail. Nous échangions des caresses et je n'arrêtais pas de le repousser pendant les contractions. Il m'a proposé de rester à la maison, plutôt que d'aller travailler, pour voir si le moment était venu, mais j'ai insisté pour qu'il aille travailler au moins pour quelque temps. Je sentais que même si c'était le moment, il vallait mieux vaquer à nos occupations habituelles aussi longtemps que possible. Je me suis allongée sur le côté gauche, esseyant de me rendormir, et j'ai pu bien me reposer entre les contractions.

Vers 10 heures Ed m'a appelée et je lui ai demandé de rentrer. MAINTENANT. Nos garçons sont âgés de 2 et 4 ans, et je sentais le besoin qu'il m'aide à les garder. Ed est revenu et s'est mis à la recherche de son exemplaire de "The Birth Partner" ["Le partenaire de la naissance"]. J'ai proposé qu'on aille faire un tour avec les enfants. Nous avons marché et ça m'a fait du bien. Pendant les contractions je m'appuyais sur lui en nous rappelant que c'était une bonne chose, c'est comme ça que les bébés sortent.

Nous avons pris le déjeûner dehors, ce qui était une bonne distraction. La serveuse habituelle de notre petit restaurant local ne s'est même pas doutée que nous étions en travail. Nous sommes rentrés à la maison, j'ai essayé de m'allonger de nouveau sur le côté, sur notre lit, ensuite je me suis mise dans le bain. Nous ne mesurions pas le temps entre les contractions, d'une certaine manière nous ne nous sentions pas de tout quantifier. Je n'avais jamais eu des contractions régulières pour les garçons, de sorte que nous pensions que ce serait peut-être la même chose cette fois. Nous avons pensé que la meilleure approche serait de laisser le travail se dérouler sans chercher à mesurer quoi que ce soit.

Le soir venu, le travail était très intense et je passais beaucoup de temps dans le bain. Quand je n'étais pas dans le bain, je me mettais sur le ballon d'accouchement, ou je m'inclinais au dessus. Je l'avais mis sur le fauteuil à bascule que nous avions déplacé dans la salle de bain pour l'accouchement, et je me sentais bien en me penchant dessus en position debout.

La plupart du temps le bébé est resté en position postérieure. Quand les contractions devenaient vraiment intenses, je me mettais à quatre pattes dans la baignoire tandis qu'Ed soulageait le bas de mon dos par des massages. Ses bras étaient assez courbaturés quand le bébé est sorti! Ça a été une longue et difficile nuit.

Finalement, Ed est allé dormir un peu, et moi aussi j'ai essayé de m'endormir dans la baignoire. Bien qu'Ed m'ait sans cesse laissé à portée du jus de fruit et de l'eau à boire, à un moment je me suis déshydratée. Le travail est devenu insupportable. Je me suis forcée à avaler toutes les boissons qu'Ed avait laissées pour moi sur le bord de la baignoire, et immédiatement je me suis sentie beaucoup mieux. Ça a été le plus mauvais moment de tout le travail!

Le jour suivant, les contractions ont continué de s'intensifier. A un moment j'ai vraiment senti le besoin de pousser. J'ai essayé de sentir si la tête du bébé se présentait, mais je ne l'ai pas trouvée. J'ai essayé de résister à mon envie de pousser, pensant que c'était trop tôt. Mais j'ai bientôt réalisé que je ne pouvais pas résister. Après quelques bonnes poussées, j'ai senti comme une explosion entre mes jambes: je venais de perdre les eaux! J'ai regardé l'eau du bain. Elle était pleine de petits morceaux de vernix, assez trouble -- mais blanche, pas marron ni verte. J'ai de nouveau essayé de toucher la tête du bébé et le cordon, etc. Je n'ai senti aucun cordon (aille!) mais quelque chose de très dur avec des cheveux, et de longs lambeaux de la poche des eaux.

A ce moment j'ai eu très peur. Je savais que c'était normal, mais pour quelque raison j'avais besoin de l'entendre dire par quelqu'un d'autre. J'étais très fatiguée et pas vraiment avec les idées claires. Je pense qu'il y avait quelque chose en moi qui savait que la partie angoissante du travail allait commencer, LE PASSAGE, et que tout allait devenir encore plus intense et vraiment rapide. J'ai appelé Maka Laughingwolf qui m'a tranquillement fait savoir que tout cela était normal, que ça lui était arrivé à elle aussi, et que le bébé était arrivé peu après, bien que ça ne veuille pas dire que ce serait la même chose pour moi.

Il était environ midi. En bas des escaliers j'ai entendu mon garçon de quatre ans demander qu'on l'emmène faire la sieste. C'est en enfant qui déteste les siestes et qui fait tout son possible pour les éviter... Ed, content, a fait monter les garçons et les a installés pour la sieste, ils ont tourné un moment puis ils se sont endormis. Pour nous c'était un miracle, et pas des moindres!

A ce moment la douleur était constante. La pression sur mon os pubien était formidable. Je me suis allongée sur le dos dans l'eau, le cambrant pour permettre à la tête du bébé de se mouler sur l'os pubien -- je voulais que la gravité le pousse vers le bas en le faisant passer! J'avais fait l'expérience de cette étape du travail lors de mon second accouchement, à l'hôpital, juste avant qu'on l'interrompe et que je subisse la césarienne. Mais ils n'était pas question que ça se reproduise, alors que j'étais seule et chez moi. Je dirais que la douleur était 5% de celle que j'avais éprouvée à l'hôpital, alors que la péridurale était arrêtée et que toutes les machines émettaient des bips, dans une pièce froide sous une lumière intense, etc. Faire cela à ma propre manière, dans une pièce obscurcie, flottant dans de l'eau chaude, était tellement plus facile!

Peu de temps après, le passage "terrible" était terminé, et je me remettais à pousser! Le passage n'avait pas été si éprouvant, après tout, peut-être pas aussi douloureux que la déshydratation dont j'avais fait l'expérience.

Je n'avais rien préparé pour les poussées. J'avais l'intention de laisser mon corps travailler tranquillement à son propre rythme. Or cette force sauvage envahissait mon corps de temps en temps, et je poussais -- je n'avais pas le choix. J'avais peur de me déchirer en morceaux, mais la force était irrésistible. Il n'y avait aucun signe récurrent m'avertissant de son retour.

J'ai gardé deux doigts en contact avec la tête de mon bébé. Aussitôt que la pression sur mon pubis s'est apaisée, je me suis glissée sur le côté gauche et me suis tassée au fond de la baignoire dans cette position accroupie bizarre, je m'y sentais bien. La tête du bébé jouait à faire coucou. Dès qu'il s'est arrêté de remonter entre les contractions j'ai dit à mon mari qu'il ne s'inquiète pas s'il voyait venir un peu de sang. Le bébé était vraiment en train d'arriver maintenant...

Pendant tout cela, Ed était mon pilier. Quand tout est devenu intense au point que des pensées de transfert à l'hôpital ou de césarienne me prenaient, Ed était là et me disait que je pouvais le faire. Il dit que j'ai raconté des choses assez loufoques mais il ne veut pas les répéter. Je n'en ai pas de souvenir, quoique je me rappelle avoir eu quelques pensées assez sauvages. Ed était tout à fait calme, sachant toujours si j'avais besoin d'aide ou s'il fallait qu'il me laisse tranquille. Il n'a cessé de me fournir des boissons et de quoi manger, et m'a rappelée de rester hydratée.

Quand le crâne du bébé s'est présenté nous avons tous deux commencé à nous sentir plus fébriles. Ça y était, nous le faisions, il n'y avait plus aucun retour en arrière possible! Je sentais "l'anneau de feu". Aucune d'hésitation, celui-ci était en train de venir dans le bon sens!

Quand sa tête est sortie nous étions assez dingues! Je voulais me redresser mais je n'ai pas trouvé de position qui puisse aller avec notre baignoire. Il aurait fallu que je me déplace au bassin d'accouchement qu'Ed avait préparé pour moi, mais c'était trop tard maintenant! Finallement je me suis mise dans une position ramassée et j'ai mis les mains d'Ed sur la tête de son bébé. Je lui ai dit que le bébé arrivait et qu'il faudrait qu'il vérifie le cordon. Mais avant de détecter le cordon il a trouvé une oreille, et ça l'a vraiment amusé. Je n'oublierai jamais l'émerveillement et la joie sur son visage... Je pense que c'est à ce moment là que le bébé est devenu quelque chose de réel pour lui. Jusqu'alors ça voulait dire pour lui s'occuper de moi et me protéger contre un nouvel accouchement à l'hôpital. A présent, il se rendait compte qu'il avait un nouvel enfant en train de naître, et la fête a commencé!

Je l'ai entendu dire "pas de cordon" au moment où le besoin impérieux de pousser s'est de nouveau fait sentir. Il affirme qu'il avait dit en fait "Attends, attends, il y a un cordon", ce à quoi j'aurais répondu: "Il y a toujours un cordon!" Ensuite le bébé s'est propulsé au dehors, à travers l'eau, franchissant nos mains qui s'apprêtaient à le recevoir! Autant pour le "risque" de dystocie d'épaule (dont on m'avait prévenue un grand nombre de fois vu que mes bébés sont gros et pas moi). Aucun de nous deux ne se doutait que cette poussée serait la dernière, mais voilà, il était là!

Je l'ai attrapé, soulevé, et nous nous sommes tous deux mis à pleurer de joie. Nous nous sommes embrassés et avons câjolé le bébé, qui est devenu tout rose et semblait prendre plaisir à cette célébration. Ed est allé voir l'heure, il était 2 heures de l'après-midi, deux heures depuis que j'avais perdu les eaux et que les phases finales avaient commencé.

A ce point nous devions certainement ressembler aux Keystone Cops. Je ne savais pas s'il fallait me lever ou m'asseoir. Nous avons vidé la baignoire et remis de l'eau propre. Nous nous sommes préparés à couper le cordon tout en sachant que nous ne voulions pas le faire trop vite. Alors nous nous sommes aperçus qu'il ne battait plus, de sorte que ça devait être bien de le couper. Nous n'arrêtions pas de rire et de nous dire, quel accueil parfait dans notre famille!

Alors que j'étais debout là, couverte de sang et de vernix, le cordon pendu entre le bébé et moi, Arthur (4 ans) est descendu et a vu son frère pour la première fois. Très vite, toute la famille s'est rassemblée et a craqué pour le bébé. Arthur voulait assister à la naissance depuis qu'il avait découvert que j'étais enceinte. Toutefois, il est retourné dans sa chambre jusqu'à ce que je me sois nettoyée. Je pense qu'il était simplement heureux d'être à la maison et de pouvoir venir me voir de temps en temps. Son frère de 2 ans était juste content de tout, et il l'est toujours. C'était tellement moins perturbant pour lui que sa propre naissance, ou celle de son frère aîné!

Nous espérions que le placenta sortirait immédiatement, mais ce n'a pas été le cas. J'avais l'impression de perdre une terrible quantité de sang. Ed a commencé à vraiment s'inquiéter. J'ai rappelé Maka, qui nous a rassurés disant que c'était normal, parfois le placenta ne sort pas si vite, et que tout allait bien tant que je ne me sentais pas étourdie ni tremblante. Je me sentais plutôt bien, pour quelqu'un qui avait enduré un travail et une naissance si longs et intenses, de sorte que nous nous sommes résignés à attendre. Le placenta a mis deux heures à sortir. Sans Maka, je crois que Ed -- qui avait été si solide jusqu'à ce point -- aurait insisté pour un transfert.

Nous avons décidé de nommer notre garçon Charles Michael et de l'appeler Charlie. Charlie est la mascotte de ses frères, qui ne peuvent pas attendre qu'il commence à marcher et à jouer avec eux. Charlie est un champion de la têtée -- il a pris le sein sans aucun problème, à l'inverse de ses frères à qui on avait administré des tétines et des biberons à l'hôpital. Il grandit à vitesse folle, et il change déjà si vite que je n'arrive pas à m'y faire. Voilà moins de deux semaines que j'ai accouché et je me sens en pleine forme (y compris le bas de mon corps) -- ça n'a rien à voir avec ce que je sentais après mes césariennes.

La recherche d'une situation juste, puis la naissance elle-même ont transformé toute notre famille. Notre vie de couple ne sera jamais la même -- nous avons découvert de nouveaux niveaux d'amour et de compassion l'un pour l'autre. Nos enfants aiment profondément leur petit frère, autant que nous. Quand mon second enfant est né, je suis restée une semaine à l'hôpital. Il a fallu deux semaines pour que mon premier enfant se remette à communiquer avec moi. Alors que cette fois il était ici, il savait ce qui se passait, et il sentait qu'il y avait sa place. Ce bébé a été dès le départ un membre de notre famille, et n'a jamais été un "petit étranger" dans notre logis. Charlie est exactement là où il faut. C'est vraiment une bénédiction pour nous.

(Traduit de l'anglais par Bernard Bel)


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