Le sang placentaire, un commerce juteux...

Blood money for what? (Prof. Naomi Pfeffer)

AIMS Journal 16, 4, 2005, p.6-9

Traduit par Paula Meyer pour l'AFAR

Le professeur Naomi Pfeffer explique pourquoi les banques de sang privées non réglementées sont une menace d'exploitation des femmes enceintes.

Est-il judicieux de conserver le sang du cordon ombilical de votre bébé dans une banque ?

Les responsables de banques privées de sang ombilical voudraient que les mères enceintes le croient. Les banques de sang ombilical du Royaume-Uni appellent cela un choix «qui sauve la vie » ; la compagnie Smart cells déclare qu'elle procure aux familles une tranquillité d'esprit supplémentaire.

Mais les experts mettent en garde contre le gaspillage d'argent que cela représente ; les jeunes parents peuvent certainement trouver de meilleures façons de dépenser un millier de livres. L'image que ces compagnies en dépeignent est, au mieux idéalisée, au pire mensongère.

Leur matière promotionnelle exagère la probabilité qu'un enfant succombe à une maladie potentiellement mortelle, transforme des questions scientifiques complexes sans réponse en «faits» établis et présente de fausses déclarations sur leur efficacité thérapeutique.

Où cela a-t-il commencé ?

Jusqu'à présent, les placentas étaient jetés sans y repenser. Mais parce qu'ils contiennent de trois à cinq onces de sang ombilical, lequel est riche en cellules souches, les placentas sont passés du produit sans intérêt à une ressource potentiellement précieuse.

Personne ne connaît la vraie valeur des cellules souche : beaucoup des déclarations faites à leur sujet sont hautement spéculatives. Les cellules souches sont au centre du développement normal de l'homme et ont deux propriétés uniques : la capacité se renouveler elles-même et la capacité de se différencier en l'un des 200 et quelque types de cellules du corps, tel que cheveux, nerfs et sang.

Les autres cellules sont incapables de se remplacer et sont renouvelées à partir d'autres sources ; Elles sont aussi différentiées c'est à dire dédiées à devenir un type particulier de tissu.

On trouve les cellules souches dans les embryons, les fotus, le sang placentaire (cordon ombilical) et la moelle osseuse. Les cellules souches des premiers stades embryonnaires sont totipotentes (non spécialisées), et ont la capacité de devenir n'importe quel autre type de cellule.

Cette plasticité diminue avec le développement de l'embryon. En effet, les cellules souche du sang placentaire sont multipotentes c'est à dire que leur capacité à devenir un autre type de tissu est plus restreinte que pour les premiers stades de l'embryon.

La plasticité des cellules souches adultes est encore plus limitée mais, avec le temps, les scientifiques seront peut-être capables à de les dédifférencier en «remontant l'horloge » et en les faisant se comporter à nouveau comme des cellules non spécialisées.

Les cellules totipotentes sont considérées comme les plus précieuses, mais elles sont aussi les plus controversées car on les trouve dans les embryons dits «de rechange» ou «surnuméraires» créés en laboratoire lors des traitements in vitro contre l'infertilité (FIV).

Les adversaires de la recherche sur cellules souches embryonnaires s'opposent aussi à la conservation des cellules souches de fotus avortés. Quelques questions complexes relatives au consentement et à la propriété sont soulevées avec la conservation du sang de cordon ombilical qui n'est pas celui de la mère, mais du bébé.

La recherche sur les cellules souches aux USA

L'acteur Christopher Reeve, qui a joué Superman dans le film en 1978, a soutenu une campagne, avant sa mort prématurée, pour contrer le refus du Président des USA George W. Bush d'autoriser la recherche fondamentale fédérale ou publique utilisant les cellules souches humaines. La publicité qui entoure la campagne a véhiculé l'impression que toute recherche sur les cellules souches était interdite aux USA, mais, en fait, elle peut et a lieu avec d'autres sources de financement privées. Cependant, lorsque la recherche est motivée par le profit, des conclusions précieuses sont immédiatement commercialisées et souvent, les produits résultant peuvent devenir trop cher pour que la plupart des gens puissent en bénéficier.

Par contre, le Royaume-Uni autorise la recherche utilisant des cellules souches de toute ou n'importe quelle source, sous réserve que les chercheurs obtiennent une autorisation du Human Fertilisation and Embryology Authority (HFEA) soutenu par le Medical Research Council (MRC) avec 4.5 millions de Livres Sterling annuels sur l'argent des contribuables.

Toutes les découvertes issues de leur investissement seront, on l'espère, librement disponibles pour le NHS.

Christopher Reeve avait espéré que la recherche sur les cellules souches aurait permis de trouver une solution pour réparer les blessures de colonnes vertébrales telle que celle dont il a souffert en tombant de son cheval. D' autres personnes prient pour qu'elle génère des traitements contre les maladies dégénératives communes, actuellement incurables, y compris la maladie de Parkinson et celle d'Alzheimer, mais aussi pour qu'elle trouve des moyens de favoriser le développement des cellules souches en cellules qui pourraient être utilisées dans la régénération d'autres tissus malades et endommagés. Un jour, par exemple, il pourrait être possible de faire grandir un nombre relativement faible de cellules souches en un très grand nombre de cellules pancréatiques qui produiraient de l'insuline et guériraient le diabète.

La transplantation

Il est difficile de faire la part des choses entre le grand battage publicitaire et la réalité dans la recherche sur les cellules souches. Pendant plus de deux décennies, les cellules souches ont été utilisées avec succès pour traiter des maladies du sang potentiellement mortelles en particulier, la leucémie.

Dans ce cas, le traitement implique la transplantation de moelle osseuse collectée sur un volontaire dont le type tissulaire est le plus proche possible de celui du receveur. Un membre de la famille est habituellement souhaitable ; autrement, les médecins consultent une banque de donneurs afin de trouver un donneur compatible qui n'est pas de la famille. L'Anthony Nolan Trust, une oeuvre de charité formée en 1974, détient le plus grand registre de cellules souches du Royaume-Uni et aide les personnes, n'importe où dans le monde, à trouver un donneur.

Le HFEA a changé ses règles en juillet 2004 et autorise maintenant les tests sur les embryons créés en laboratoire pour détecter si l'un d'entre eux est compatible pour un frère ou une sour souffrant d'une maladie du sang potentiellement mortelle. La première transplantation réussie de sang ombilical d'une fratrie a été réalisée en 1989 pour l'anémie de Fanconi, une maladie du sang extrêmement rare.

Les cellules souches de sang ombilical paraissent avoir des avantages sur les cellules adultes : elles sont moins susceptibles d'être contaminées par des virus, et il y a un risque inférieur de réactions du greffon contre l'hôte (GVHD), une condition potentiellement mortelle qui survient lorsque le nouveau système d'immunité du receveur commence à attaquer son corps. Parce que le sang du cordon ombilical contient comparativement peu de cellules souches, il est plus approprié pour les enfants, mais les nouvelles techniques l'ont rendu utilisable aussi pour des receveurs plus âgés et donc plus nombreux.

Quelques banques privées de sang ombilical, présentent dans leurs documents promotionnels une liste d'environ 40 maladies qui, déclarent-ils, pourraient exiger une transplantation de sang ombilical. Heureusement, souvent ces maladies d'enfance listées sont extrêmement rares.

Cependant la fréquence est sans incidence. Le propre sang ombilical de l'enfant peut être d'une compatibilité parfaite, mais il sera inutile comme greffon pour les maladies héréditaires car ces cellules souches comporteront inévitablement le même défaut qu'il est supposé guérir.

Nous savons aussi maintenant que la plupart des leucémies chez l'enfant peuvent être détectées par des défauts dans les cellules souches qui apparaissent lorsque le bébé se forme dans l'utérus. Un autre argument pour ne pas utiliser les cellules souches propres de l'enfant pour traiter des situations cancéreuses telle que la leucémie, est que les cellules souche d' un donneur différent auront un effet anti cancer que ses propres cellules n' ont pas.

Et sans l'aide d'une boule de cristal, il y a peu de raisons de garder le sang ombilical au-delà de trois années et 10 au cas où le bébé développerait une maladie associée avec la vieillesse, tel que la maladie d'Alzheimer surtout que personne ne sait à l'heure actuelle sait si les cellules souches congelées restent viables sur une période de temps aussi longue.

Les banques publiques de sang ombilical

Les banques publiques de sang ombilical conservent le sang pour n'importe quelle personne qui pourrait en avoir besoin, sans tenir compte de leur identité ni de leur lieu de résidence. La demande est faible, environ un pour cent du sang conservé est utilisé chaque année. Mais la collection continue à assurer qu'il y a une compatibilité pour pratiquement toute personne nécessitant une greffe. Dans une banque de 20.000 dépôts une compatibilité peut être trouvée pour quatre personnes sur cinq.

La donation à une banque publique de sang ombilical est un geste altruiste. ä l'heure actuelle, il en existe quatre au Royaume-Uni. La plus grande est détenue par le National Blood Service Unit dans le Nord de Londres ; elle détient du sang ombilical de et pour à la fois des enfants blancs et des enfants de minorités ethniques (l'appartenance ethnique est parfois importante pour la compatibilité donneur receveur).

La banque de Newcastle rassemble de et pour principalement une population blanche Nord européenne alors que la banque dans Bristol se concentre sur l' hématologie et la transplantation expérimentales. Pour des raisons logistiques, les collections sont restreintes aux hôpitaux proches de ces banques.

De plus, un protocole strict est observé. Un document au sujet du don de sang ombilical est distribué aux femmes lors de leur rendez-vous de réservation dans lequel il leur est expliqué que si elles sont disposées à participer, elles seront interrogées et testées pour s'assurer qu'elles remplissent bien les critères de sélection des donneurs du NHS Blood Services. Elles doivent rester en contact avec la banque au cas où le bébé développerait une maladie, mais aussi afin qu'elles puissent être informées de toute découverte fâcheuse relative à son sang. La collecte est effectuée par du personnel spécifique, et non par les sages-femmes s'occupant de la femme, car cela pourrait les empecher de s'occuper pleinement de la maman et du bébé.

Les banques de sang ombilical

Placer le sang ombilical d'un bébé dans une banque privée le sort d'un altruisme public et le privatise. Cela coûte aussi très cher. Pour un paiement initial de £150, Future Health vous enverra un kit de collecte - un sac et une aiguille - et vous ouvre un compte. Certains hôpitaux prélèvent une contribution pour la collecte (bien que les coûts de retour au laboratoire à Nottingham soient inclus dans les £150) alors que d'autres refusent de le faire car ils ne soutiennent pas les banques de cordon privées.

Le coût suivant est de £900 acquitté pour réaliser les tests de viabilité, bien que cette charge ne soit appliquée uniquement si le sang collecté est suffisant et non contaminé. Le stockage du sang ombilical coûte £35 par an avec Future Health, ou un forfait de £300 pour 20 années, pour un total se montant à £1350. En novembre 2004, Future Health était le seul opérateur privé à être accrédité par le Department of Health. Il est en concurrence avec Smart Cells qui offre un forfait de £1250 (couvrant le coût du kit, du traitement et du stockage pour 25 années) et and UK Cord Blood Bank, qui propose un forfait légèrement moins cher.

Les banques privées de sang ombilical remplissent-elles leur promesse d'assurance maladie ultime ?

Lorsque la proposition de loi sur le tissu humain sera votée dans le futur proche, les banques privées de sang ombilical devront obtenir une licence du futur Human Tissue Authority et satisfaire ses exigences sera un business juteux. Ils demanderont des installations dernier cri et des preuves de conformité avec un strict respect des codes de pratique. Il est possible que beaucoup des petites banques ne passent pas le test de l'inspection et fermeront.

Les banques privées de sang ombilical qui offrent d'entreposer le sang d'un bébé jusqu'à 25 années éludent la question. Smart Cells International, précédemment connu sous le nom Cryo-Care (UK) Limited se prévaut d'adhérer aux directives d'accréditation du UK Department of Health mais cela ne garantit pas qu'il sera capable obtenir la licence.

Il est difficile connaître la position de UK Cord Blood Bank. Comme la filiale du New England Cryogenic Center à Boston- Massachusetts, fournisseur de donneurs de sperme qui n'a pas mis à jour son site web depuis qu'il a été lancé à Londres il y a quatre ans.

En manquant de fournir des informations claires et objectives au sujet des banques de sang ombilical - publiques ou privées -, le gouvernement du Royaume-Uni est coupable d'excuser l'exploitation des femmes enceintes. N'est-il pas temps que l'honnêteté et véracité des déclarations faites par ces banques de sang ombilical dans leurs publicités soient examinées sur par l'Advertising Standards Authority ?


Une thèse sur le même sujet...

Par François Drouin, étudiant au doctorat à l'Université Laval et stagiaire du Réseau de cellules souches. Sa thèse doctorale porte sur la bio-ingénierie des cellules souches.

Banque de sang ombilical

Un sujet qui intéresse de plus en plus les nouveaux parents est celui des banques de sang ombilical. La question que de nombreux parents se posent est s'ils devraient conserver le sang ombilical de leur nouveau bébé.

Durant la grossesse et l'accouchement les nouveaux parents sont souvent plus susceptibles d'être les victimes d'un marketing qui cible leurs émotions. Il est donc important de bien s'informer au plus tôt.

Par sang ombilical, on entend celui qui reste dans le cordon ombilical après la naissance de l'enfant. Ce sang est particulièrement riche en cellules souches.

Il y a deux moyens de conserver le sang ombilical. Le premier consiste à en faire don à une banque publique sans but lucratif. Le sang est alors disponible à n'importe qui. Il n'y a aucune garantie que le donneur y aura accès s'il en a besoin.

L'autre moyen est de le confier à une entreprise de banque de sang à but lucratif qui encourage les parents à conserver le sang ombilical de leur enfant au cas où l'enfant - ou un autre membre de la famille - en aurait besoin. Dans 75% des cas, toutefois, le sang conservé pourrait être incompatible avec la fratrie.

Il y a plusieurs avantages à conserver le sang ombilical. D'abord, l'intervention ne fait pas mal et est « sans risque » pour le bébé et la mère, tandis qu'un prélèvement de moelle est une expérience éprouvante et plus risquée puisqu'il faut, règle générale, une anesthésie générale et une intervention chirurgicale.

En deuxième lieu, si une greffe est nécessaire, le receveur est le donneur, et il n'y a donc pas de risque d'interaction entre les maladies de la greffe et l'hôte. Ces maladies apparaissent lorsque les cellules greffées attaquent celles du receveur, ce qui dans les cas les plus graves peut être fatal pour le receveur.

Si le receveur n'est pas le donneur mais est étroitement apparié, la tolérance aux cellules du sang ombilical est nettement supérieure à la tolérance aux cellules obtenues de la moelle. Le risque que les cellules souches soient porteuses de maladies infectieuses est plus faible puisque le donneur nouveau-né a vraisemblablement été exposé à peu d'agents pathogènes. Par ailleurs, tous les dons de sang ombilical sont examinés pour dépister la présence d'un grand nombre de pathogènes sanguins en vue d'augmenter la sécurité des échantillons prélevés.

Enfin, de nombreuses recherches sont menées actuellement sur les cellules souches, lesquelles pourraient aboutir à de nouvelles applications pour le sang ombilical conservé dans des banques.

Il y a naturellement aussi quelques désavantages qui méritent d'être relevés. Il se peut qu'il n'y ait pas suffisamment de cellules disponibles par cette méthode pour donner une greffe à un adulte. Il faudrait dans ce cas utiliser des techniques plus conventionnelles.

Il y a le risque qu'un médecin - ayant moins le sens de l'éthique - clampe le cordon ombilical trop tôt, ce qui a pour effet de produire plus de sang ombilical, mais aussi de priver le nouveau-né d'une transfusion de sang placentaire, une cause potentielle d'anémie qui pourrait se manifester subséquemment.

Le sang ombilical conservé comporte aussi un autre inconvénient. En effet, si une greffe s'avérait nécessaire, les cellules extraites du sang ombilical pourraient ne pas être utiles, en particulier si le lot de sang spécifique a une faiblesse qui entraînera une rechute.

Selon certaines études, la « prise » d'une greffe à base de sang ombilical serait plus longue.

Enfin, il n'y a qu'un seul moment pour conserver le sang ombilical, c'est-à-dire à la naissance.

Alors, les nouveaux parents devraient-ils envisager de conserver le sang ombilical?

La décision est personnelle. Si l'argent n'est pas un obstacle, la démarche peut être envisagée comme une assurance contre des pathologies éventuelles. Généralement, les médecins recommanderont de conserver le sang ombilical si la famille a de forts antécédents de maladies particulières.

Faire don du sang ombilical à une banque publique pourrait sauver une vie grâce à un tissu qui est habituellement jeté. Actuellement, il n'y a qu'une seule banque publique de sang ombilical au Canada; elle est en Alberta. Il faudrait peut-être envisager la conservation du sang ombilical lorsqu'il s'agit d'une minorité ethnique ou raciale. Trouver un donneur de moelle apparié peut se révéler plus difficile dans ces cas-là.

Questions importantes pour la science...

http://www.stemcellnetwork.ca/guide/focus_fr.php?id=83


Sites Internet et associations francophones pour une approche « citoyenne » de la naissance