Mortalité périnatale et morbidité parmi les bébés nés dans l'eau

Résumé et commentaires de Michel Odent sur l'article de Gilbert, R.E., et Tookey P.A. (1999). A landmark in the history of birthing pools. British Medical Journal, 319, p.483-7.

MIDwives Information and Resource Service (MIDIRS), vol. 10, no. 1, mars 2000. Repris par Midwifery Today, été 2000, no 54.


Cet article fait autorité pour plusieurs raisons :

  1. Les résultats sont obtenus a partir d'un grand nombre de naissances aquatiques : Les auteurs ont recherché les résultats de naissance de 4032 bébés nés dans l'eau entre Avril 1994 et mars 1996 en Angleterre et Pays de Galle.
  2. Les auteurs sont membres d'une équipe d'épidémiologie prestigieuse : le département d'épidémiologie et de santé publique(institut de santé de l'enfant de Londres)
  3. Ce rapport a été publié dans une revue médicale très respectable : British Medical Journal.

Méthodes

Plusieurs méthodes ont été combinées afin d'éviter tout risque d'omission.

Entre avril 1994 et mars 1996, tous les 1800 pédiatres des régions de l'étude ont été interrogés chaque mois par l'unité de recherche. Il leur était demandé de déclarer les cas de mort périnatale dont ils avaient connaissance qui répondaient à la définition de mort périnatale ou d'admission dans une unité de soins dans les 48 heures suivant un travail, ou un accouchement dans l'eau. Les résultats ont été comparés aux rapports confidentiels et obligatoires des morts nés et des morts périnatales.

Parallèlement un courrier est envoyé a toute les équipes de maternité afin de déterminer le nombre de naissances dans l'eau pendant le temps de cette étude.

Résultats

Il y a eu 5 morts périnatales parmi les 4032 naissances dans l'eau, soit un taux de 1,2 pour 1000.Ce taux est tout à fait comparable à celui observe pour les naissances sans risques qui n'ont pas eu lieu dans l'eau. De plus aucun de ces décès n'est imputable à la naissance aquatique : une mort in utero a été diagnostiquée avant l'immersion. Un autre décès s'est produit après une grossesse cachée et non suivie et une naissance sans suivi médical à la maison.; un bébé est décédé à la suite d'une infection herpétique au 3 eme jour ; Un bébé est décédé d'hémorragie intra crânienne 30 minutes après une naissance très rapide. Le dernier cas est celui d'un bébé décédé 8 heures après sa naissance mais l'autopsie a montre un hypoplasie des poumons.

34 bébés ont été admis dans des unités de soins pédiatriques, soit 8,4 pour 1000. Pour les naissances normales (sur terre sèche !) le taux de transfert en unité de soins pédiatrique est significativement plus élevé.

La naissance dans l'eau peut-être à l'origine d'aspiration d'eau chez deux bébés.

Commentaires et recommandations

Paradoxalement, cette étude portant sur 4032 bébés nés dans l'eau a été ignorée des médias, des cercles médicaux, ainsi que des militants de la naissance naturelle.

Pourtant cette étude marque un tournant dans l'histoire des naissances aquatiques. A partir de maintenant les sages femmes ne devraient pas se sentir prisonnières de protocoles stricts : dans un hôpital équipé d'une piscine pour la naissance, une naissance dans l'eau est susceptible de se produire de temps en temps, et ce fait doit paraître acceptable.

Les sages-femmes sont de loin moins anxieuses et interventionnistes si une naissance dans l'eau est considérée comme acceptable.

Cette étude est l'occasion de rappeler que les raisons d'être des piscines pour la naissance, n'est pas de faire naître le bébé dans l'eau, mais plutôt de faciliter le travail et de diminuer l'usage des analgésiques et autres interventions.

Recommandations

L'immersion dans l'eau à une température voisine de celle du corps, facilite le processus de la naissance, pour un temps d'immersion avoisinant les deux heures. (Ces faits ont été confirmés par une étude suédoise randomisée suggérant que les femmes qui bénéficient d'un bain à 5 cm ou plus de dilatation ont un travail court et une moindre consommation d'ocytocines et de péridurales.

Les physiologistes proposent une explication : en réponse à l'immersion le volume sanguin est redistribué (le thorax est mieux irrigué) favorisant la libération d'ANP (peptide natriuretique du coeur) par des cellules cardiaques spécialisées.

L'effet inhibiteur de l'ANP sur la glande pituitaire est lente, de l'ordre de 2 heures. Chez une femme en travail cet effet est précédé d'une analgésie donc un niveau réduit des hormones de stress, et une augmentation du taux d'ocytocine. Cet effet est amplifié par l'augmentation du taux d'ocytocine.

Il serait donc préférable de ne laisser la femme entrer dans l'eau qu'à 5 cm de dilatation. Une douche avant ce moment est un bon moyen d'aider le travail en patientant. (Le BMJ montre clairement que les femmes restent trop longtemps dans le bain, 3 heures en moyenne, elles y entrent avant ce moment de 5cm de dilatation.)

Il serait également préférable de ne pas planifier une naissance dans l'eau : Quand une femme fait le projet d'une naissance dans l'eau, elle peut devenir prisonnière de son projet, et rester dans l'eau alors que les contractions s'atténuent, risquant ainsi une expulsion et une délivrance longues. Ce risque n'existe pas quand la naissance dans l'eau est favorisée par une série courte de contractions irrésistibles.

Recommandations sur la température de l'eau : La température de l'eau ne doit pas dépasser 37° : deux décès de bébé ont été signalés après un séjour dans de l'eau très chaude (39°7 pour un de ces cas).

L'interprétation proposée, est que le bébé est à une température supérieure d'un degré à celle du corps de sa mère, et si la température est élevée le rythme cardiaque accélère et le foetus ne peut faire face à un besoin d'oxygène augmenté.

A l'aube d'une ère nouvelle de la naissance, si l'on respecte ces quelques recommandations, alors l'usage de l'eau en cours de travail fera une concurrence sérieuse à la péridurale. Alors aider une femme a patienter jusqu'à une dilatation de 5 cm apparaîtra comme un aspect nouveau de l'art d'être sage-femme.

Traduit par Françoise Bardes


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