Sites Internet et associations francophones pour une approche « citoyenne » de la naissance

Au secours : vite...

Rédiger un article sur la naissance en France, c'est s'atteler à une tâche complexe. En effet, le constat actuel de la naissance dans notre beau pays est affligeant, pas moins...

Pourquoi? D'abord car les résultats ne sont pas bons. La mortalité périnatale de 7 pour mille est tout juste dans la moyenne européenne, la mortalité maternelle est élevée et nous place dans les derniers rangs européens, le taux de prématurité augmente. Et pourtant la «sécurité» est maximum nous dit-on. En effet, on accouche à l'hôpital -de préférence un CHU-, par «prudence », les césariennes représentent 18% des naissances et les forceps 15%... sans compter l'épisiotomie (coupure préventive du périnée), pratiquée dans 75% des cas...

Ces chiffres sont ahurissants pour un phénomène NATUREL! Ils s'expliquent par la formation reçue et par la pression médico-légale énorme qui font que les professionnels de la naissance pensent plus à ne pas avoir de procès qu'au mieux naître des enfants de leurs patientes. Mais aussi, par le fait du stress considérable (sans prise en charge réelle psychologique) provoqué par une naissance en milieu hospitalier souvent mal connu et dans des endroits réalisant plusieurs milliers de naissances par an avec l'anonymat qui en découle.

Par ailleurs, la politique de naissance actuelle prônée par quelques professeurs parisiens du XVIe arrondissement (qui sont aussi experts auprès des tribunaux, tant qu'à faire...), vise à la fermeture des petites structures de naissance, plus conviviales, à la diabolisation de la naissance à domicile, de la naissance aquatique et j'en passe. Bref, l'Inquisition frappe devant les tribunaux tous les «déviants», au moindre problème, même sans faute. Le but de la politique française de la naissance est le regroupement des naissances dans des gros centres régionaux pouvant réaliser jusqu'à 4000-5000 naissances par an. Stressants, déshumanisants, avec de plus le problème des infections nosocomiales (opportunistes) et des résistances bactériennes qui se développent rapidement dans ces endroits de grande concentration humaine et donc microbienne.

Enfin, le problème de la douleur de l'accouchement est confié exclusivement à la péridurale, alors que nous savons que le taux de 40% actuel de péridurales est à son maximum compte tenu de la pénurie d'anesthésistes. Sachons de plus que celle-ci augmente les taux de forceps et de césariennes. Quid des 60% restants? Pas de problème, la morphine, et puis des fois, «c'est pas si douloureux ».

Voilà, terrible non? Mon histoire professionnelle et mon implication dans le domaine de l'accouchement aquatique m'ont fait prendre conscience de tout cela et de la détresse de beaucoup de futures mamans obligées de se plier à la norme imposée, faute d'alternative et de choix. Ce constat ne prend en compte que les critères objectifs. Et le psychisme et la psychologie? Et le vécu de cet événement initiatique qu'est la grossesse et son aboutissement, l'accouchement?

Il est de plus en plus évident pour les personnes éclairées que la prise en charge personnalisée de la grossesse et de l'accouchement est fondamentale pour la suite de l'existence de l'enfant à naître et de la maman. Les conséquences sur le mental d'une grossesse stressée, mal accompagnée et d'un accouchement violent, douloureux, brutal, sont indélébiles et source de stress, d'inquiétude, de paranoïa dans l'existence future, et parfois de maladies somatiques inexpliquées à distance de la naissance. Bref, médicalement parlant et psychologiquement parlant, cela ne va pas du tout.

Que faire ?

Un pays voisin nous donne des indications intéressantes sur les pistes à suivre pour améliorer les résultats et mettre un peu de psychologie dans la prise en charge de la grossesse et de l'accouchement : il s'agit des Pays-Bas. Ses résultats sont meilleurs que les nôtres avec un fonctionnement totalement différent. Dans ce pays, on considère la grossesse et l'accouchement comme des phénomènes a priori normaux, et non pas l'inverse comme chez nous, où celui-ci est considéré comme pathologique d'emblée, jusqu'à preuve du contraire, ce qui implique une médicalisation excessive et déshumanisante. Aux Pays-Bas, environ 30% des naissances se passent à domicile.

Ce qui est certain, c'est l'urgence du changement de la politique de naissance car les choses s'aggravent. Aussi les pistes sont les suivantes:

  1. Virer les responsables actuels incompétents de la politique de la santé et de la naissance: politiques et experts parisiens, médecins imbus de leur pouvoir, administratifs.
  2. Faire enfin inclure dans les enseignements des écoles de sages-femmes et des futurs obstétriciens des méthodes prometteuses non encore enseignées: Accouchement à domicile - selon les critères hollandais facilement transposables -, accouchement aquatique, haptonomie, acupuncture... etc.
  3. Laisser le choix du mode de naissance en développant les méthodes alternatives aux naissances hospitalières universitaires : accouchement à domicile, aquatique, haptonomie, acupuncture, maisons de naissances, en développant des formations spécifiques.
  4. Maintenir l'existence des petites structures de naissance en leur donnant les moyens humains de travailler correctement.
  5. Réserver les grands centres hospitaliers universitaires aux grossesses et aux accouchements pathologiques en les libérant du poids des accouchements normaux qui ne devraient pas y avoir lieu pour les raisons déjà mentionnées (stress, infections).
  6. Développer l'hospitalisation à domicile obstétricale qui permettra un retour rapide de la maman et du bébé dans leur habitat s'ils le souhaitent après la naissance. La prise en charge médicale est équivalente mais le coût est considérablement inférieur à celui de l'hospitalisation actuelle d'une moyenne de 4 jours (entre 800 et 1000 euros/jour selon les lieux, pour environ 760000 naissances par an en France... Faites le calcul)
  7. Prendre en compte l'exceptionnelle dimension psychologique pour la maman et l'enfant à naître en proposant un suivi personnalisé de la grossesse et de l'accouchement. Bref, réinjection de l'humain à la place de la surmédicalisation actuelle systématique, source de stress et donc d'événements iatrogènes : ne pas tout sacrifier à la technique.
  8. Développer la prise de conscience de la population sur la perversité du système actuel par le travail actif des associations citoyennes, notamment par le biais de la communication par les médias et Internet (ex: le portail http://naissance.ws)
  9. Revoir les formations d'accoucheurs, car la plupart de ceux-ci sont d'abord chirurgiens et passent plus de temps en bloc opératoire qu'en salle de naissance, plus à l'aise dans la réalisation de césariennes que dans les actes sophistiqués d'obstétrique qu'ils ne réalisent plus par confort et par manque de savoir-faire. Nous assistons ainsi à la disparition programmée de l'école française d'obstétrique, qui a pourtant encore de beaux fleurons en exercice, mais qui sont sanctionnés systématiquement par les experts sus-cités en cas de procès (souvent intentés par les administrations et non par les patientes) pour leur dangereuse déviance.
  10. Mettre en place un suivi personnalisé des professionnels de la naissance pour évaluer sur l'ensemble d'une carrière les résultats de leur pratique et dépister les canards boîteux.
  11. Utiliser l'outil informatique pour développer l'étude épidémiologique et permettre d'améliorer les pratiques obstétricales sur des bases non plus empiriques mais statistiquement significatives.
  12. Relancer l'intérêt de la préparation à l'accouchement sans douleur actuellement délaissée du fait de la péridurale.

Ainsi, beaucoup de travail à réaliser car tout va mal dans ce domaine comme dans tous les autres de notre société. Un sursaut est indispensable pour cet événement qu'est la naissance. Les solutions existent donc, et l'urgence de leur mise en oeuvre est évidente. Celle-ci se fera par l'action des femmes qui décideront de la façon dont se passera ce moment magique et par le choix qu'elles revendiqueront. La contraception, l'IVG ont été des luttes difficiles; il est grand temps de se remobiliser pour le bien naître.

«Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que l'on n'ose pas, c'est parce que l'on n'ose pas que les choses sont difficiles. » (Sénèque)

Dr Thierry RICHARD
Gynécologue Obstétricien
Président de l'AFNA (Association Française de Naissance Aquatique)